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Art traditionnel

A Madagascar, la création traditionnelle est indissociable de l’objet artisanal. Les matériaux d’origine naturelle sont privilégiés, notamment le bois, la corne et les végétaux.  A cela s’ajoutent des matériaux recyclés comme le fer ainsi que des savoir-faire tels que l’art textile et lapidaire.
Les motifs et les thèmes que l’on retrouve dans toutes les formes de la création reflètent les croyances malgaches. Celles-ci varient selon les ethnies. Pour toute la population, le Cosmos est l’œuvre du Dieu Zanahary et les ancêtres font le lien entre Dieu et les vivants. A ce titre, il est essentiel d’obtenir la bénédiction des ancêtres par l’intermédiaire des offrandes et de la prière.

Les traditions des Zafimaniry

Derniers gardiens d’une culture du travail du bois, les Zafimaniry vivent dans les montagnes depuis le XIXe siècle et se transmettent leurs techniques depuis des générations. Ce peuple utilise une vingtaine d’espèces d’arbre destinées à des fonctions précises. Leurs précieuses connaissances en matière de foresterie et de travail du bois ont été classées au Patrimoine immatériel de l’humanité par l’Unesco. On pourra partir à la découverte du Pays Zafimaniry.
Le bois se retrouve dans tous les aspects de leur vie, que ce soit l’habitat, le mobilier ou les objets cultuels. Le bois est orné de motifs codifiés, dont certains sont hérités de la culture arabe. Parmi les plus courants, la toile d’araignée, ou tanamparoratra, représente la cellule familiale ;  les alvéoles de la ruche, ou papintantely, symbolisent la communauté.

Art funéraire

La statuaire malgache est essentiellement destinée au culte des ancêtres.
L’art funéraire connaît son essor à la fin du XVIIIe siècle, quand les familles aisées abandonnent la pierre au profit du bois sculpté. Les thèmes illustrés sur les sépultures concernent dans un premier temps l’amour et la mort. Peu à peu, les clans intègrent des emblèmes de leur puissance, motifs qui sont ensuite balayés par les colons qui préfèrent exalter la richesse et la réussite. Dans ce but, les familles passent commande aux artistes locaux qui font preuve d’une imagination inédite jusqu’alors. 
A la fin du siècle suivant, l’art funéraire suscite l’intérêt des collectionneurs. Cela s’accompagne d’une vague de pillages dévastatrice. Désormais, plusieurs sites sont classés au Patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco. Parmi les sites à visiter, signalons les tombeaux sakalava (entre les fleuves Tsiribihina et Mangoky dans la région du Menabe ) et plus au sud, les tombeaux mahafaly entre Tuléar et Fort Dauphin. Les peuples du Sud sont célèbres pour les poteaux en bois sculptés et peints qui se dressent sur les tombeaux.

L’Aloalo

Icônes de la culture malgache, ces poteaux sculptés étaient à l’origine réservés à la famille royale. Devenus des étendards de la richesse, ils surmontent des sépultures. Le nombre de totems représente le statut social du défunt.  Les plus récents sont  ornés de scènes qui illustrent le vécu du défunt. Peu d’artistes sont habilités à fabriquer ces poteaux funéraires, et transmettent leur savoir-faire de père en fils. Tous les sculpteurs travaillent à l’écart du village, dans la forêt, à partir d’un bois rare, le nendoravy.
L’aoalo se compose de deux parties : la partie inférieure décorée de motifs géométriques surmontés d’une pleine lune, le « volamiratse ». La partie supérieure, figurative, raconte la bonne fortune du défunt. Chaque élément est choisi pour représenter le parcours du disparu. Par exemple, le nombre de cornes de zébu correspond au bétail qu’il possédait.
Le sculpteur Efiaimbelo (1925-2006) a renouvelé le genre de l’aloalo. Membre du clan Temaromainte, il a hérité ses connaissances de son grand-père Soroboko. Sa volonté de moderniser cette technique ancestrale en introduisant une variété de couleurs ainsi que des motifs plus contemporains a attiré l’œil des spécialistes. C’est ainsi qu’Efiaimbelo a présenté ses sculptures en 1989 lors de l’exposition « Les Magiciens de la Terre », à la Grande Halle de la Villette à Paris. En 2018,  la galerie Perrotin de New York a rendu hommage à son travail.

Débuts de la peinture malgache

L’art de la peinture, introduit en 1826 par les Européens, se développe en lien avec la colonisation. Les premiers peintres malgaches sont contraints de se conformer à la politique culturelle coloniale. James Rainimaharosoa (1860-1926) est considéré comme l’un des premiers peintres malgaches connus. Le missionnaire britannique William Johnson lui inculque les bases du dessin et de la peinture. Il reçoit très jeune ses premières commandes, des portraits de militaires. Les plus connus montrent le Général Galliéni et sa famille. En 1900, Rainimaharosoa est invité à l’Exposition universelle de Paris, où son travail est salué par une mention honorable.
La génération suivante est incarnée par Henri Ratovo (1881-1929) considéré comme l’un des grands peintres classiques. Orphelin, Ratovo Ramboafiringa de son vrai nom grandit chez les frères jésuites.  Il présente très jeune des dispositions artistiques. Il devient chef de canton à Ambatolampy, mais rapidement, son succès de portraitiste lui permet de se consacrer exclusivement à son art. Tous les grands noms de son temps se bousculent dans son atelier. Ratovo pratique également l’art religieux. On peut admirer son Chemin de Croix dans la chapelle du collège Saint-Michel à Antananarivo ainsi que des représentations du calvaire sur les murs de la cathédrale d’Hell-Ville à Nosy-Be.
Joseph Ramanakamonjy, né vers 1898, se forme très jeune auprès de Stephan Rabotovao et de Ratrena. Malgré la reconnaissance internationale qu’il obtient, l’artiste a toujours eu à cœur de préserver son âme malagasy. Précurseur de l’aquarelle sur soie et d’un style naturaliste, il est salué pour son respect de l’identité malgache. En 1931, il représente son île à l’exposition coloniale de Paris. Décédé en 1984, un prix Ramanakamonjy est désormais décerné à un jeune talent malgache.
Disciple d’Henri Ratovo, Georges Razanamaniraka (1900-1944) rencontre un franc succès de son vivant. L’œuvre de son contemporain Roland Raparivo, qui se définit comme un conservateur classique, reflète tout autant les influences européennes nuancées d’apports africains.

