Histoire Histoire

Depuis la Préhistoire, hommes et femmes habitent les montagnes et les vallées du Tyrol en dépit des reliefs et des conditions climatiques parfois bien rudes. Territoire à la croisée de chemins stratégiques entre la Suisse, l’Italie, l’Autriche et l’Allemagne, le Tyrol a traversé les époques comme une barque de bois ballottée dans les vagues provoquées par les tempêtes des Hommes. Fondé au XIIe siècle, le Tyrol, alors appelé « comté de Tyrol », est une entité géographique et culturelle qui possède une histoire très riche, façonnée par les luttes de pouvoir entre ses habitants et leur désir d’indépendance. L’histoire du Tyrol a fortement laissé des traces sur le présent qui reste imprégné d’une pluralité aussi bien linguistique qu’administrative et culturelle. Revenons sur quelques périodes marquantes de l’histoire de cette région aux spécificités culturelles si caractéristiques.

3200 av. J.-C

Les premières traces

Les archéologues ont retrouvé des traces de campements qui laissent penser que des populations nomades de chasseurs-cueilleurs fréquentaient le Tyrol et se déplaçaient en suivant les troupeaux de gibiers dans les vallées et les montagnes. Une découverte fortuite majeure eut lieu en septembre 1991 à 3 210 mètres d’altitude, dans le Val Senales, près du glacier du Mont Similaun, à la frontière entre l’Italie et l’Autriche. Helmut et Erika Simon, qui randonnaient par-là, aperçoivent un corps pris dans la glace et donnent l’alerte : les scientifiques comprennent rapidement qu’il ne s’agit pas d’un simple alpiniste qui n’aurait pas eu de chance, car une datation au carbone 14 indique que la personne vivait il y a… 5 000 ans, soit vers 3200 av. J.-C. (Néolithique) !

C’est le glacier qui a permis de préserver et momifier non seulement le corps de cet homme mais aussi certains de ses accessoires : chaussures en peau de cerf et cuir d’ours, sac à dos (hotte en noisetier et écorce), arc en if et flèches, hache avec une lame de cuivre poli, trousse à pharmacie (si, si, avec des polypores du bouleau à usage médicinal), briquet (là aussi un champignon, Fumes fomentarius, connu pour ses propriétés combustibles), cape en fibres végétales… Appelé Ötzi parce qu’il a été trouvé dans les Alpes de l’Ötztal, un superbe musée, le Museo Archeologico Dell' Alto Adige, très bien documenté, lui a été entièrement consacré dans la ville de Bolzano. On peut y voir les accessoires d’origine, le véritable corps de cet homme des glaces qui repose dans une chambre froide spéciale, et en apprendre plus sur ce que l’on considère comme le premier meurtre avéré de notre histoire… on vous laisse le découvrir ! Les archéologues ont également retrouvé dans plusieurs régions (Merano, Termeno, Val Venosta) des stèles sur lesquelles sont gravées des figures anthropomorphes, parfois armées et datées de la même époque préhistorique. Durant l’âge du fer (Ier millénaire av. J.-C.), le Tyrol est occupé par les Rhètes, peuplade composée de plusieurs tribus qui occupaient vraisemblablement les Alpes centrales. La culture de Fritzens-Sanzeno, qui s’épanouit du VIe au Ier siècle av. J.-C., doit sa prospérité à sa position sur la route de l’ambre, entre l’Europe du Nord et la Méditerranée. Son nom dérive des localités de Fritzens (vallée de l’Inn) et de Sanzeno (Trentin), où des fouilles effectuées au début du XXe siècle ont permis d’identifier cette culture.

