Une ville aux mille senteurs

À une vingtaine de kilomètres de Cannes, une « petite » ville pittoresque s'étend de 100 à 1 000 mètres d'altitude : Grasse, la capitale mondiale du parfum vous souhaite la bienvenue ! Des rues étroites de sa vieille ville aux bâtiments des XVIIe et XVIIIe siècles, en passant par les élégantes demeures du XIXe siècle et leurs somptueux jardins, Grasse a tant à offrir à ses visiteurs. Sans parler des nombreux points de vue depuis lesquels observer des panoramas époustouflants, qui font de la cité grassoise un véritable balcon sur la Méditerranée. Avec ses airs de Toscane, la ville séduit par son authenticité et la richesse de son histoire étroitement liée aux parfums.
Et pour cause, depuis 400 ans, la ville est le centre de l'industrie internationale de la parfumerie. C’est ici qu'ont été créés de nombreux parfums mythiques de l'histoire pour des marques de renom comme Dior, Guerlain, Rochas ou encore Chanel.
Les fleurs typiques du pays telles que la lavande, la myrte, la rose, la fleur d'oranger, le mimosa et surtout le jasmin – la fleur emblématique de la ville – sont devenues des trésors locaux. Autant de champs de fleurs d’exception bénéficiant d’une situation géographique idéale, de sols irrigués par les collines et protégés de l’air marin et de la douceur du climat chaud et tempéré. De la production de la matière première naturelle à la fabrication d'extraits, tout le savoir et la technologie se trouvent ici. Plusieurs parfumeries comme celle de Chanel ont même leurs propres champs de roses et de jasmins à Grasse, qui sont utilisées exclusivement pour leur propre production d'effluves. Chaque année, vingt-sept tonnes de jasmin sont récoltées dans la campagne environnante et exploitées par les distilleries locales. Et les parfumeries sont plus actives que jamais.

Les débuts de l’industrie de la parfumerie

Si de nos jours Grasse est devenue le royaume du parfum, au Moyen Âge, la spécialité de Grasse était le tannage du cuir. Or, pour pallier la forte odeur du cuir, le tanneur local Galimard eut l'idée de créer des gants de cuir parfumés. Il en offre alors une paire à Catherine de Médicis, qui adore immédiatement l'idée. Un coup de cœur qui deviendra une véritable tendance et cette nouvelle mode fit rapidement fureur à la cour de France, puis dans la haute société. De nombreuses commandes sont passées, à tel point que les tanneurs deviennent par la force des choses des parfumeurs de gants. L'augmentation des taxes sur le cuir aidant, ils ont peu à peu oublié le cuir pour se concentrer sur la production de parfums.

Galimard, fondé en 1747, est devenu l'un des plus grands noms de l'industrie de la parfumerie. C’est la plus ancienne parfumerie de France et la troisième plus ancienne d'Europe. Avec Fragonard et Molinard, ils forment le trio de parfumeurs grassois mythiques. Tous trois ont des parfumeries, des musées, et même des ateliers où il est possible de créer sa propre fragrance.

Fragonard, un intrus chez les parfumeurs. Pour l’anecdote, ce n’est pas Jean-Honoré Fragonard, peintre rococo grassois du XVIIIe siècle qui ouvrit la maison de parfumerie Fragonard, mais Eugène Fuchs, entrepreneur de génie. Venu à Grasse en cure pour soigner son asthme, cet Alsacien, notaire de profession, flair le bon filon en rachetant deux parfumeries grassoises qu’il fait fusionner et baptise Fragonard, en l’honneur de l’enfant du pays. La première fabrique de parfums Fragonard née en 1926 avec un concept novateur : la vente de produits parfumés aux touristes, toujours plus nombreux sur la French Riviera ! C’est ainsi que portée par trois générations successives, la Maison Fragonard prospère jusqu’à s’implanter à Eze et Paris.

L'histoire officielle de Molinard fait remonter l'origine de la société à 1849, lorsque Hyacinthe Molinard ouvre une petite boutique dans le centre-ville pour vendre des eaux parfumées fabriquées selon sa recette secrète. Et si Molinard connaît des débuts modestes, de nombreux clients franchissent les portes de sa boutique dont la reine Victoria, qui achète des Eaux de Cologne lors de sa visite en 1891. En 1900, Molinard s'installe dans une ancienne distillerie dont la structure a été conçue par nul autre que Gustave Eiffel. Toujours en activité, elle demeure le fief de l’entreprise familiale, et ce, depuis cinq générations.

C’est parmi les entreprises qui extraient les matières premières, les champs de fleurs parfumés, le « centre de formation des nez », le Musée international du parfum, les usines de Fragonard, Molinard et Galimard ainsi que les nombreux petits concept stores dédiés, que vous découvrirez l'histoire mondiale du parfum. Et peut-être aussi ses secrets et ses mystères.

Petit lexique de la parfumerie

Nez : ce métier demande un sens de l’odorat particulièrement développé pour créer de nouveaux parfums.

Jus : concentré de parfum.

Absolu : concentré de fleur pur.

Extrait : la version la plus concentrée d’un parfum. Dans un parfum, le pourcentage d’extrait pur varie de 20 à 40 %. L’eau de parfum se compose de 12 à 20% d’extrait.

