Géographie et population
Le pays est vaste, très montagneux et très diversifié dans ses paysages : littoraux presque subtropicaux du nord-est, régions méditerranéennes, steppe continentale de l'intérieur, plus de la moitié de sa superficie se situe au-dessus de 1 000 m d'altitude. En 2024, la Turquie comptait plus de 85 millions d'habitants, une augmentation de plus de 2 millions d'habitants comparé à 2022, même si sa dynamique a ralenti pour rejoindre les taux européens.
Ce sont les parties de la population les plus conservatrices ainsi que la communauté kurde qui maintiennent les comportements démographiques élevés. De plus, depuis son arrivée au pouvoir, Erdoğan encourage vivement la natalité, considérant le minimum d'enfants par femme à trois enfants. Il fait du poids démographique, face aux Européens, aux Balkans ou au bassin méditerranéen, une composante de la politique du pays. Pourtant, le taux de fécondité a diminué.
La Turquie est désormais un pays fortement urbanisé à plus de 75 %. Aux concentrations urbaines, où vit la majorité de la population et se rassemblent les activités, s'opposent de vastes zones rurales sous-peuplées et délaissées. Et ce contraste est amplifié par le manque de gestion des campagnes, l'absence d'une politique d'aménagement du territoire et l'inexistence de régions administratives.
Économie et politique
Depuis la fin des années 1980, la Turquie s'est engagée dans une transition vers une économie industrielle et de services. Elle exporte désormais principalement des produits manufacturés et des services. Toutefois, le secteur agricole reste fragile, toujours exclu de l'accord d'union douanière avec l'Union européenne en vigueur depuis 1996. Par ailleurs, l'économie informelle demeure très présente, notamment parmi les femmes, qui continuent de participer peu à l'économie formelle — la Turquie affichant toujours l'un des taux de participation féminine les plus faibles de l'OCDE.
Le dynamisme économique du pays a longtemps reposé sur les exportations, la production d'énergie et la consommation intérieure alimentée par le crédit, soutenue par la politique économique gouvernementale. Cependant, depuis 2018, la Turquie a connu une série de crises économiques et monétaires, culminant avec une inflation record de 85 % en 2022.
En 2025, la situation économique semble amorcer une amélioration. La Banque centrale turque prévoit une baisse de l'inflation à 24 % d'ici la fin de l'année, grâce à une politique monétaire plus rigoureuse, à la stabilisation relative de la livre turque et à la baisse des prix de l'énergie. Toutefois, la croissance ralentit (prévision de 2,6 % en 2025), le chômage augmente légèrement, et les inégalités persistent, en particulier en raison du poids important de l'économie informelle.
Sur le plan politique, la Turquie reste marquée par de fortes tensions internes, notamment autour de la question kurde, longtemps restée sans solution. Si des gouvernements successifs du Parti de la Justice et du Développement (AKP) ont tenté d'apporter des réponses, la répression militaire et les tensions en Syrie ont freiné tout dialogue durable. Cependant, en 2025, un tournant majeur est survenu avec la dissolution officielle du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), annoncée après plusieurs mois de négociations menées en secret avec la médiation de plusieurs acteurs internationaux. Cette décision, saluée par une partie de la communauté internationale comme un pas vers l'apaisement, n'a pas pour autant mis fin aux tensions. Les autorités turques continuent d'adopter une posture sécuritaire stricte dans les régions à majorité kurde, et l'instabilité régionale, notamment en Syrie et en Irak, rend toute réconciliation fragile.
En mars 2025, l'arrestation du maire d'Istanbul, Ekrem İmamoğlu, figure majeure de l'opposition, a déclenché une vague de manifestations dans tout le pays. Les protestataires dénoncent une dérive autoritaire du pouvoir, des atteintes aux libertés publiques, et une volonté présumée du président Recep Tayyip Erdoğan — au pouvoir depuis 2003 — de modifier la Constitution pour se maintenir au-delà de 2028. Ces événements ont conduit à des arrestations massives (plus de 2 000 manifestants), à des restrictions sur les réseaux sociaux et à un durcissement du contrôle des médias.
Sur la scène internationale, la Turquie maintient une posture diplomatique complexe. Malgré la guerre en Ukraine, les échanges commerciaux avec Moscou ont augmenté de 40 % dès 2022, et se poursuivent à un niveau élevé.
Par ailleurs, les relations diplomatiques avec Israël, suspendues pendant douze ans, ont été rétablies en 2022. Ce rapprochement traduit une volonté d'Ankara de diversifier ses alliances et de s'affirmer comme un acteur incontournable dans la région, malgré les critiques sur sa politique intérieure.
