Un pays peu peuplé
Le Paraguay compte 6,4 millions d'habitants, sur un territoire de 406 752 km². Sa densité est faible mais la répartition géographique est très inégale, entre une partie orientale représentant 39 % du territoire, où vit 97 % de la population, et une partie occidentale, 61 % du territoire et 3 % de la population. 62 % des Paraguayens résident en zone urbaine. Asunción est la ville la plus peuplée, avec (seulement) 462 000 habitants en 2022. Le nombre d'habitants a tendance à diminuer au profit du Gran Asunción, l'aire métropolitaine qui compte 2,4 millions de personnes. Le Paraguay est traditionnellement un pays d'émigration : plus d'1 million de Paraguayens vivent en dehors des frontières, principalement en Argentine, au Brésil et en Espagne. L'émigration est surtout économique et non plus politique comme sous la dictature. Phénomène nouveau, de plus en plus d'émigrants qui vivaient en Argentine reviennent au Paraguay, en raison de la situation économique et politique moins favorable qu'il y a quelques années, surtout depuis l'arrivée à la présidence de Javier Milei.
Une population métissée
95 % des Paraguayens sont métis, un métissage européo-amérindien assez homogène, qui a longtemps constitué le ciment de cette nation. Le métissage a commencé dès le XVIe siècle, avec les unions entre les conquistadors espagnols et les femmes guaranies. Leurs enfants constitueront les bases de l’identité paraguayenne. Élevés par leurs mères, les enfants baignent dans les traditions indigènes, transmises en guarani. Cette langue sera le véhicule d’une culture guaranie omniprésente de nos jours, dans un pays où paradoxalement il reste très peu d’Indiens guaranis.
Les groupes autochtones
Lorsque l'on parle des populations amérindiennes du Paraguay, on a tendance à ne évoquer que les Guaranis. Or, le pays compte 19 ethnies, réparties en 5 grandes familles linguistiques : Guaraní (Aché, Avá Guaraní, Mbya, Pai Tavytera, Guaraní Ñandeva et Guaraní Occidental), Maskoy (Toba Maskoy, Enlhet Norte, Enxet Sur, Sanapaná, Angaité y Guaná), Mataco Mataguayo (Nivaclé, Maká, Manjui), Zamuco (Ayoreo, Ybytoso, Tomarâho) et Guaicurú (Qom). Les Mbya Guaraní représentent la plus forte population indigène, suivie par les Ava Guaraní et les Nivaclé. Les Guaraní vivent principalement dans la région orientale, tandis que la plupart des autres peuples indigènes habitent le Chaco au côté des Mennonites.
Moins de 2,3 % de la population paraguayenne s'identifiait en 2022 comme indigène, mais ces communautés représentent une part essentielle de l'identité du pays. Pourtant, leurs droits fondamentaux sont constamment violés. Bien que le Paraguay ait ratifié la Convention 169 de l'Organisation internationale du travail, ils sont victimes d'importantes discriminations de la part de l'État et d'une partie de la société non indigène. Partout, l'avancée de l'élevage et la déforestation menacent leurs terres. C'est le cas notamment des Ayoreo-Totobiegosode qui vivent dans les forêts du nord du Chaco. Une partie d'entre eux demeure totalement isolée, sans contact avec ce que l'on appelle la « civilisation ». C'est le dernier groupe non contacté d'Amérique en dehors du bassin amazonien et sa survie est de plus en plus menacée.
La culture indigène se transmet par les langues, les mythes, l'artisanat et des pratiques de subsistance traditionnelles : chasse, pêche, agriculture. On peut acheter leur artisanat (colliers de graines, paniers en fibres naturelles, etc.) ou visiter des villages, mais il est très important de toujours s'y rendre via des projets encadrés, afin de préserver leurs modes de vie et leur dignité. Des réserves comme celle de Mbaracayú ou de Moisés Bertoni permettent de découvrir leur environnement ancestral dans des conditions respectueuses des populations. On peut également visiter divers espaces spécialisés, comme le Circuit Vivencial del Mundo Guaraní à Yguazú, ou le Centro de Interpretación del Gran Chaco Americano à Filadelfia.
Un pays pluriculturel
Au-delà du métissage hispano-guarani et des peuples indigènes, d'autres populations sont venues enrichir le paysage humain et linguistique du pays. Le Museo de los Inmigrantes du Cabildo d'Asunción expose avec beaucoup de détails l'histoire des différentes migrations au Paraguay. Les communautés cohabitent bien mais se mélangent peu. La société paraguayenne se construit aujourd'hui davantage sur l'interculturalité.