Note : caractéristiques olfactives composant un parfum. On parle de note de cœur, de fond et de tête que l’on peut qualifier de florales, boisés, animales, etc.

Atelier de tarinologie : atelier lors duquel on apprend à développer son odorat qui sert d’outil à la création de sa propre fragrance. Une véritable initiation au parfum.

Les fleurs en fête

La Fête du jasmin. Depuis 1946, le 1er week-end d’août est synonyme de fête ; Grasse célèbre sa fleur emblématique, celle qui a façonné le destin de la ville : le jasmin. Avec ses défilés de chars fleuris et colorés, distribution de fleurs, feux d’artifices, animations, etc., la « jasminade » marque dans la joie, le début de la récolte de l’étoile blanche parfumée. Elle est aussi l'occasion de rendre hommage aux cultivateurs et à ceux qui travaillent avec passion et délicatesse la petite fleur blanche. On aime ce rendez-vous incontournable pour les Grassois et les visiteurs toujours plus nombreux à se mettre au parfum !

Le jasminum grandiflorum est cultivé à Grasse depuis le milieu du XIXe siècle pour son odeur entêtante particulièrement adaptée à la parfumerie. D’août à octobre, lors de la saison de la cueillette, les cueilleuses et les cueilleurs se retrouvent au petit matin, à 5 heures plus précisément, dans les champs pour cueillir une à une ces fleurs délicates. Il faut deux heures pour ramasser un kilo de jasmin.

Expo Rose

Terre de culture de la délicate rose Centifolia ou rose de mai, à l’odeur riche et sucrée, Grasse célèbre chaque année en mai, depuis 50 ans, son précieux trésor. La capitale mondiale des parfums se pare alors de milliers de roses et propose aux visiteurs un programme riche fait d’expositions, de conférences, de visites guidées, de concours de bouquets floraux, d’activités artistiques et artisanales, ainsi que des ateliers culinaires. C’est également une belle occasion de repartir avec la rose emblématique du Pays de Grasse ou une de ses cousines proposées à la vente.

La belle rose Centifolia joue un rôle important pour la ville de Grasse, où elle est utilisée par les parfumeurs les plus prestigieux. Fragile, délicate, elle se cueille à la main d’après un savoir-faire ancestral, à l’instar du jasmin, mais sa récolte commence dès le mois de mai, ce qui explique alors qu’on la surnomme rose de mai. Employée dans la fabrication de parfums depuis des centaines d'années, elle entre dans la composition de nombreux produits, de beauté bien sûr (crèmes, eaux florales, etc.) mais aussi alimentaires (hydrolat de rose de mai, confit de pétales de rose, fleurs cristallisées et bien d’autres gourmandises).

Le n°5 de Chanel

Parce qu’il s’agit sans doute du parfum le plus célèbre au monde, le statut du Chanel n° 5 sur la scène olfactive est celui d'une icône : inimitable, avant-gardiste et connu pour faire les gros titres à maintes reprises. 100 ans après sa création à Grasse, ce jus mythique a su conserver son statut de parfum emblématique. Tout d’abord parce que c'est le premier parfum à être associé à une créatrice de mode et à porter son nom, mais aussi parce que c'est le premier parfum à utiliser des molécules synthétiques : les notes d’aldéhydes, mises au point par Ernest Beaux et permettant d’offrir une puissance inédite aux nérolis, aux roses et aux jasmins qui composent les notes de tête et de cœur de l’extrait N°5. Chanel n° 5 casse les codes et va à l’encontre des tendances de l'époque en matière de parfumerie. Gabrielle Chanel refuse qu'un parfum soit associé à l'odeur d'une fleur et demande au parfumeur Ernest Beaux « un parfum artificiel comme une robe, c’est-à-dire fabriqué.  Je ne veux pas de rose ou de muguet, je veux un parfum composé. ». Avant d’ajouter : « Cela doit sentir la femme, et non la rose ». Représentant la féminité absolue, cette composition inédite est certifiée « made in Côte d’Azur ».

 

Chanel N°5 en 5 points :

C'est la première fois dans l'histoire, qu'un parfum est créé avec un pourcentage élevé d'aldéhydes (près de 1 %), ce qui donne une composition « abstraite moderne » indéniablement féminine.

Grasse est le lieu de prédilection de Chanel pour s’approvisionner en fleurs. Des champs entiers d’iris, de jasmin, de rose, de tubéreuse et de géranium sont exclusivement réservés à la maison de luxe pour la création de ses parfums.

Le N°5 contient 10% de jasmin, ce qui est absolument considérable. Pour Chanel, le jasmin est transformé en absolu dans des bains d'alcool. Pour produire 1 kg d’absolu, il faut plus de 7 millions de fleurs de jasmin, soit environ 700 kg, ce qui représente 2000 heures de cueillette.

Pour un flacon de Chanel N°5 de 30 ml, il ne faut pas moins de douze roses de mai.

En déclin depuis la fin des années 50, la production de néroli, l'huile essentielle de fleur d'oranger amer ou bigaradier, est relancée par Chanel qui l’utilise dans la composition de plusieurs de ses parfums, dont Chanel n°5. Pour ce faire, la maison française a fait replanter 600 arbres certifiés bio, pérennisant ainsi cette précieuse matière première.