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Résoudre la crise de la dette

Le gouvernement du nouveau président zambien Hakainde Hichilema élu en 2021 table sur une croissance de son économie de 4 % par an à moyen terme. Il dit vouloir se concentrer sur la résolution de la crise de la dette du pays. Une urgence absolue alors qu’en 2021 le pays a été le premier en pleine pandémie de Covid-19 à connaître un défaut de paiement de sa dette souveraine, abyssale. Ce n’est pas une première puisque dans les années 1990, le pays avait déjà connu une crise similaire avec une dette représentant 260 % de son PIB. Cette fois, elle s’élève à 130 % de son PIB… Des mesures d’austérité inévitables qui sont au programme vont de nouveau miner les populations. L’inflation qui oscille autour de 10 % sur les denrées alimentaires et le carburant est venue en outre s’ajouter aux difficultés du quotidien depuis le début de la guerre en Ukraine. L’opposition ne va pas manquer de mobiliser une population excédée par les mesures d'austérité et s'allier avec les syndicats particulièrement puissants. Car la croissance de l’économie du pays, assez élevée, n’est pas de nature à réduire la pauvreté par l’inégalité de reversement des bénéfices de l'industrie des mines à une population qui n’en voit pas la couleur. Le nouveau président de la République a néanmoins rendu l'école gratuite pour tous jusqu'à l'Université et a investi dans le recrutement de professeurs et de personnels dans les hôpitaux.

Les mines à la rescousse de l'économie zambienne

On espère que le pays parviendra à éviter une crise politique et humanitaire et se relever économiquement grâce à de bonnes perspectives. En effet, la Zambie devrait augmenter ses exportations de cuivre, en raison de l'augmentation de la production nationale et de la demande mondiale de voitures électriques (qui utilisent deux fois plus de cuivre). Elle a aussi inauguré récemment une mine de nickel indispensable aux batteries de tous nos appareils électroniques (ordinateurs et téléphones en tête). Cependant, le ralentissement économique de la Chine – un partenaire commercial clé et le premier producteur de véhicules électriques – reste un risque pour l'économie zambienne.

La Zambie est le 2e producteur de cuivre d'Afrique, le 7e au niveau mondial (800 696 tonnes de cuivre en 2021) et un important producteur de cobalt (247 tonnes en 2021). Même avec une diversification économique, le secteur minier représente toujours le premier produit d’exportation du pays. Ce minerai qui a fait la fortune de la Zambie a aussi fait sa perte lorsque son cours s’est effondré au cours de l’histoire. Aujourd’hui, son cours au beau fixe redonne des couleurs à l’économie zambienne. Le prix du cuivre est passé de 8 569 $ la tonne en 2012, à 4 471,79 $ en 2016, avant de rebondir à 9 972,10 $ la tonne en 2022 ! Parmi ses infrastructures, près de Solwezi, Kansanshi est la 8e mine de cuivre au monde et principale mine d’or en Zambie. En 2021, elle a produit 202 159 tonnes de cuivre et 128 199 onces d’or. La mine de Mufulir au centre du pays est la plus grande mine souterraine d’Afrique où 10 000 fourmis humaines s’activent dans ses profondeurs.  Elle a produit 80 000 tonnes de cuivre en 2021. Non loin la mine de Nkana produit du cuivre mais aussi du cobalt. On peut citer aussi le complexe minier de Konkola près de Chingola, la mine de Lumwana près de Solwezi.
De plus, le sous-sol zambien (essentiellement la Copperbelt) recèle les plus grandes réserves mondiales de cuivre et de cobalt. Un nouveau projet vient d’être signé à Kalumbila concernant l’exploitation par First Quantum Minerals de gisements de nickel (utilisé dans les technologies), cobalt et cuivre, des éléments essentiels pour produire des batteries de véhicules électriques. Un projet qui prévoit la création de 18 000 emplois dans cette région.

En plus du cuivre et du cobalt, la Zambie dispose d’importants gisements de pierres précieuses (améthyste, aigue-marine, tourmaline, grenat et même diamant). Mais l’exploitation la plus remarquable est celle de l’émeraude dont la qualité est, selon les spécialistes, parfois comparable à celle des gemmes de Colombie. Bien que les premières émeraudes aient été découvertes dans le Copperbelt dans les années 1930, cette activité très lucrative s’est développée depuis une quinzaine d’années. La Zambie fournit 15 % de la demande mondiale d’émeraudes, avec des exportations massives vers l’Inde et Israël. L’or, l’argent, l’uranium, le charbon et le marbre viennent compléter la richesse du sous-sol zambien.

