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Les musiques et danses traditionnelles

Très schématiquement, on divise généralement les répertoires traditionnels philippins en trois familles : d’abord les traditions indigènes, puis les traditions d'influence hispano-européenne, également appelées « traditions folkloriques occidentalisées », et enfin les traditions d'influence américaine.

La musique des peuples autochtones est étroitement liée aux rites, cérémonies, événements majeurs de la vie : naissance, mariage, rites funéraires mais aussi plantation, récolte ou guérison tandis que celle d'influence hispano-européenne a été introduite pendant la période coloniale espagnole, comme le subli et le sanghiyang, cultes des ancêtres et des esprits assimilés à partir des traditions religieuses occidentales. Enfin, celle influencée par la période coloniale américaine reste dans les esprits pour avoir transformé la musique locale, notamment en améliorant la formation des musiciens.

S’appuyant sur plus de trois siècles de domination espagnole, c’est évidemment l’influence hispano-européenne qui est la plus palpable dans les traditions locales. On distingue par exemple l’âme espagnole au travers des rondallas, orchestres à cordes traditionnels nés dans l’Espagne médiévale et encore très présente en Catalogne. Mais aussi dans le harana et le kundiman, deux types de sérénades datant de la période coloniale. Dans les années 1920, les deux courants sont devenus plus populaires, des artistes comme Atang de la Rama, Jovita Fuentes, Sylvia La Torre (la « Reine du kundiman ») et Ruben Tagalog les ayant popularisés auprès d’un large public.

Cela étant dit, les formes traditionnelles musicales les plus remarquables sont celles associées à la danse. Les plus réputées - auprès des Philippins comme des touristes - sont sans doute le Tinikling et la Cariñosa (la danse nationale). Le premier est une danse très spectaculaire - exécutée au son de la rondalla - voyant deux ou plusieurs interprètes frapper des perches de bambou sur le sol, en coordination avec un ou plusieurs danseurs qui enjambent, sautent et réalisent toutes sortes d’acrobaties entre lesdites perches. Singulière et épatante, c’est l'une des pratiques chorégraphiques philippines les plus emblématiques et, en conséquence, officieusement une des danses nationales.

C’est également le cas de la Cariñosa, danse de séduction qui se distingue par l'utilisation d'un éventail et d'un mouchoir pour amplifier les gestes galants du couple.

Plus théâtrale, une autre forme chorégraphique populaire est le Singkil, relatant un épisode du Darangen - la version maranao du Ramayana, la grande épopée indienne. Il est toujours accompagné du kulintang, l’équivalent philippin du gamelan indonésien ou du piphat thaïlandais. Très traditionnel - et particulièrement emblématique de la musique philippine -, le kulintang est un cousin du xylophone qui peut s’apparenter à des marmites ovales en enfilade avec des couvercles. Chacune émet un son différent.

Un peu plus cantonné aux montagnes du nord de Luzon et certaines tribus de Mindanao, le pandanggo sa ilaw est une danse traditionnelle dérivée du fandango (pilier du folklore espagnol), tout en mouvements agiles exécutés avec une lampe à huile posée sur la tête.

La troupe folklorique philippine Bayanihan, fondée dans les années 1950, est la plus ancienne compagnie du pays et celle qui a acquis la plus grande renommée internationale. Elle s'est produite sur les scènes de 700 villes sur tous les continents et demeure toujours très attachée à son rôle de préservation autant que de valorisation des traditions chorégraphiques du pays. La compagnie est réputée pour son exécution parfaite du tinikling et du singkil.

Véritable trésor national, il est bon de noter que les danses traditionnelles inspirent et infusent largement dans la pratique contemporaine. Agnes Locsin, très célèbre chorégraphe et danseuse philippine, s’inspire par exemple beaucoup des danses des Bagobos.

L’archipel regorge de rendez-vous folkloriques pour approcher de près les musiques et danses philippines, à commencer par Bolibong-Kingking évènement qui leur est consacré, le Festival de Hungduan, en avril, qui célèbre la fin de la plantation du riz, le Festival Kadayawan Sa Dabaw, fête de l'abondante récolte de fruits et d’orchidées, le Festival des Lanzones qui met à l’honneur ce fruit tropical très sucré et ressemblant au litchi, ou encore le Festival de Naliyagan, six jours de manifestations socioculturelles des tribus de la vallée d’Agusan.

N’oublions surtout pas de mentionner le festival Ati-Atihan de Kalibo, le plus réputé de l’archipel. C’est l’une des fêtes les plus spectaculaires, en l’honneur du Santo Niño, parcourue de défilés incessants.

