Historique

Après la guerre de Trente Ans, toute l'Alsace est française... sauf Mulhouse qui a connu un destin particulier. Mulhouse fait d’abord partie de la Décapole, l'alliance de dix villes libres d'Empire alsaciennes au sein du Saint-Empire romain germanique en une ligue fondée en 1354 et dissoute en 1679. Lorsque la ville décide de la quitter, cela se fait au profit d’une nouvelle alliance avec des cantons suisses après la guerre des Six Deniers de 1466 jusqu'à obtenir le statut de « canton allié » à la Confédération helvétique en 1515. À la suite des traités de Westphalie de 1648, Mulhouse devient finalement une république indépendante. Les raisons de ces changements sont doubles : politiques et économiques, la ville de Mulhouse choisissant ses alliances successives en fonction des avantages que cela peut lui apporter.

En 1746, Samuel Koechlin, Jean-Jacques Schmalzer, Jean-Henri Dollfus et Jean-Jacques Feer (quatre jeunes notables mulhousiens) s'associent pour fonder la première manufacture d'impressions sur tissus. Ils ont l’idée de lancer cette activité en profitant du statut particulier de l'Alsace, qui échappe aux mesures d'interdiction d'achat et de vente d'indiennes en France (arrêté de Louis XIV du 26 octobre 1686, à cause de la concurrence avec les fabrications de laine et de soie), et du statut de Mulhouse. C'est lors d'un séjour à Bar-le-Duc que Schmalzer découvrit l'importance du trafic clandestin de toiles peintes étrangères vers la France, et qu'il eut l'idée de créer une manufacture à Mulhouse, sentant l’appât du gain. « Koechlin,Schmaltzer,Dolffus & Cie » produira ainsi 30 000 pièces d'étoffes en 1756.

On appelle alors « indiennes » les tissus de coton fabriqués en France par la Compagnie des Indes orientales et concurrentes d'articles importés du continent indien. Elles sont réalisées à partir d'étoffes de coton écrues, imprimées à la main et enluminées au pinceau en camaïeu ou en deux couleurs, les couleurs étant fixées à l'aide de mordants.

En 1762 débute la fabrication des premières indiennes dans le château de Wesserling, profitant là encore du statut à part de l’Alsace. 40 ans plus tard la ville compte 26 fabriques. Si Mulhouse souhaite vendre ses productions textiles en France, elle subit de lourds droits de douane et cette situation entraine contrebande, blocus, contrôles incessants…

Le 4 janvier 1798, Mulhouse demande donc son rattachement à la France en partie pour cette raison... La situation économique est devenue insupportable pour cette ville qui a fait de l’industrie textile son fleuron et qui souhaite continuer à en vivre et à se développer, chose impossible sans pouvoir exporter ses indiennes vers la France. La même année, les idées de la Révolution française font leur chemin parmi la bourgeoisie mulhousienne, ce qui ajoute encore à cette volonté. Le jour de la Réunion (rattachement à la jeune République française le 15 mars 1798) est ainsi un jour marquant pour la ville ! À compter de cette date, Mulhouse peut continuer d’accroître sa production et de la vendre sereinement, sans pour autant se laisser influencer dans le style ou les motifs.

Au début du XIXe siècle, la première entreprise textile d'Alsace se trouve à Wesserling. Les activités textiles comprennent la filature, le tissage et l'impression. Les tissus sont distribués sous la marque « Gros-Roman et Cie ». Les familles Gros et Roman sont alors visionnaires et se lancent dans l’aventure de la mécanisation faisant de leur manufacture l’une des plus célèbres au monde avant la Première Guerre mondiale. Ils employaient alors 5 000 ouvriers, faisant partie de plusieurs générations de travailleurs attachés à cette industrie. Durant l'entre-deux-guerres, l’entreprise, qui compte trois filières, filature, tissage et impression, est rachetée par Marcel Boussac. Il n’hésite pas à remplacer la planche de bois traditionnelle par le cadre plat pour fabriquer ses imprimés fleuris et colorés en 1946 et l’année suivante l’un de ses imprimés habille la boutique Dior à Paris. Les années 1990 marquent l’arrivée de nouveaux motifs parmi les plus connus. En 2004, c’est Pierre Frey qui rachète l’entreprise. Le Musée textile de Husseren-Wesserling retrace cette histoire.

 

Un autre musée est dédié à l’histoire textile en Alsace, le musée de l’Impression sur étoffes à Mulhouse. En 1833, les industriels mulhousiens rassemblés au sein de la Société industrielle de Mulhouse décident de conserver leurs créations. Mieux, ils s’efforcent de compléter ces archives en collectionnant les productions d’autres pays et d’autres temps. Créé en 1955, le musée conserve 6 millions d’échantillons, près de 50 000 documents textiles : métrages, dessus-de-lit, foulards, châles, etc. du XVIIIe siècle à nos jours.

Le kelsch

Le kelsch est un incontournable alsacien, fabriqué essentiellement dans la région du Grand Ried; l'un des derniers artisans tisserands est à Muttersholtz. L'étoffe est tricolore (bleu, blanc et rouge), rayée ou composée de carreaux. Elle est colorée à l'aide de pigments d'origine végétale : le pastel à l'origine puis l'indigo pour le bleu et la garance pour le rouge. Sur des tissus de lin ou de chanvre, les lignes et les carreaux s'entrecroisent et composent d'infinies variétés de motifs géométriques : carreaux bleus et lignes blanches, carreaux rouges et lignes blanches, carreaux blancs et lignes bleues, etc. Ce tissu, dont les pièces anciennes sont les plus recherchées, se décline en nappes, serviettes, et linge de literie, très appréciés en raison de leur solidité et de leur caractère esthétique indéniable.

Le quilt amish ou patchwork

À la fin du XVIIe siècle, quelques familles d'anabaptistes suisses persécutées dans leur pays viennent s'établir dans la vallée de Sainte-Marie-aux-Mines et conduiront en 1693 à la création de la communauté amish. Avec leur vie simple, avec de la récupération et du réemploi, loin des autres hommes, les Amish ont exploité le quilt, un art fondé sur la récupération des étoffes jugées inutiles et habituellement jetées. Quilt vient du terme anglo-saxon signifiant « piquer ». Les femmes qui fabriquent le quilt assemblent de tissus piqués ou surpiqués. Petit à petit, on passe de l’utilitaire à une forme artistique et on utilise ces pièces comme couverture ou dessus de lit. Le quilt présente des teintes austères propres aux Amish, les tissus imprimés et colorés étant jugés frivoles, et des assemblages géométriques de figures, carrés ou losanges, d'une grande beauté. On peut admirer de très belles pièces chaque année au Carrefour européen du patchwork de Sainte-Marie-aux-Mines. Si beaucoup croient aujourd’hui que la pratique est née ici et a été exportée ensuite aux États-Unis pas les Amish, il n’en est rien car ils n’emportaient aucun quilt, mais des sacs de plume, à la manière allemande et ce n’est que 150 ans après leurs premières migrations que les Amish se sont inspirés de leurs cousins européens pour assembler leurs étoffes de laine.