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Des problèmes de coupures d’électricité

L'hydroélectricité générée par ses barrages contribue à plus de 75 % de la production d'électricité de la Zambie. La Zambie subit des problèmes de coupure d’électricité, des délestages à chaque saison sèche depuis des années. Problèmes bien réels à Lusaka comme dans le reste du pays. En 2022, le ministre de l'Energie a annoncé le rationnement de l'approvisionnement en électricité des consommateurs domestiques à partir du 15 décembre – jusqu'à six heures par jour de délestage – suite à une forte baisse des niveaux d'eau dans le lac Kariba, menaçant la production d’hydroélectricité. Les niveaux d'eau dans le lac ont chuté à 4,1% du stockage utilisable pour la centrale électrique de Kariba North Bank en Zambie (capacité de 1 080 mégawatts) et de Kariba South Bank du côté zimbabwéen du lac (capacité 1 050 mégawatts). Pour éviter un arrêt complet des deux centrales électriques, l'Autorité du fleuve Zambèze a demandé au Zimbabwe de réduire la production à un maximum de 300 mégawatts et à la Zambie à un maximum de 800 mégawatts.

Des revenus du tourisme inégalement partagés

Longtemps resté en retrait par rapport à ses voisins d’Afrique australe, le tourisme zambien connaît depuis une dizaine d’années un boom exceptionnel et s’affiche comme un facteur de croissance important pour le pays. Favorisé par le développement des aéroports et des routes d’accès aux parcs nationaux, le secteur a également bénéficié du désamour des voyageurs pour le Zimbabwe. Le climat de stabilité politique et les performances économiques de la Zambie a favorisé l’afflux de capitaux étrangers et de touristes.
Comme le tourisme en Afrique australe repose essentiellement sur les safaris de luxe, il convient de protéger les animaux au sein des parcs nationaux, mission menée avec succès par la Zambian Wildlife Authority (ZAWA). Au fur et à mesure, les populations animales se reconstituent dans les parcs. En parallèle, les investisseurs étrangers bénéficient de taxes considérablement allégées. De fait, les propriétaires et responsables des hôtels, lodges et agences sont pour la plupart des Zambiens blancs, des Européens ou des Sud-Africains. Le personnel de ces lodges, y compris les guides de safaris, est souvent recruté dans les villages des alentours. Le tourisme apparaît ainsi comme un facteur essentiel de développement rural et de mise en valeur des communautés. Mais les salaires des petites mains (femmes de ménage, jardiniers, masseuse) sont souvent malheureusement très bas en comparaison des profits tirés par les lodges de luxe et ces populations subsistent difficilement, sauf si elles accèdent à des postes clés comme guide de safari. Néanmoins, le Zambia National Community Resources Board Association (ZNCRBA) déplore que depuis la transformation de la ZAWA en département national des parcs et wildlife, la manne financière n’a pas été reversée aux villageois.

Les chasses aux lions scandalisent l’opinion publique

Les lions devraient s’éteindre en 2050 selon des estimations scientifiques. S’ils sont seulement 20 000 actuellement, il n’en restera que 10 000 en 2035 avant leur extinction finale accélérée par l’appauvrissement génétique sur la fin. Pourtant, la chasse est autorisée alors que l’espèce est décimée à plus de 40 % en 20 ans. En Zambie, comme dans d’autres pays de safari du continent (Afrique du Sud, Tanzanie, Zimbabwe, Botswana…) sa chasse est légale et autorisée. La chasse aux trophées a toujours été théoriquement strictement contrôlée et restreinte à des zones bien précises, les Game Management Area (GMA). Il est vrai que l’abattage de certaines espèces trop nombreuses dans les savanes ne pose pas de problème particulier aux défenseurs de la nature, au contraire, on sait que l’argent bénéficie à la gestion des parcs et aires protégées et qu’une surpopulation animale n’est pas toujours bonne pour un écosystème. Des quotas de chasse sont établis en fonction des espèces et des saisons. En revanche, le quota de chasse est très controversé quand l’espèce est menacée d’extinction, ou considérée comme vulnérable. Pour le citoyen lambda inquiet de voir des espèces comme les lions disparaître de la planète, il est inadmissible d’ôter la vie légalement à un animal menacé d’extinction. Ce crime apparaît particulièrement odieux lorsqu’il est perpétré par simple amusement.  Si l’argument majeur en Zambie est de donner des autorisations de tuer des « vieux lions » qui ne seraient donc plus aptes à se reproduire, il n’est en rien justifié par la nécessité de les tuer. Au contraire, cela déséquilibre grandement la sociologie des groupes de la région, car les vieux mâles ont un rôle. Leur mise à mort contribue à raréfier les félins pourtant déjà peu nombreux en Zambie. On peut alors se demander quelle éthique ces pays peuvent avoir en matière de protection animale. La manne financière est bien sûr la justification première de ces autorisations. Ce marché rapporte en moyenne entre 13 500 et 49 000 US$ par lion abattu. De plus, les chercheurs et guides ont constaté que certains mâles disparaissaient en passant de l’autre côté de la frontière des parcs, tués par des chasseurs qui les attirent hors de leur sanctuaire, laissant des lionnes avec des portées sans mâle protecteur.
Au Zimbabwe, la photo d’un dentiste américain devant la dépouille du vieux lion Cecil, le plus connu du pays, attiré hors du Hwange National Park illégalement et tué après 40h de traque, dépecé de son collier émetteur, avait ému et indigné la planète entière en 2015. Idem à South Luangwa, la mise à mort programmée de Ginger, l’une des mascottes du parc avec son frère et compagnon Salt, a été évitée de peu aux abords du parc national où ils étaient installés. C’est la couleur de son pelage et de sa crinière anormalement sombres qui l’a sauvé des chasseurs. L’autorisation d’abattage a été suspendue de justesse suite à des oppositions locales, par peur de l’émoi que peut créer une telle mise à mort telle que celle de Cecil. Ils ont depuis été abattus légalement par un chasseur dans son bon droit à la frontière du parc… La baisse de la population des lions est actuellement étudiée par les chercheurs du Zambian Carnivore Program à South Luangwa grâce à des colliers émetteurs.

