Mistral et le mouvement félibrige
En 1854, sous l'impulsion de plusieurs jeunes lettrés dont un certain Frédéric Mistral, le mouvement félibrige voit le jour sous la forme d'une association. Destinée à faire renaître et par-dessus tout promouvoir les langues des pays d'Oc, la langue provençale est rapidement concernée et mise en valeur par cet élan. Le museon Arlaten d'Arles est choisi pour abriter le siège administratif du félibrige. La langue provençale est promue dans toutes les formes d'art possibles, dont la littérature. L'enseignement du provençal est bien évidemment un des combats les plus importants du mouvement qui aujourd'hui encore, œuvre à travers différents colloques et publications variées. Mirèio, de Frédéric Mistral, publiée en 1859, est sans doute l'œuvre la plus symbolique du félibrige. Ce poème en douze chants est entièrement rédigé en provençal, et relate la vie et les traditions, ainsi que les légendes de la région du temps de sa publication. Une mine d'informations pour historiens et sociologues, un trésor pour les linguistes. Le prix Nobel de littérature fut décerné à Mistral en 1904 pour cette œuvre majeure. Le poème est précédé d'un avis sur la prononciation provençale et doublé d'une traduction française un peu grossière mais volontaire, afin de laisser la primauté de la beauté poétique au texte provençal. Pour Mirèio et l'intégralité de son combat, Frédéric Mistral est une figure littéraire de premier ordre en Provence. Il naquit et mourut à Maillane, dans les Alpilles. Écrivain et linguiste, il devint membre de l'Académie de Marseille, une société savante créée par des érudits dès le XVIIIe siècle. Notons que Frédéric Mistral n'est pas à l'origine du nom donné au célèbre vent qui balaye la Provence quelques jours dans l'année.
Littérature classique
Parmi les auteurs classiques auxquels on identifie le plus la Provence, on trouve principalement trois noms : Marcel Pagnol, Jean Giono et Alphonse Daudet. Mais pas que.
Cinéaste et producteur d'exception en son temps, Marcel Pagnol (1895-1974) fut également un écrivain brillant. Il est l'auteur dès 1921 de romans, nouvelles et essais. Sa carrière littéraire sera surtout marquée par la publication de ses Souvenirs d'enfance en trois volumes, dans les années 1950. La Gloire de mon père, le Château de ma mère et le Temps des secrets sont trois chefs-d'œuvre retraçant l'enfance du petit aubagnais devenu marseillais. Un quatrième volet appelé Le Temps des amours paraîtra de manière posthume pour compléter cette saga incomplète mais tellement emblématique de toute la région. Pas un petit provençal n'y aura échappé lors de sa scolarité.
Jean Giono est lui aussi un auteur fameux, profondément ancré dans le pays manosquin d'où il est originaire. Il y naquit en 1895 et y mourut en 1970. Ecrivain majeur du XXe siècle, il est pourtant quelque peu marginalisé de son vivant. Son œuvre romanesque décrit le monde rural provençal, questionne sur des thèmes moraux auxquels l'homme doit faire face en son temps, comme aujourd'hui. C'est ce qui rend l'œuvre de Giono intemporelle et universelle. L'intégralité de ses écrits est aujourd'hui publiée dans la Bibliothèque de la Pléïade et parmi eux se trouvent quelques pièces majeures : Naissance de l'Odyssée, Fragments d'un Paradis, le Hussard sur le toit ou encore l'Homme qui plantait des arbres pour n'en citer que quelques-unes. La maison de l'auteur, parfaitement conservée, se visite à Manosque et permet de plonger encore un peu plus intensément dans la vie et l'œuvre de Giono.
Nîmois de naissance et donc voisin, Alphonse Daudet effectue plusieurs voyages en Provence et publie en 1866, Les Lettres de mon moulin, sous la forme d'un feuilleton appelé Chroniques provençales par le journal qui le publie. Pour la petite histoire, ce fameux moulin se situe à Fontvieille, dans les Bouches-du-Rhône. Les Lettres de mon moulin font partie des œuvres que l'on étudie quasiment systématiquement à l'école en France. Elles ont marqué l'imaginaire collectif avec des récits restés fameux comme La Chèvre de monsieur Seguin. L'on doit également à Alphonse Daudet, la parution des Aventures prodigieuses de Tartarin de Tarascon à partir de 1872. On y suit les aventures d'un antihéros un brin naïf qui a réellement marqué la littérature régionale.
Enfin, même s'il n'est pas provençal, impossible de ne pas citer Alexandre Dumas et son Comte de Monte-Cristo. Ce chef-d'œuvre retentissant permit au château d'If, au large de Marseille, d'acquérir une renommée mondiale. Aujourd'hui encore, de nombreux touristes du bout du monde font référence à cette aventure romanesque.
Auteurs modernes
La Provence a inspiré et continuera toujours à inspirer bon nombre d'auteurs et écrivains, dans tous les types de littérature.
Albert Londres (1884-1932) n'est pas natif de la région. Sa plume de journaliste permettra la rédaction d'une des œuvres les plus importantes sur Marseille et son port : Marseille, porte du Sud en 1927. Frappant de réalisme, il est étonnant de voir à quel point certains détails de l'époque sont encore valables dans le Marseille d'aujourd'hui.
