Horaires
Les horaires habituels d'ouverture des magasins sont similaires à ceux en France, ils ferment peut-être un peu plus tôt pour certains vers 18h. Les bons plans consistent à se rendre dans des villages d'artisans spécialisés dans un type de fabrication (poterie, tisserands, forgerons, etc.), qui sont surtout présents dans les campagnes et lus particulièrement dans le nord du pays, en région Sénoufo. Il faut s'y rendre en journée pour voir les artisans à l'œuvre. Abidjan regorge de magasins de créateurs, designers et de concept stores fashion qu'il serait dommage de ne pas visiter pour rapporter de beaux souvenirs et cadeaux.
Budget / Bons plans
Les pagnes. Contrairement à une croyance communément admise, le pagne imprimé sous cire dit « wax » n'est pas un tissu d'origine africaine, mais un tissu étranger, amalgame de traditions techniques indonésienne et hollandaise, qui a si bien « pris » sur le continent qu'il a fini par coloniser les esprits et devenir un symbole revendiqué de l'Afrique alors qu'il représente en fait une part imposée de son identité. C'est au Ghana, escale de la route des Indes, que commence l'épopée du pagne. À cette époque, les navigateurs hollandais ont bon espoir de troquer les étoffes ramenées d'Indonésie contre les richesses du Ghana, que l'on appelle encore la Côte-de-l'Or. Mais les tissus en question ne répondent pas aux critères locaux et devront donc être retravaillés afin de satisfaire à la demande. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le premier wax de fabrication hollandaise (« Marianne ») est introduit en Côte d'Ivoire et, dès 1934, l'industriel Van Vlissingen (qui donnera son nom à l'entreprise Vlisco) observe avec satisfaction que la plupart des Bassamois portent des tissus produits dans son usine. Curieux destin que celui du pagne, emblématique de la culture africaine et pourtant conçu en Europe, où des créateurs isolés dans leurs ateliers projettent leurs fantasmes de cet ailleurs lointain sur des tissus destinés à être exportés en Afrique. Par le biais du motif, les pagnes se font en effet le creuset d'interactions culturelles multiples puisque, outre les créateurs occidentaux, ils sont dessinés sur place par des artistes recrutés dans les différentes écoles d'art que comptent le pays, écoles qui elles-mêmes accueillent en leur sein de jeunes gens ayant essaimé d'un peu partout dans la sous-région. Les spécificités des motifs refléteront ainsi de façon plus ou moins marquée celles des origines de leurs dessinateurs. Qu'ils soient graphiques, rythmiques, descriptifs, floraux ou ethniques, ces motifs empruntent leurs particularités à des textiles aussi variés que la toile de Korhogo, le bogolan, le raphia ou les tissés akan, particularités qu'ils transcrivent dans le langage du pagne. Bien que la Côte d'Ivoire soit dotée de plusieurs unités de production (dont la célèbre usine Uniwax), les pagnes hollandais jouissent encore d'un prestige inégalé qui se traduit avant tout en termes de prix, comme le démontre l'exemple des wax-print de Vlisco, les plus chers et les plus cotés sur le marché. Ainsi, bien qu'elles en connaissent pertinemment l'origine, les consommatrices de pagne continuent de revendiquer le wax comme un produit typiquement africain. Élément clé de cette (ré) appropriation, la dénomination du tissu, garante de sa viabilité sociale et culturelle. C'est aux vendeuses semi-grossistes, les célèbres Nana Benz, que l'on doit ce phénomène. Véritables tendanceuses, elles sont les premières à voir le tissu à sa sortie de l'usine et seules capables de reconnaître un pagne à succès. Les pagnes ainsi nommés deviendront des « classiques » qui marqueront leur temps avec plus ou moins de bonheur selon qu'ils durent ou non, au même titre qu'un tube indémodable ou la chansonnette de l'été. Un classique qui a vraiment réussi devient un pagne « champion », attribut indispensable se devant de figurer dans la garde-robe de toute élégante qui se respecte. Le classique se déclinera en différentes couleurs selon les régions du pays où il est vendu : plutôt dans les tons ocre pour le Nord, et plus coloré à mesure que l'on descend vers le Sud. Certaines mères conserveront même leurs classiques de nombreuses années sans les porter pour les offrir à leur fille au moment du mariage, leur garantissant ainsi l'indépendance financière en cas de besoin tout en assurant la pérennité du patrimoine familial. La parole graphique du pagne, qui fait dire au corps plus qu'à la bouche, véhicule ainsi un message implicite, tissant un réseau muet d'affinités et/ou de concurrences inter-individuelles. Les noms donnés aux pagnes se révèlent en outre un excellent indicateur des phénomènes sociaux du moment. Tout y passe : depuis les séries télévisées (« Dallas ») jusqu'aux pagnes dits « urbains » (« Yamoussoukro goudron », « Abidjan c'est technique »), en passant par les pagnes historiques, retraçant les aléas de la vie politique et économique du moment (« Conjoncture », lors de la crise économique des années 1980 ; « La puissance de Laurent Gbagbo », ou plus récemment le