Affirmation de l’art malgache

Les peintres malgaches sont pour la plupart autodidactes. En effet, depuis la disparition des Beaux-Arts d’Antananarivo en 1920, et des Ateliers d’arts appliqués en 1930, l’île n’abrite pas d’école d’art officielle. Quelques centres culturels proposent une initiation au dessin, dispensée par les artistes peintres. Certains se forment aux Beaux-Arts de Paris et participent aux grandes expositions françaises.
D’autres, que la vie conduit à séjourner à l’étranger, se nourrissent de leurs expériences pour faire bouger les lignes à leur retour. Ainsi, Victoire Ravelonanosy, née à Tananarive en 1910, apprend la peinture auprès d’une ancienne élève des Beaux-Arts de Paris. Ses premières œuvres sont des aquarelles représentant des paysans et sont vendues au marché. Envoyée en France pour se marier, l’artiste s’établit ensuite en Tunisie avec sa famille. Rentrée à Madagascar, elle fonde le centre artistique culturel malgache, puis à Paris, un centre France-Madagascar destiné à favoriser les échanges culturels. Son troisième projet est la création d’un musée d’art contemporain à Madagascar. Lors du premier Festival des arts nègres à Dakar, elle est désignée pour représenter l’art malgache. En 1974, elle est à l’origine de l’ouverture du musée d'art contemporain à Tananarive.
L’indépendance du pays, officialisée en 1960, s’est traduite par un rejet des influences extérieures et une renaissance de l’identité malgache. Dans les années 1970, la culture malgache est remise à l’honneur. Le mot d’ordre devient « Gasy ka manja » ou « Ce qui est malgache est beau ».

Art contemporain

Figure de proue de l’art contemporain malgache, Joël Andrianomearisoa naît en 1977 à Antananarivo. Il vit et travaille entre la France et sa ville d’origine. En 2019, il est le premier artiste à représenter Madagascar à la Biennale de Venise. Son art associe l’installation, la performance, le dessin, la photographie et l’art vidéo. Il enrichit sa démarche de savoir-faire traditionnels de Madagascar (tissus et végétaux) tout en développant une sensibilité à d’autres matières, comme le papier ou le plastique.
Les relations humaines sont questionnées dans ses créations. Il évoque le sentiment, l'amour, la passion avec Labyrinthe des Passions (prix Audemars Piguet - ARCO 2016) l'espoir aussi bien que la nostalgie.
Dans son projet  Sentimental Products, il détourne depuis 2010 des objets du quotidien avec humour. Dans l’esprit des ready-made de Marcel Duchamp, il présente un sachet de pinces à linge noires intitulé Sado Maso Party, ou un fagot de petit bois titré Les Feux de l’Amour. Ce projet bouscule également les lieux de l’art. Qu’elles soient exposées dans une pharmacie, un palace ou une boutique de mode, ces œuvres sortent résolument du cadre traditionnel.  
Sa rencontre avec le mécène Yavarhoussen se traduit par une collaboration à la direction de l’Hakanto Contemporary. L’espace ouvert depuis 2020 a pour ambition de valoriser l’art contemporain malgache sur le plan national et international. Ce lieu de rencontres entre les artistes et le public est gratuit.

Un bel avenir

Révélée par l’exposition Madagascar qui s’est tenue en 2018 au Musée du Quai Branly, et par le premier Pavillon de Madagascar lors de la 58e Biennale de Venise 2019,  la culture malgache commence à bénéficier d’initiatives privées indispensables, comme la Fondation H. Créée à Antananarivo en 2017 par le mécène Hassanein Hiridjee, la fondation décerne le Prix Paritana assorti d’une bourse de résidence en France. Lequel a été décerné en 2020 à Madame Zo, artiste tisserande engagée dans l’éco-récup’, récemment disparue.
L’Is’Art galerie est un lieu d’exposition d’art contemporain situé à Antananarivo, dans le quartier d’Ampasanimalo. Dirigée par l’association La Teinturerie, elle est l’une des adresses incontournables pour sortir. Le collectif est à l’origine du Festival art urbain Antananarivo créé en 2014. Parmi les représentants de l’art urbain malgache, Naty Kaly a fondé le collectif Taninjanaka (Terre des enfants) pour relier la terre des ancêtres aux générations futures. De son côté, Mat Li sensibilise à la cause environnementale à l’aide de son petit personnage aux yeux en croix.
Lauréat du concours Mother Jones – San Francisco, le photographe Pierrot Men voit le jour en 1954. A Fianarantsoa, il dirige le Labo Men, le plus grand laboratoire photo de la ville. Très tôt, il affirme sa préférence pour le noir et blanc. Ses séries ont pour thèmes la pêche, les paysans, les reflets, les rizières ou encore la ville. C’est toute l’âme de Madagascar qui se révèle à travers son objectif. A découvrir avant d’embarquer pour l’Île de tous les talents.