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15 av. J.-C

Conquête de la Rhétie

En 15 av. J.-C., la Rhétie, province de l’Empire romain, est conquise par Tibère (le deuxième empereur romain) et Drusus (frère de Tibère) et est constituée en province de Rhétie-Vindélicie (les Vindéliciens étant les habitants de la Bavière). De par sa position stratégique près de la frontière avec les peuples germaniques, la Rhétie est renforcée militairement, notamment afin d’assurer sa liaison avec le reste de l’Empire romain. Pour mieux se repérer, cette région correspond aujourd’hui au canton des Grisons, du Valais, au Tyrol, au sud de la Bavière, à l’est du Wurtemberg et au nord de la Lombardie. En l’an 46, une nouvelle route est ouverte, c’est la Via Claudia Augusta qui relie la plaine du Pô au Danube en traversant la province de la Rhétie. Au siècle suivant, une autre route est aménagée pour permettre de remonter la vallée de l’Isarco et de traverser le col du Brennero. Au IIIe siècle, la région est exposée à plusieurs reprises aux assauts des Alamans, un groupe de tribus germaniques vaincues en 496 par Clovis. S’ensuit une période de relative accalmie, interrompue au Ve siècle lorsque les invasions reprennent : les Vandales et les Alains fuient devant l’arrivée des Huns et s’installent en Rhétie. En 476, l’Empire romain d’Occident passe finalement aux mains des Ostrogoths. La région du Trentin-Haut-Adige fait partie de la Gaule cisalpine (car en deçà des Alpes, par opposition à transalpin) pendant la domination romaine.

VIe siècle

Le haut Moyen Âge

Les Bajuvares, peuple originaire des territoires de Bavière, s’emparent de la Rhétie au VIe siècle et les invasions barbares continuent ensuite à se succéder pendant plusieurs siècles. Des conflits éclatent avec les Lombards, autre peuple germanique qui avait fondé le duché de Trente. Bajuvares et Lombards sont alors vaincus par Charlemagne en l’an 774 et leurs possessions sont annexées au royaume franc. Rappelons qu’en 800, Charlemagne est couronné empereur par le pape. Le traité de Verdun (843) qui entraîne la désagrégation de l’Empire carolingien au IXe siècle provoque l’annexion du Sud-Tyrol actuel au duché de Trente. Le reste du territoire appartient aux ducs de Bavière qui choisissent de l’organiser en comtés, et en principautés elles-mêmes gérées par des prince-évêques gagnés à la cause impériale.

Début du XIIe siècle

Fondation du Tyrol

Le comté de Tyrol est fondé au début du XIIe siècle et fait alors partie du Saint-Empire romain germanique. Le nom Tyrol provient du nom d’un château situé près de la jolie ville de Merano en Italie, le château de Tirolo. Assez rapidement, le Tyrol entre en conflit avec les territoires voisins, et en particulier avec les comtes d’Appiano. Le comte du Tyrol Albert III parvient à s’imposer, ce qui lui permet d’étendre sa domination jusqu’à Bressanone et Trente.

1273

Début du règne des Habsbourg

En 1273, Rodolphe Ier de Habsbourg (aussi appelé Rodolphe IV de Habsbourg) est élu empereur du Saint-Empire romain germanique, roi des Romains. Il s’agit du premier membre de la puissante dynastie des Habsbourg à monter sur le trône. Les Habsbourg règneront jusqu’en 1918 sur le Tyrol. En 1282, Rodolphe Ier de Habsbourg accorde l’indépendance du Tyrol à Meinhard II et le Tyrol devient alors un territoire autonome à l’intérieur du Saint-Empire romain germanique. En 1363, la dernière descendante de la dynastie, Marguerite Maultasche, lègue le Tyrol à Rodolphe IV de Habsbourg, qui, entre autres, transfère en 1420 la capitale de Merano à Innsbruck. Quelques décennies plus tard, en 1508, Maximilien Ier (ou Maximilien d’Autriche), fils de l’empereur Frédéric III, est nommé empereur. Il récupère le comté du Tyrol en 1490 puis le réunit à la couronne impériale. Il gouverne alors un territoire très large qui comprenait l’Autriche, les duchés de Tyrol, de Goritz et les États bourguignons (suite à son mariage avec l’unique héritière Marie de Bourgogne). Sous son règne et jusqu’au XVIIe siècle, le patrimoine et l’autorité des Habsbourg sont renforcés.