Les Français. Ce sont les premiers à avoir émigré dans le pays pour former une colonie agricole. C'était en 1855, sous Carlos Antonio López, avec la création de Nueva Burdeos (Nouvelle Bordeaux), dans le Bajo Chaco, localité aujourd'hui connue sous le nom de Villa Hayes. On peut lire à ce sujet Une colonie française au Paraguay : la Nouvelle-Bordeaux (2005) de Guido Rodriguez Alcala et Luc Capdevila.
Argentins, Brésiliens, Européens et Australiens. Dans les années 1870, après la Guerre de la Triple Alliance, de nombreux Brésiliens et Argentins s'installent dans ce pays à la population décimée. À partir des années 1880, ce sont des milliers d'étrangers qui débarquent par vagues successives. Ils sont Italiens, Espagnols, Allemands ou Australiens.
Les Allemands. En 1886, 14 familles allemandes fondent la Neues Deutschland (Nueva Germania). Derrière cette colonie agricole, se cache le projet politique fou du Dr Bernard Förster, marié à Elisabeth Nietzsche, la sœur du philosophe. Le couple souhaite fonder une cité basée sur la « pureté de la race ». Le rêve aryen est un échec et Förster se suicide. La localité, qui existe toujours, est marquée par une grande pauvreté et de graves problèmes de consanguinité. À lire, le roman Nietzsche au Paraguay (2019), de Nathalie Prince. Sans rapport idéologique avec Nueva Germania, de nombreux Allemands s'installent au Paraguay jusque dans les années 1930. Ces familles ne doivent pas être confondues avec les 300 nazis qui trouvèrent refuge dans le pays sous la dictature de Stroessner (lui-même de descendance allemande), comme le sinistre Josef Mengele. La très grande majorité des Paraguayens de descendance allemande n'a rien à voir avec ces criminels de guerre, il est bon de le préciser.
Russes et Japonais. Dans les années 1920, des Russes fuyant la révolution bolchévique s'implantent dans le département d'Itapúa. Certains s'engagent au côté des Paraguayens dans la Guerre du Chaco. L'immigration nipponne commença à La Colmena entre 1936 et 1941, puis se poursuit entre 1952 et 1970, dans d'autres colonies, comme La Paz, Pirapó ou Yguazú.
Ukrainiens, Polonais, Allemands, Taïwanais, Libanais. Après la Seconde Guerre mondiale, des Ukrainiens, Polonais et Allemands viennent travailler dans la région d'Encarnación. À partir de 1965, ce sont des milliers de Coréens, qui tiennent aujourd'hui la plupart des petits commerces, et le terme « coreano » désigne souvent l'épicerie du coin dans le langage courant. À partir des années 1970, ce sont des Taïwanais et des Libanais qui s'installent à Ciudad del Este.
Les « Brasiguayos ». Cette contraction de Brasileños et de Paraguayos désigne les Brésiliens qui vivent dans l'est du Paraguay, le long de la frontière. Ils seraient plus de 500 000, ce qui en fait la première minorité du pays. Les pionniers brésiliens sont arrivés dans les années 1960, attirés par des terres fertiles bradées par Stroessner. Ils détiendraient aujourd'hui plus de 80 % des champs de soja au Paraguay. Dans certaines bourgades, le portugais et le réal sont la langue et la monnaie d'usage.
Les mennonites. Encore une curiosité paraguayenne ! Les mennonites sont environ 30 000 au Paraguay et leurs coopératives représentent une force économique de poids, plus de 80 % de la production laitière par exemple. Il ne s'agit pas d'un groupe ethnique, mais d'une congrégation évangélique née au milieu du XVIe siècle, au moment de la Réforme de l'Église. Réunis autour de Menno Simons (1496-1561), les mennonites ont établi des principes stricts tirés de la Bible. Le pacifisme, le baptême volontaire, le refus du serment et la séparation de l'Église et de l'État sont quelques-unes des règles pour lesquelles ils ont été persécutés pendant des siècles. Pour continuer de pratiquer leur foi, les mennonites ont dû migrer à travers le monde. En 1920, le président paraguayen Manuel Gondra rencontra un homme d'affaires qui cherchait des terres pour un groupe mennonite canadien qui refusaient de se voir imposer l'enseignement en anglais, au lieu du plattdeutsch (bas-allemand, langue vernaculaire des mennonites). Le vaste Chaco, aux frontières floues avec la Bolivie, ne demandait qu'à être peuplé. Une loi de 1921 exempta les mennonites du service militaire, autorisa l'usage du plattdeutsch dans les écoles et offrit une grâce fiscale de dix ans dans la future colonie. Il faut attendre 1927 pour que la première colonie soit fondée au milieu du Chaco à Loma Plata. Puis des mennonites d'autres origines arrivent. La colonie Fernheim à Filadelfia est fondée en 1930 par des Russes. Puis Friesland en 1937, Neuland et Volendam en 1947. En 1948, des Canadiens fondent les colonies de Sommerfield et Bergthal (Caaguazú). Entre 1967 et 1983, des États-Uniens et des Mexicains fondent Luz y Esperanza, Agua Azul, Florida, La Montaña, Rio Verde, Santa Clara, Manitoba et Nueva Durango. Au total, on compte aujourd'hui 17 colonies mennonites au Paraguay. Un bon millier de mennonites vivent également à Asunción. À l'exception des groupes en provenance des États-Unis, les mennonites parlent tous l'allemand et le plattdeutsch. On trouve plus d'une centaine d'églises aux pratiques religieuses plus ou moins orthodoxes et traditionalistes. Certains vivent à l'ère de l'IA et du 4x4 climatisé, tandis que d'autres circulent toujours en calèche (refusant l'usage du moteur) et portent des habits d'une autre époque.
