La Provence au bout du pinceau
Les couleurs, la lumière et les paysages sont autant de facteurs qui ont pu inspirer les peintres en Provence. De Van Gogh à Cézanne en passant par Picasso et Matisse, les plus grands ont foulé le sol de la région pour réaliser des œuvres restées dans la postérité.
A Arles, les figures de Van Gogh et Picasso imprègnent la cité antique, capitale de la Camargue. Picasso y réalisa quelques œuvres dédiées à la tauromachie, puisqu'il assistait régulièrement aux corridas dans les arènes de la ville : sa toute première peinture sur le thème notamment, Petit Picador Jaune, réalisée en 1889. Très attaché à Arles, Picasso offrira à la ville en 1971, deux ans avant sa mort, une collection d'une cinquantaine de dessins, aujourd'hui exposés au musée Réattu. En Arles, le génie espagnol aura forcément côtoyé d'une manière ou d'une autre le fantôme de Van Gogh, omniprésent. Le peintre nomade hollandais à l'oreille coupée fut un grand amoureux de la Provence. Son génie put s'y exprimer pleinement, principalement à Arles et Saint-Rémy-de-Provence. Installé en Arles à partir de 1888, il magnifie la ville et ses recoins à travers sa vision de génie. Le célèbre Café la nuit et ses couleurs chatoyantes font partie du patrimoine arlésien et bien des amateurs se pressent encore aujourd'hui place du forum pour admirer les lieux. Psychologiquement instable, il sera interné à l'asile Saint-Paul-de-Mausole à Saint-Rémy-de-Provence. Là encore, l'environnement naturel des Alpilles lui fera réaliser de merveilleux tableaux : Champ d'oliviers le soir, les Iris ou encore la célèbre Nuit étoilée, aux teintes tournoyantes, brutes et fortes. Le meilleur moyen de prendre la mesure du Van Gogh période provençale est de vous accorder une virée sur l'itinéraire Van Gogh à Saint-Rémy. Le génie hollandais aura été attaché viscéralement à une région qui lui aura aussi permis une réflexion personnelle profonde, comme l'expriment ses nombreux autoportraits réalisés pendant sa période saint-rémoise.
Aix-en-Provence, elle, reste attachée à l'œuvre de Paul Cézanne. Natif de la ville, cet artiste un brin poète exprimera tout au long de son œuvre sa passion pour la nature, les campagnes aixoises et la figure de la montagne Sainte-Victoire. Diplômé de Droit, peu enclin au conformisme de la cité provençale, il se démarque par une personnalité originale. Refusé à l'école parisienne des Beaux-Arts, Cézanne consacrera son œuvre à sa région natale, qu'il magnifie à travers une palette de couleurs douces et vives à la fois. Il peindra près de 80 fois la montagne Sainte-Victoire, avec toujours le même émerveillement pour ce calcaire immuable et la nature chaude qui s'y heurte. Le parcours Cézanne à Aix vous permettra de vous lancer sur les pas du génie, qui a aujourd'hui sa statue sur la place principale de la ville. Son atelier se visite, tout comme les carrières Bibémus qu'il représenta. Un détour par le village du Tholonet s'impose également si vous souhaitez vous immerger dans l'œuvre de Cézanne.
Petit port industriel du nord de Marseille, le quartier de l'Estaque est aujourd'hui un lieu paisible où l'on aime se balader, redécouvrir l'authenticité locale marseillaise. En son temps, ce lieu fut une inspiration sans limite pour bon nombre d'artistes locaux ou non, venus admirer ce côté de la rade phocéenne. Cézanne quitta un temps Aix pour retranscrire à merveille la lumière vive de l'Estaque et ses massifs plongeant dans le bleu profond de la mer. Impressionnistes, fauvistes et d'autres encore posèrent leurs chevalets ici. Un parcours cheminant dans tout le quartier vous permettra de retrouver les lieux peints par ces grands noms venus ici. Au XXe siècle, Derain y attire les fauvistes. Braque, Dufy et les cubistes suivront. Avec comme vecteur commun, cette lumière si particulière au quartier, véritable passion pour tous ces artistes. Picasso et Matisse, occasionnellement, s'aventureront également à L'Estaque. Dans l'histoire artistique de la région, ce petit port marseillais que rien ne prédestinait, a donc joué un rôle majeur.La sculpture provençale à travers le temps
Louis Botinelly, Jules Cantini, les frères Carli, Pierre Puget ou encore César. Les œuvres de ces sculpteurs hors pair sont nombreuses et décorent admirablement bien les centres-villes provençaux.
La figure de César, de son vrai nom César Baldaccini, est bien évidemment proéminente. Né à Marseille et descendant d'immigrés italiens, il fait partie du mouvement des Nouveaux Réalistes, apparu dans les années 1960. De son vivant et comme nombre d'artistes, il fut snobé et on ne lui rendit hommage que 20 ans après sa mort par une rétrospective parisienne. Et pourtant, le petit César de la Belle-de-Mai nous a laissé quelques chefs-d'œuvre dont le fameux Pouce du rond-point de Bonneveine, à deux pas du musée d'art contemporain à Marseille.