Le XVIe siècle est toutefois marqué par des soulèvements populaires liés à la Réforme luthérienne. De 1524 à 1525 a lieu une rébellion paysanne (appelée guerre des paysans ou encore révolte des rustauds) pour une république populaire et luthérienne, menée par Michael Gaismair. Elle sera sévèrement réprimée dans le sang et environ 100 000 paysans trouvent la mort (supplices, torture, bûcher, etc.) à travers tout le Saint-Empire romain germanique.

1545-1563

Le Concile de Trente

Face à la Réforme protestante, l’Eglise catholique entreprend une contre-réforme afin de rétablir l’unité chrétienne et faire revenir à elle le plus grand nombre de fidèles. Rappelons que Martin Luther avait publié ses 95 thèses réformistes en 1517. La cathédrale de la ville de Trente dans le Tyrol accueille en décembre 1545 le premier concile, le concile de Trente, qui dure jusqu’en 1563, (avec quelques interruptions) et compte plusieurs dizaines de membres du clergé qui débattent et se prononcent sur de nombreux aspects de l’Eglise (hérésies, union de l’Eglise, réformation du clergé, foi, etc.). Les 18 années du concile entraînent à Trente un véritable élan économique et culturel. La ville de Bolzano connaît elle aussi une période prospère liée à son développement économique et commercial, notamment grâce à la régente du Tyrol Claude de Médicis.

1805

Annexion du Tyrol à la Bavière

Suite à la défaite des forces russes et autrichiennes lors de la bataille d'Austerlitz face aux forces du premier empereur des Français Napoléon Bonaparte (Napoléon Ier) en décembre 1805, l’Autriche est contrainte de céder le Tyrol à la Bavière (traité de Presbourg), alors alliée des Français. La Bavière tente alors d’enrôler les Tyroliens pour combattre contre l’Autriche, ce qui provoque un mécontentement du peuple qui crée un mouvement de résistance et s’insurge. Accompagné de 500 hommes, Andreas Hofer est l’instigateur de la rébellion tyrolienne qui arrive à repousser les alliés français et bavarois à Fortezza, au nord de Bressanone.

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(1767-1810)

Andreas Hofer

Si chaque nation a son héros national, le Tyrol a Andreas Hofer. Il est l’une des plus éminentes figures du nationalisme pan-tyrolien, par la lutte qu’il mena contre l’envahisseur français ! Originaire de Sankt Leonhard in Passeier (San Leonardo in Passiria), dans le Sud-Tyrol, où il naît en 1767, il est aubergiste, puis devient négociant en vins, qu’il amène d’Italie dans le Tyrol. C’est lors de la victoire française sur l’Autriche, et de l’annexion subséquente du Tyrol par la Bavière (Etat allié de la France), en 1805, qu’il devient milicien et prend la tête de la résistance à l’envahisseur. Souterraine au départ, la résistance s’organise, puis rencontre le soutien de l’empereur François II, avant d’éclater en insurrection en 1809. Andreas Hofer est un chef de guerre efficace au sens stratège élaboré. Son armée écrase les forces bavaroises d’occupation à Sterzing-Vitipeno, puis boute l’occupant hors d’Innsbruck. Avec l’occupation d’Innsbruck, Hofer devient de fait le leader de l’insurrection, reconnu comme tel par l’ennemi et par l’empereur. L’Autriche affiche officiellement sa solidarité avec le Tyrol et un intendant est dépêché de Vienne pour administrer la région. Hofer s’efface alors de la politique et retourne à son commerce de vins et à son auberge. Lorsque la contre-offensive franco-bavaroise est lancée et entérinée avec la bataille de Wagram, Hofer reprend les armes et l’insurrection se transforme en guérilla. Le maréchal de Napoléon, Lefebvre, est défait à la bataille du Bergsiel et Innsbruck de nouveau prise. Cette fois, un régime militaire est mis en place et c’est Hofer qui gouverne le Tyrol au nom de l’empereur. Mais la victoire est de courte durée. L’Autriche, exsangue, signe le traité de Schönbrunn le 14 octobre 1809 et le Tyrol est cédé à la Bavière. Les insurgés doivent déposer les armes contre une promesse d’amnistie. Pensant l’Autriche capable de mener à nouveau la guerre, Hofer reprend pourtant les armes le 12 novembre et sa tête est mise à prix par la coalition des occupants. Il est trahi par son voisin, et l’armée italienne, alliée de la Bavière, le capture dans un chalet d’alpage où il se cache. Il est fusillé à Mantoue le 20 février 1810. Devenu héros et martyr pour le monde germanique insurgé contre la France de Napoléon, il reste pour le Tyrol le symbole de l’indépendance que la région n’a finalement jamais acquise.