Peter Mayle (1939-2018) est un romancier britannique disparu, qui vécut dans le Luberon. Il est l'auteur de nombreux best-sellers, traduits dans le monde entier, comme Une année en Provence, son premier vrai succès. Il décrit dans ses différents livres les mœurs et usages de ses congénères provençaux qu'il côtoie au quotidien, notamment dans le village de Ménerbes où il vivait. Preuve ultime de son attachement à la région, il est également l'auteur du Dictionnaire amoureux de la Provence, publié en 2004.
Henri Bosco (1888-1976) est une autre figure littéraire majeure moderne en Provence. Né en Avignon et installé à Lourmarin, il reçut le grand prix de littérature de l'Académie française en 1968 pour l'intégralité de son œuvre. Le Luberon, terre où il élut domicile, est au centre de son œuvre.
De nos jours, de jeunes auteurs régionaux ont émergé avec brio au niveau national : Philippe Pujol tout d'abord, auteur connu pour ses analyses acerbes du système politico-social marseillais. Il reçut d'ailleurs le prix Albert-Londres en 2014 pour une série d'articles sur ce sujet. Son grand succès est La Fabrique du monstre, ainsi que sa suite, la Chute du monstre. Deux livres qui eurent un retentissement majeur parmi le lectorat marseillais et qui directement ou indirectement, ont amené les changements politiques majeurs de 2020 à la mairie de Marseille. Tout récemment, le talentueux Hadrien Bels a fait paraître un récit plein d'humour et de bon sens sur la cité phocéenne également, intitulé Cinq dans tes yeux. Il y raconte sa jeunesse dans le Panier d'autrefois et les changements sociaux et urbanistiques que Marseille peut connaître aujourd'hui, à travers le regard ironique d'un local pur jus.
Marseille, terre de polars
Le port de Marseille, ses recoins sombres et toutes les légendes que l'on peut y trouver, a toujours été une source d'inspiration pour le roman policier local. Jean-Claude Izzo (1945- 2000) en est le plus fameux représentant. Sa trilogie marseillaise Fabio Montale nous plonge de manière haletante dans les tréfonds du Marseille véreux. Trois tomes qui se lisent facilement et retranscrivent si bien l'atmosphère particulière de certains lieux de la ville, à travers notamment un sens aigu de la description de la mentalité locale. Cédric Fabre et son Marseille Noir, ou encore Léo Mallet, sont d'autres auteurs de polars marseillais.
La Provence en BD
De nombreux héros populaires de bande dessinée sont venus fouler le sol provençal : Astérix et Obélix, dans Le Tour de Gaule, font un crochet par Marseille la grecque. Michel Vaillant conduira dans les rues de Marseille et sur les routes de La Crau. Ric Hochet nous plongera dans le doute avec l'album Mystère à Porquerolles. Aussi surprenant que cela puisse paraître, même Spiderman, le super-héros de comics américain, passera sa lune de miel à Cassis à la fin des années 80 dans un album. Quant à Spirou, le plus célèbre des grooms belges a son propre parc d'attractions à Monteux, dans le Vaucluse, depuis 2018. Fait unique.
Le plus marseillais et donc provençal des héros de bande dessinée est sans conteste Léo Loden. Créé par le scénariste aixois Arleston et dessiné par Serge Carrère, Léo Loden est un ex-commissaire devenu détective privé, que l'on suit à travers différentes enquêtes dans la cité phocéenne et la région. Les titres des albums sont pour le moins évocateurs : Terminus Canebière, Les Sirènes du Vieux-Port, Grillade provençale, Calissons et lumières ou encore Barigoule au Frioul.
Le créateur de Léo Loden, Christophe Arleston est donc un scénariste de BD aixois. En 1997, il crée dans sa ville natale, en compagnie de son acolyte, le dessinateur Tarquin, le Gottferdom Studio, sorte de laboratoire de développement pour les talents de la bande dessinée locale. On doit notamment à ce brillant duo la plus grande série à succès de heroic fantasy à la française avec Lanfeust de Troy, publiée aux éditions du Soleil. Une franche réussite pour un projet qui initialement, ne faisait pas l'unanimité dans le duo.
Depuis quelques années, l'œuvre romanesque et cinématographique de Marcel Pagnol est réinterprétée en BD et publiée par les héritiers de la famille. Les albums sont très beaux, le dessin reconnaissable et ils nous plongent dans l'œuvre du génie provençal : Jean de Florette, La Gloire de mon père, le Château de ma mère, Le Schpountz, Topaze ou encore les Pestiférés. Ce dernier album nous replonge à l'époque de la grande peste de Marseille en 1720.
Pour finir, les passionnés de BD doublés de férus d'Histoire pourront se régaler d'une série entamée en 2012 et parue aux éditions du Signe : Histoire de la Provence. Trois tomes sont parus à ce jour, le tome 1 Les Premiers Humains, le 2, Celtes, Grecs et Romains et le troisième : De l'Antiquité aux lendemains de l'an mil.