Les éléphants, des trophées tout aussi controversés

Parmi ces trophées autorisés d’importation aux USA et en Europe : les défenses en ivoire d’éléphants. Une espèce classée vulnérable, car il ne reste plus qu’environ 415 000 éléphants en Afrique contre 10 millions dans les années 1930. En Zambie, on estime que 90 % de la population d’éléphants aurait été décimée à l’heure actuelle. Particulièrement dans les années 1970 et 1980, où les parcs nationaux de Zambie, bien loin des yeux du monde, étaient un terrain de jeu privilégié pour les braconniers. Les éléphants, plus gros animaux terrestres, payèrent un lourd tribut. À cette époque, un kilo d’ivoire se vendait 300 US$. En 1990, la Cites (Convention sur le commerce international des espèces menacées d’extinction ) interdit le commerce de l’ivoire. Des rangers sont mobilisés et, grâce aux efforts conjugués du gouvernement, de la ZAWA et des organismes de protection de la nature, les populations se sont peu à peu reconstituées. Il n’en resterait que 22 000 dans le pays, principalement à South Luangwa. Le Botswana est leur sanctuaire africain, qui compte plus de 70% de la population des éléphants d’Afrique rescapés du grand massacre avec 293 000 éléphants. Mais ce pays comme la Zambie autorise la chasse aux trophées d’éléphant pour sa lucrative économie. Pratique accentuée depuis que l'ancien président américain, Donald Trump, a autorisé de nouveau l’importation de trophées d’Afrique en 2017 aux USA. Argument avancé : cela réduirait les risques de conflit avec des populations locales, et reverse de l’argent aux communautés locales. En réalité, elle est totalement financière. En 2017, un chasseur posait assis sur le dos d’un éléphant fraîchement abattu en Zambie, un « iconic tusker », un éléphant avec d’immenses défenses, le plus gros jamais tué depuis une bonne dizaine d’années. Drôle de publicité. Mais cela traduit une réalité : la chasse aux trophées est autorisée dans la Luangwa Valley, sur Kafue Flats et sur le Bangweulu Swamp, dans des aires de conservation gouvernementale ou dans des ranchs privés. Et les éléphants les plus âgés, qui détiennent le savoir indispensable aux hardes pour survivre, sont abattus de préférence.

Le U.S. Fish and Wildlife Service a proposé en novembre 2022 de nouvelles restrictions sur les importations américaines de trophées d'éléphants d’Afrique. Il ne s’agit pas d’une interdiction pure et simple, mais de fournir une certification annuelle pour garantir que les populations d'éléphants sont stables ou en augmentation, la règle proposée interdirait les importations d'éléphants en provenance de pays dont les lois nationales sur la faune sauvage ne satisfont pas aux exigences de la Convention sur le commerce international des espèces menacées d’extinction. Or la Zambie, mais aussi le Botswana, le Mozambique et la Tanzanie ont actuellement une législation nationale qui peut ne pas répondre aux exigences de la CITES et ne seraient probablement pas autorisés à exporter des trophées d'éléphants aux États-Unis. Ce qui nuirait considérablement au business des trophées en Zambie.