pagne « Troisième pont », célébrant l'achèvement de l'ouvrage d'art attendu depuis tant d'années). Parmi les « best-sellers », les pagnes des insoumises (« Ton pied mon pied », « Si tu sors je sors »), ceux des épouses trompées (« œil de ma rivale », bien pratique pour faire passer le message au mari infidèle sans se l'aliéner davantage en lui criant dessus ; également utilisé pour signifier à sa rivale que l'on sait) et enfin, les pagnes de représentation sociale (« Mari capable » affiche avec fierté l'aisance financière du conjoint ; « Poisson à la braise » révèle un style de vie aisé avec sorties répétées au maquis). Un mot aussi des pagnes ponctuels ou commémoratifs, qui mettent en avant un évènement particulier, comme le pagne édité en 1982 à l'occasion de la venue en Côte d'Ivoire de François Mitterrand, et sur lequel on pouvait voir des médaillons à l'effigie des présidents français et ivoirien en compagnie de leurs épouses respectives, le tout sur fond bleu ou vieux rose. Cependant, il n'y a pas que les motifs qui attestent de la qualité du pagne et du statut de celle qui le porte, et celui-ci se décline en plusieurs catégories dont les qualités textiles et esthétiques induisent déjà en soi une différenciation sociale : wax hollandais, anglais, ivoirien, java, fancy, soso, etc., le hollandais restant le must et démontrant le degré de respectabilité et d'aisance financière de celle qui s'en revêt. Le fancy, par exemple, imprimé sur une seule face avec des procédés techniques moins complexes que le wax, offre une moins bonne qualité de tissu et ses couleurs se délaveront assez rapidement. Traditionnellement utilisé pour les travaux dans les villages, il a longtemps été assimilé au pagne du pauvre. Le prestige dépendant également des modèles et des coupes selon lesquels sont assemblés les tissus, petit fancy deviendra grand, revalorisé par les soins d'un tailleur habile qui le transformera en maxi, création purement citadine se composant d'un haut, d'une jupe longue et d'une troisième pièce d'étoffe, généralement attachée au niveau des fesses ou nouée en mouchoir de tête.
C’est très local
S’il est une capitale africaine où la mode est reine, c’est bien Abidjan, lieu de convergence de toutes les tendances, d’où ont essaimé certains des plus grands créateurs, et où même ceux qui sont sans le sou trouvent toujours le moyen de rester in. Il suffit pour s’en apercevoir d’observer le spectacle permanent qu’offre la rue, notamment à la tombée du jour, lorsque les décibels commencent à envahir maquis et boîtes à la mode, et que la jeunesse insouciante, tour à tour chaloupée et frimeuse, se dévoile dans un incessant défilé. Que ce soit chez les Noirs ou chez les Blancs, ici l’apparence a une importance capitale. Chez les nantis, fils à papa et autres faroteurs chevronnés, ce ne sont que vêtements de marques, bijoux tape-à-l’œil, lunettes griffées, accessoires dernier cri et chaussures italiennes battant fièrement et ostensiblement le pavé, au point que les fameux sapeurs congolais peuvent désormais... aller se rhabiller. Pour ceux qui ont moins de moyens, reste toujours l’alternative du yougou-yougou, fripe européenne bon marché importée en masse par les Libanais, mélangée, assemblée et assortie en tenues toujours plus inventives et exubérantes. Heureux bénéficiaire de cet art de la récupération qui caractérise beaucoup de créations artistiques ivoiriennes, le styliste Étienne Marcel (il doit son nom à ses débuts dans le quartier du Sentier à Paris), initiateur du phénomène vestimentaire connu sous le nom de « farot-farot » et idole des « blakoros », ces jeunes frimeurs sans le sou. Le terme farot-farot trouve son origine chez les fous traînant dans les rues d’Abidjan, vêtus de pantalons rapiécés et usés jusqu’à la corde. Le fatô jean (« le jean du fou » en malinké) aurait ainsi donné à Étienne Marcel l’idée de concevoir des chemises et pantalons à partir de pagnes et bogolans archaïques sur lesquels étaient cousus des empiècements de vieux denim. Le fatô, ainsi « farotisé », a suscité un véritable engouement populaire, devenant très vite le signe distinctif de toute personne branchée. Parmi les autres créateurs et stylistes de renom ayant marqué le domaine de la mode en Côte d’Ivoire, on retient le Malien Chris Seydou – premier styliste africain à travailler pour les maisons Yves Saint-Laurent et Paco Rabanne, il a passé de nombreuses années en Côte d’Ivoire et a notamment été le mentor du célèbre Pathé’O –, qui a su faire un amalgame harmonieux entre la tradition vestimentaire africaine et les obligations du monde moderne, ou encore Nawal El Assad, métis ivoiro-libanaise spécialisée dans la haute couture et le prêt-à-porter. À travers des créations aussi originales que stylées, elle alliait l’éclat et la variété des couleurs de pagnes imprimés ou tissés à des matières de base telles que la toile de coton, la soie sauvage, le denim, le lin et le bogolan, composant des pièces à la fois épurées et fantaisistes tout en contrastes et en nuances, comme pour témoigner de la pluralité culturelle ivoirienne.