La question européenne
La Turquie a été candidate à l'Union européenne dès 1987, mais les Européens ne reconnaissent ce statut qu'en 1999. Cette volonté de rapprochement avec les instances européennes pousse le pays à mettre en place des transformations qui vont dans le sens des droits et des libertés. Mais l'entrée du pays dans l'UE ne cesse de faire l'objet de débats récurrents depuis 20 ans, car les enjeux liés à son acceptation soulèvent des questions d'ordre à la fois historique, religieux, démographique et géopolitique. Elle interroge les frontières du continent européen, le poids de l'islam, le poids politique de ce nouvel entrant, champion démographique, et bien d'autres pierres d'achoppement géopolitiques telles que la reconnaissance de la République de Chypre.
Aujourd'hui, avec tous ses potentiels, ses contradictions et ses zones d'ombre, une possible entrée de la Turquie au sein de l'Union européenne ne semble même plus envisagée. Les nombreuses mesures et dérives autoritaires du président turc Recep Tayyip Erdoğan n'arrangent en rien la situation, et sont autant de signes interprétés comme des « agressions ostensibles » à l'encontre des valeurs prônées par l'Union. En effet, le pays a bel et bien pris ses distances avec les interlocuteurs européens : arrestations arbitraires après le coup d'État manqué de 2016, omnipotence présidentielle, interventions militaires en Syrie, dénigrement de certains partenaires de l'UE, démonstrations de force en Méditerranée orientale, arrestation des opposants, etc. L'horizon de l'Union semble toujours bien loin…
Écologie
Concernant les domaines de l'environnement et de l'écologie, la Turquie est encore considérée comme un pays en voie de développement. Longtemps repliée sur elle-même, elle s'ouvre à l'économie libérale à partir de 1983, sous l'impulsion du Premier ministre Turgut Özal, succédant à un régime militaire. La suite est un film accéléré : boom touristique, secteur du BTP en pleine expansion, industrialisation massive, privatisations à grande échelle… un scénario classique. L'éclatement de l'URSS à la même période bouleverse les équilibres régionaux ; l'écologie n'est alors clairement pas une priorité.
En 2025, les lois environnementales existent mais sont encore difficilement appliquées. Le pays souffre d'un manque chronique de moyens, de lacunes éducatives et d'une faible mobilisation institutionnelle. Résultat : l'environnement figure toujours en bas de la liste des priorités gouvernementales.
La déforestation se poursuit, et l'érosion des sols menace gravement les terres agricoles. Environ 85 % du territoire turc est touché par ce phénomène à différents degrés, et près de 60 % dans un état alarmant. Le changement climatique accentue ces risques, notamment dans les zones arides du centre du pays.
Autre sujet sensible : l'énergie nucléaire. Après des années de controverse, la centrale d'Akkuyu, construite par la Russie, a reçu l'autorisation de mise en service fin 2023. Elle devrait couvrir à terme 10 % des besoins en électricité du pays. Deux autres projets sont à l'étude, malgré les inquiétudes persistantes des écologistes, qui dénoncent les risques sismiques et le manque de transparence.
Quant aux barrages, ils restent un point noir majeur. Pour répondre à la demande énergétique, l'État a poursuivi la construction de nombreux ouvrages hydroélectriques, souvent au détriment de la biodiversité et du patrimoine. Le cas tragique d'Hasankeyf, ville plusieurs fois millénaire engloutie en 2020 sous les eaux du barrage d'Ilisu, reste le symbole d'un développement priorisant l'efficacité économique au mépris de la mémoire et de l'environnement.
Le mouvement écologiste turc, apparu dans les années 1980, reste jeune et relativement fragile politiquement. L'article 56 de la Constitution de 1982 mentionne pour la première fois la notion d'environnement, suivi d'une première loi et de décrets conférant un rôle central à la Direction des Eaux (DSI). Mais les obstacles institutionnels et politiques restent nombreux.
Heureusement, des signes positifs émergent. Les ONG environnementales et la jeunesse militante sont de plus en plus actives, notamment sur les réseaux sociaux. Le dialogue environnemental avec l'Union européenne, bien que ralenti par la suspension du processus d'adhésion, se poursuit à travers des partenariats stratégiques et des projets de coopération (eau, agriculture durable, traitement des déchets). Par ailleurs, des projets concrets voient le jour : réhabilitation de bassins comme ceux du Gediz ou du Menderes, campagnes de reboisement à l'aide de technologies numériques, ou encore initiatives locales en faveur de l'agriculture durable, notamment dans les régions touchées par la désertification.
Cependant, le milieu maritime demeure négligé : pollution plastique, surpêche, rejets industriels, notamment en Méditerranée et en mer Noire. La Turquie a renforcé les amendes contre la pollution marine début 2025, mais les résultats tardent à se faire sentir. Inauguré en mars 2022, le pont des Dardanelles, avec ses 2 023 mètres de portée, relie désormais l'Europe et l'Asie. S'il incarne une prouesse d'ingénierie et un symbole d'unification, il suscite aussi des critiques sur l'impact environnemental d'un modèle de développement tourné avant tout vers la performance et la croissance.