XXe siècle

La scission du Tyrol

En 1867, l’empire habsbourgeois était devenu une double monarchie qui avait pris le nom d’Empire austro-hongrois. Il s’achève à la fin de la Première Guerre mondiale et la première République d’Autriche est proclamée. Le Haut-Adige et le Trentin sont annexés à l’Italie en 1919 par le traité de Saint-Germain (10 septembre 1919). Durant l’époque fasciste, le Sud-Tyrol, alors essentiellement germanophone, connaît une période traumatisante : Mussolini veut annihiler toute référence culturelle germanique, il impose l’usage exclusif de la langue italienne, fait rebaptiser toutes les localités de noms à consonance latine et encourage l’immigration d’ouvriers de la péninsule pour favoriser l’italianisation. En 1946, l’accord de Gasperi-Gruber reconfirme l’appartenance du Sud-Tyrol à l’Italie, sous réserve de la reconnaissance de l’autonomie de la région. La République italienne tarde à légiférer sur ce statut régional particulier, ce qui entraîne des mouvements de protestations qui culminent dans les années 1960 avec la création du mouvement terroriste du BAS, revendiquant le rattachement à l’Autriche. D’abord responsable d’attentats aux lignes électriques, il s’en prend ensuite aux forces de l’ordre et à la population. Un nouveau statut d’autonomie est ainsi stipulé en 1972, faisant du Trentin-Haut-Adige une région autonome. En 2016 est fondé le GECT Eurorégion Tyrol Haut-Adige-Trentin (GECT pour « groupement européen de coopération territoriale ») destiné à faciliter la coopération transfrontalière entre ses membres.

2024

Impact de la pandémie de Covid-19

En 2024, le Tyrol a démontré une résilience remarquable, se relevant des impacts sévères de la crise du Coronavirus sur le secteur touristique, notamment les sports d'hiver. La station de ski d'Ischgl, qui avait été un hotspot majeur de COVID-19 au printemps 2020, s'est rétablie, surpassant les défis judiciaires liés à la gestion initiale de l'épidémie. Après des restrictions sévères durant l'hiver 2021 qui limitaient l'accès aux stations de ski aux résidents locaux et fermaient les hébergements et restaurants, l'économie a progressivement redémarré.

L'adaptation aux nouvelles normes de santé publique et l'investissement dans des infrastructures telles que le nouveau téléphérique de glacier dans la vallée de Schnals ont revitalisé l'attractivité touristique de la région. De plus, le paysage politique tyrolien, remodelé par les récentes élections, pourrait influencer de manière significative les futures politiques économiques et de santé publique. Les changements dans les préférences électorales et les coalitions potentielles, avec la montée du FPÖ et des réalignements possibles entre l'ÖVP et le SPÖ, soulignent une dynamique politique qui jouera un rôle clé dans la direction future du développement régional et la gestion des crises.

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