La musique populaire

Dans les années 1970, la popularité mondiale de la musique folk, du rock et du reggae ont coïncidé avec la guerre du Vietnam et la dictature de Marcos aux Philippines. Une époque qui a vu la musique traditionnelle devenir un véhicule pour la contestation, comme en témoigne la carrière d’Heber Bartolome, artiste visage de la résistance à la dictature de Marcos dont l’œuvre convoqua inlassablement les nombreuses traditions musicales philippines.

C’est aussi à cette époque que des artistes plus « grand public » tels que Freddie Aguilar ont connu le succès en introduisant de la musique traditionnelle dans le rock. Chanteur le plus populaire des Philippines, il est l’auteur de textes très engagés écrits en tagalog, comme sa chanson Bayan Ko (« Mon Pays ») - qui fut même l’hymne d’un mouvement de révolte contre le président Marcos en 1986.

Les années 1970 sont une période d’ébullition pour l’archipel. C’est également à cette époque qu’apparaît le Manilla Sound, un courant de soft-rock accrocheur, lisse et accessible, très influencé par la musique américaine (mais écrit en tagalog), souvent considéré comme la facette souriante de l'ère Marcos. Un mouvement qui a profondément marqué la musique locale et en a initié un autre : l’OPM.

L'Original Pilipino Music est un terme qui désignait à l'origine un type de chansons pop philippines, principalement des ballades. Aujourd’hui, le terme est devenu un fourre-tout pour toute la musique populaire composée et interprétée par des Philippins. Dans les années 1970, les artistes d’OPM populaires étaient les pionniers Danny Javier et son groupe APO Hiking Society,  Nora Aunor, la « Superstar » nationale, ou encore Claire dela Fuente, considérée comme la reine de la chanson en tagalog aux côtés de Rico J. Puno. Petit à petit, ces idoles ont été quelque peu supplantées par d’autres telles que Régine Velasquez (une star : plusieurs millions d'albums vendus aux Philippines en plus de trente ans de carrière), Kuh Ledesma qui s’exporte très bien ou encore Lea Salonga, connue dans le monde anglophone pour être la voix de deux princesses Disney : Jasmine dans Aladdin (1992) puis Fa Mulan dans Mulan (1998).

Icône encore et toujours, impossible de ne pas mentionner cet artiste hors du commun que fut Levi Celerio. Pilier de l’héritage populaire philippin, les compositions de cet homme simple savaient exalter les sentiments nationaux sur des mélodies entêtantes. Extrêmement prolifique, il reste célèbre pour le gigantisme de sa discographie (plus de quatre mille œuvres), ses chants de Noël immortels et  sa capacité à jouer de la musique harmonieusement avec rien d’autre qu’une feuille d’arbre (oui, oui). Il fut reconnu « artiste national de littérature et musique » en 1997, soit la plus haute distinction accordée aux artistes philippins.

Notons également que le pays a cultivé depuis les années 2010 une réponse locale à la K-pop et la J-pop : la Pinoy Pop (ou « P-Pop »). Grâce à la croissance économique rapide du pays et l’augmentation des investissements vers les artistes et labels, la qualité du genre a connu une croissance qui n’a d’égale que ses ventes. Stylistiquement, la recette est peu ou prou la même qu’en Corée ou au Japon avec des adaptation au marché national. Parmi les artistes de musique P-Pop célèbres qui pilotent le genre figurent 4th Impact, Sarah Geronimo ou encore SB19. Quelques icônes de l’OPM, comme Regine Velasquez, essayent également de pénétrer ce marché.

Les musiques actuelles

Depuis la naissance du genre, l’archipel a toujours adoré le rock. Mais récemment une jeune garde ose un peu plus et pratique un post-rock au son très atmosphérique. Après les pionniers Legarda, Moscow Olympics ou Monochrome, les bons groupes foisonnent comme Odd portés par un son aérien et minimaliste, riche en atmosphères vaporeuses ; Tide/edit plus « math rock » et percuté ou encore Earthmover, à la fois progressif et frénétique.

Ici aussi, le hip-hop a trouvé une terre d’accueil. Les Philippines sont d’ailleurs réputées pour avoir hébergé la première scène hip-hop d'Asie, apparue au début des années 1980, ce qui s’explique en grande partie par les liens historiques du pays avec les États-Unis. Ici les pionniers se nomment Francis M, Andrew E. ou Gloc-9, des vétérans qui ont pavé la route à la nouvelle vague d’artistes plus trap comme Abra, Shanti Dope ou Ex Battalion.

Depuis quelques années, la scène philippine se modernise et se professionnalise à tel point que le label américain Def Jam a ouvert une branche locale et que des rappeurs philippins comme Ez Mil parviennent à se faire remarquer aux États-Unis.