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Ode à la nature, du château de Fontainebleau au hameau de Barbizon

Si la création artistique française des XVIe et XVIIe siècles de l’Ecole de Fontainebleau magnifie avant tout le pouvoir royal, la nature y est omniprésente. Nombre de tableaux inspirés par la mythologie et l’histoire antique font apparaître nymphes, centaures et divinités comme Diane, déesse de la chasse figurée sous les traits de Gabrielle d’Estrées, entourée de chiens et de bois du cerf. Quant à la galerie François Ier, reliant les appartements du roi à la chapelle, elle est animée de putti à l’italienne mais aussi de guirlandes de fruits, de bucranes, de satyres ou de mascarons aux airs d’Homme vert ou Green man… tout un peuple issu des forêts et des champs. Sans doute peut-on reconnaître là les prémices de la place prépondérante de la nature dans l’art des siècles qui suivirent. Le courant romantique qui éclot au XIXe siècle à Barbizon, jadis simple hameau situé en lisière de forêt, prend exemple sur John Constable (1776-1837), artiste anglais qui partait chevalet sous le bras peindre en pleine nature. Paysages et scènes rurales saisis sur le vif. Précurseur de ce mouvement Jean-Baptiste Camille Corot (1796-1875) « bercés sur les genoux des nymphes » peuple ses toiles de figures mythologiques (« bain de Diane » 1855) ainsi que nombre de rivières, rochers, bois, bosquets, futaies… soit autant d’éléments paysagers qui deviennent des sujets principaux enveloppant des « Laveuses au bord de l’eau » ou des « Bûcheronnes et Biblis ». Un rappel de la fragilité de l’homme face à la nature, à une époque de révolution industrielle marquée par le souvenir des terribles inondations de décembre 1801 et de janvier 1802 qui avaient causé tant de dégâts dans la région. Entre 1825 et 1875, des peintres affluent autour de Corot, loin de villes, sur les bords enchanteurs de la Seine. Parmi eux, Charles-François Daubigny, Jean-François Millet, Théodore Moreau, Narcisse Diaz de la Pena. Mouvements de pinceau traduisant les changements subtils de la nature au gré de jeux de lumière ; instants fugaces saisis dans les œuvres de Théodore Rousseau, premier artiste peintre à représenter une même scène à des moments différents de la journée.

Des bords du Loing au Château de By

Ces chercheurs de lumière réunis à Barbizon anticipèrent l’impressionnisme, faisant écho à la création poétique et musicale ; un esprit qui s’incarne dans « L’après-midi d’un faune » de Stéphane Mallarmé qui se plaisait à séjourner à Vulaines-sur-Seine, dans sa demeure face au fleuve et à la forêt de Fontainebleau. Monologue d’une créature champêtre évoquant nymphes et nature, publié en 1876 avec des illustrations issues de gravures sur bois d'Édouard Manet et mis en musique par Claude Debussy dans Le Prélude à l'après-midi d'un faune. Plus tard, Lucien Pissarro, Maximilien Luce, Léo Gausson, Emile Cavallo-Peduzzi forment le groupe dit de Lagny. Ces artistes font de Lagny-sur-Marne, l’un des berceaux du néo-impressionnisme, un centre artistique actif où s’organise dès lors un Salon des Beaux-Arts de 1900 à 1907. C’est aussi sur les bords du Loing que s’installe l’impressionniste Aflfred Sisley (1839-1899), près de Moret-sur-Loing, dans une campagne verdoyante. On lui doit entre autres Le Pont de Moret, effet d’orage (1887) et La Seine au point du jour (1877). L’art en Seine-et-Marne ne saurait compter sans Rosa Bonheur (1822-1899), artiste hors norme, icône de l’émancipation féminine et très certainement la plus célèbre et la plus vendue des peintres de son siècle, tant en France qu’en Angleterre et qu’aux Etats-Unis. Chez cette artiste novatrice qui débuta sa carrière à l’âge de 14 ans, ce ne sont pas seulement les arbres qui se dressent sur la toile, mais principalement les animaux dont elle sait capturer l’âme à travers de puissants portraits. Mondialement reconnue grâce à son œuvre magistrale Le marché aux chevaux, en 1859, elle fait l’acquisition du château de By à Thomery. Elle y installe son atelier, de même que ses animaux toujours plus nombreux : un lion, une lionne, un cerf, un mouton, une gazelle, des chevaux, etc. Rosa Bonheur est alors la première femme à acheter un bien immobilier à son nom et sur ses propres deniers. Cette personnalité qui au XIXe siècle arpentait forêts, fermes et foires aux bestiaux à la rencontre de ses modèles, armée de pinceaux et vêtue de vêtements d’homme, força le respect d’illustres figures comme Buffalo Bill, la Reine Victoria, Napoléon III, Victor Hugo, Georges Bizet. Amoureuse de la nature, elle se bat auprès de Claude-François Denecourt – fin connaisseur des sentiers forestiers et l’un des pionniers de la randonnée pédestre – pour convaincre Napoléon III de sauvegarder la forêt de Fontainebleau.

D’hier à aujourd’hui, quand l’art et la nature fusionnent

Si la Seine-et-Marne est connue pour ses artistes tels Corot, Sisley, Mallarmé, de même que Bourdelle, Chapu, Mac Orlan ou Vasarely qui vécut à Annet-sur-Marne, ses terres attirent aussi la création contemporaine, notamment à Fontainebleau (galerie Fontaineblow qui « casse les codes »), à Boissy-le-Chatel (Galleria Continua), à Pontault-Combault (Centre photographique d’Ile-de-France), à Bussy-Saint-Martin (Parc culturel de Rentilly), à Chelles (Centre d'art Les Eglises) ou encore à Noisiel (ferme du Buisson). Mais du XXe siècle à nos jours, les artistes entretiennent toujours des liens étroits avec la nature en Seine-et-Marne. Ainsi, François-Xavier Lalanne (1927-2008), artiste seine-et-marnais connu pour ses sculptures conçues dans une finalité utilitaire, place les animaux au centre de sa création. Moutons, rhinocéros, hippopotames, autruches, etc. se déclinent sous des formes variées, des petits aux grands formats, en résine, bronze, tôle, ciment ou encore porcelaine de Sèvres. Parmi ses œuvres, le « rhino-secrétaire » ou la « boîte de sardines-canapé ». Aujourd’hui, l’artiste-peintre Joss Blanchard, artiste plasticienne et « portraitiste d’arbres » rend à travers ses tableaux un hommage vibrant aux arbres remarquables. En apparence figurative, sa peinture joue avec l’abstraction lyrique, mêlant feuillages abstraits et troncs évocateurs. L’artiste peintre Cerdà s’inspire également de la nature avec des œuvres où paysages et végétaux – tels les nymphéas pour lesquels elle voue une véritable passion – qui font l’objet d’une recherche expérimentale sur les couleurs fortes et les contrastes ombre-lumière.