Kambá Kuá
Dans son exil au Paraguay en 1821, le héros uruguayen de l’Indépendance, José Artigas, est accompagné de 400 soldats, des noirs en majorité. Ces derniers reçoivent des terres à Loma del Campamento, aujourd’hui Kambá Kuá, devenu un quartier de Fernando de la Mora (Gran Asunción). Leurs descendants sont pour la plupart métis, mais ont conservé des traditions d’origine africaine. Le 6 janvier, pour la Saint-Balthazar, a lieu un festival de danses traditionnelles, où l’on célèbre le Saint Noir et le Soleil, au rythme des tambours.
Un pays bilingue
L'article 140 de la Constitution de 1992 dispose que le Paraguay possède deux langues officielles : l'espagnol et le guarani. Le guarani est ainsi la première langue amérindienne à avoir été reconnue comme langue officielle dans les Amériques. Le guarani est d'ailleurs la première langue parlée au Paraguay, devant l'espagnol. C'est la langue de la vie quotidienne, une langue imagée, riche et poétique, le véritable vecteur de la culture paraguayenne. L'espagnol est souvent considéré, à la campagne, comme une langue étrangère, qui ne sert que pour les démarches administratives. Le guarani est en effet avant tout une langue orale, même si la tendance actuelle est que les papiers officiels soient rédigés dans les deux langues.
Environ 90 % des Paraguayens parlent le guarani à des degrés divers, 60 % parlent l'espagnol. 40 % ne parlent que le guarani, 7 % ne parlent que l'espagnol. La prédominance du guarani est absolue à la campagne, moins dans les villes, en particulier à Asunción. C'est surtout parmi les classes sociales les plus élevées que l'on communique en espagnol. Dans la capitale, on s'adressera à vous en espagnol, mais il est très courant d'entendre les gens parler entre eux le guarani, mais surtout le jopará (ou guarañol), un mélange des deux langues : un espagnol truffé de mots guaranis, ou inversement, certains mots de la vie moderne sortent en espagnol au cours d'une conversation en guarani. L'espagnol parlé au Paraguay est légèrement différent du castillan d'Espagne, avec un accent bien particulier et l'usage du vos, comme en Argentine. Quant aux Indiens guaranis (Aché, Mbyá…), ils parlent le guarani originel, pas forcément compréhensible par les locuteurs du guarani courant. Certains instituts d'Asunción, comme CELPE et IDIPAR, proposent des cours de guarani et d'espagnol aux étrangers.
Les langues indigènes du Paraguay par familles linguistiques et ethnies :
Tupí-guarani : Aché, Mbyá, Avá guarani (chiripá), Pãi-Tavyterã, Guarayo-Chiriguano, Ñandeva (Tapiete).
Lengua-maskoy : Enxet du Nord, Lengua-Enxet, Sanapaná, Toba-Maskoy, Angaité, Guaná.
Zamuco : Ayoreo, Ybytoso, Tomárahõ.
Mataco-mataguayo : Nivaclé (chulupí), Maká, Manjui (chorote).
Guaicurú : Toba-Qom.
Autres langues. En dehors des descendants des migrants européens ou asiatiques qui continuent souvent de communiquer dans la langue d'origine de leurs aïeux, les principales langues parlées par les Paraguayens sont l'allemand et le portugais, ou plutôt le «portuñol», mélange d'espagnol et de portugais. L'anglais est peu pratiqué, tout comme le français, même si l'Alliance française et le lycée Marcel Pagnol d'Asunción comptent de plus en plus d'élèves.