La Provence est parsemée d'œuvres sculpturales précieuses, couvrant une période allant du Moyen Âge, principalement dans les édifices religieux, aux périodes plus modernes, avec des fontaines magistrales et sculptures décoratives.
Louis Botinelly est un artiste né à Digne en 1883. Il possédait un atelier à deux pas du palais Longchamp à Marseille et a offert à la cité phocéenne quelques œuvres majeures : sur les colossaux escaliers de la gare Saint-Charles, les sculptures représentant les colonies d'Asie et d'Afrique, le buste de Frédéric Mistral dans le parc Longchamp, le massif monument commémoratif au roi Alexandre Ier de Yougoslavie et à Louis Barthou tout près de la Préfecture ou encore le dresseur d'oursons, sur l'esplanade de la Tourette, miraculeusement sauvé de la refonte pendant la seconde guerre mondiale. Dans la région, notons par exemple le monument à Frédéric Aillaud à Villeneuve (04), le monument à Auguste et Louis Lumière à La Ciotat ou encore à Bandol, sur l'île de Bendor, la sculpture à Pierre Puget sur laquelle on peut lire la maxime Nul bien sans peine. Devise que Paul Ricard adoptera. Botinelly a donc été un sculpteur hors pair en Provence, œuvrant souvent avec le célèbre architecte Gaston Castel et offrant à la région quelques chefs-d'œuvre toujours visibles aujourd'hui.
Son contemporain, Jules Cantini est un sculpteur et marbrier marseillais. Des commandes privées le verront décorer avec le plus grand soin les hôtels particuliers à Sausset-les-Pins. Mais son œuvre principale et la plus spectaculaire reste la réalisation de la splendide fontaine centrale de la place Castellane à Marseille. Un cadeau fait à la ville de Marseille, riche en détails et en parfait équilibre. Au sommet, une allégorie de Marseille et sur ses faces, la mer Méditerranée et le Rhône, représenté de sa source jusqu'à la mer. Cette immense fontaine, réalisée en marbre de Carrare, est probablement la plus belle fontaine de l'agglomération marseillaise. Cantini finira sa vie à Marseille, ville où un musée porte son nom et à qui il offrira aussi une réplique du David de Michel-Ange, placée aujourd'hui tout près des plages du Prado. Cette sculpture classique tournant le dos à la mer, est tellement populaire aujourd'hui parmi les Marseillais qu'il sert de repère voire même de nom de quartier.
Enfin, impossible d'évoquer la sculpture provençale sans évoquer Pierre Puget (1620-1694). Enfant du Panier à Marseille, il est célèbre pour son œuvre architecturale mais pas seulement. Le sculpteur Puget se forme à Gênes et devient rapidement la référence française, souvent comparée à Michel-Ange en son temps, ce qui n'est pas anodin. On lui doit le portail monumental de l'ancien hôtel de ville de Toulon, soutenu par deux élégants atlantes. Son célèbre Milon de Crotone (1682) ainsi que le spectaculaire ensemble Persée et Andromède (1684) sont aujourd'hui à admirer au musée du Louvre. Certaines de ses œuvres sont conservées à Cleveland ou à Berlin, ce qui prouve l'importance de l'artiste, un des sculpteurs les plus talentueux en son temps et une figure majeure du classicisme français.Le dynamisme du street-art
Quelques villes provençales tirent leur épingle du jeu en matière de street-art. Cette forme d'art relativement récente en comparaison aux autres arts picturaux, est particulièrement pratiquée à Marseille, devenue un haut-lieu du street-art européen. Deux quartiers sont particulièrement prisés par les artistes et adeptes à la recherche d'oeuvres : Le Panier et le cours Julien. Les ruelles de ces deux quartiers accueillent depuis quelques années toutes sortes de collages et œuvres peintes, plus ou moins monumentales. Déambulez dans les rues à votre guise ou allouez-vous les services d'un guide spécialisé pour prendre la dimension du street-art marseillais. Au demeurant, il n'est pas étonnant que cet art de la rue ait trouvé un terrain aussi propice dans une ville où l'on est particulièrement sensible à ces formes d'art, hip hop en tête. Vous pourrez constater d'ailleurs que Marseille est une ville où l'on s'exprime beaucoup sur les murs. Au rang des street-artistes les plus fameux de la cité phocéenne, citons Manyoly, dont les visages élégants et multicolores jalonnent le centre-ville, Nhobi ou encore Difuz, tous locaux. Les amateurs de street-art pourront constater également une profusion de « space invaders ». Ces petites mosaïques reconnaissables sont l'œuvre de Franck Slama qui a également gratifié Marseille de petites œuvres à la gloire de la ville en 2020 (portrait de Fernandel, gabian ou encore bouteille de Pastis...).
Autre spot incontournable de la région en matière de street-art : Arles. Cette petite ville hautement culturelle est idéale pour l'expression de talents divers sur ses murs. Autour de la place du forum notamment ou encore dans le quartier de la Roquette, là encore, c'est en déambulant que vous découvrirez ces œuvres parfois éphémères. Aix-en-Provence et Avignon sont également deux villes dotées de belles œuvres murales.