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La musique classique

Excessivement riche, la musique classique hongroise est symbolisée par le trio Liszt, Bartók et Ligeti. Pianiste virtuose et visionnaire, Franz Liszt (1811-1886) est à la fois l’architecte de la musique savante du pays, le père du récital et l’instigateur de l’impressionnisme musical. Artiste voyageur, il fut l’ambassadeur de la musique hongroise dans l’Europe du XIXe siècle. L’autre grande figure locale est considérée comme un des pionniers de l’ethnomusicologie. En étudiant les possibilités d’un style national, Béla Bartók (1881-1945) a osé la synthèse entre musique savante et traditionnelle hongroise. C’est grâce à lui et son initiative d’inviter la musique populaire dans le classique que le classique est devenu une musique populaire en Hongrie. Héritier de Bartók, György Ligeti (1923-2006) est la dernière « star » de la musique savante hongroise. Avant-gardiste téméraire, c’est un des explorateurs les plus farouches du classique contemporain. Piano, opéra et même musique électronique… l’œuvre de György Ligeti est inclassable mais a bousculé beaucoup de conceptions autour de la composition, l’harmonie ou la mélodie.

Le classique et la Hongrie, c’est une longue histoire d’amour à apprécier dans les lieux somptueux (et souvent très abordables) qu’offre sa capitale. Le plus renommé est l’Académie de musique Liszt Ferenc. L’endroit valorise le patrimoine musical hongrois par l’enseignement ainsi que par la représentation de grandes œuvres. L’Académie se divise en deux salles de concert dont une de 1 000 places à l’acoustique extraordinaire, et propose à l’année une programmation de haute volée. Plus au sud, à proximité du pont Rákóczi, trône le palais des Arts (ou MUPA). Complexe culturel à l’architecture audacieuse, le lieu comprend deux salles de concert et un musée d’Art moderne. La programmation musicale y est extrêmement pointue et tournée vers la création contemporaine. Mais la cerise sur le gâteau reste une représentation du Budapest Festival Orchestra à domicile. Dirigé par l’iconique Iván Fischer, l’ensemble s’est hissé à hauteur de la Philharmonique de Vienne ou du Staatskapelle de Dresde grâce à des interprétations habitées de Mahler ou Bartók. À voir au MUPA ou à l’Académie Franz Liszt. L’art lyrique est lui aussi très bien représenté en ville avec l’Opéra national hongrois. Ce joyau de style Renaissance italienne ornant l’avenue Andrássy propose une salle grandiose avec dorures, marbres, fresque au plafond (de Károly Lotz), des réinterprétations de classe mondiale et une compagnie nationale (dirigée par Balázs Kocsár) d'un excellent niveau. Il a rouvert en 2022 après une période de travaux.

Musiques traditionnelles et tsiganes

Longtemps, on a confondu musiques folkloriques hongroises et musiques tsiganes. Si elles connaissent naturellement quelques similitudes – notamment l’usage du cymbalum, « le piano tsigane », un instrument traditionnel à cordes frappées rappelant la cithare –, ce sont des genres musicaux bien distincts. D’ailleurs, il n’y a pas une mais des musiques folkloriques hongroises. Elles varient selon les régions tout en partageant un socle commun : des airs de violon très rythmés ou mélancoliques invitant à la danse. Porté par une scène particulièrement dynamique et féminine – Márta Sebestyén, Beata Palya, Agi Szalóki –, le genre s’adresse à un public se rajeunissant sans cesse. Pour y goûter, rien ne vaut les táncház, ces « maisons de danse » où l’on pratique des danses folkloriques sur des rythmes hongrois traditionnels. Une des meilleures à Budapest se nomme Kobuci Kert. Nichée dans un kert, cette táncház en plein air dépayse avec sa faune jeune et locale. Autre grand lieu des musiques folkloriques hongroises, Fono est une táncház (très) excentrée qui propose concerts, danses folkloriques et disques de son propre label (la référence du genre).

Budapest est évidemment un lieu privilégié pour se plonger dans la musique tsigane. Né quelque part dans les Carpates, entre Hongrie et Roumanie, le genre est indissociable de l’histoire culturelle de la ville. Vibrant et pétri d’improvisation, il est porté par quelques grands noms comme Kálmán Balogh, le maître du cymbalum, Besh o Drom aux accents très rock ou Parno Graszt qui ont failli représenter la Hongrie à l’Eurovision (tout un symbole). La musique tsigane est partout à Budapest, on l’entend dans la rue ou à table, de nombreux restaurants proposant de dîner en sa compagnie. Autrement, le Pótkulcs-Klub en programme régulièrement. Cette maison de campagne plantée en plein cœur de Budapest accueille des concerts pratiquement tous les jours avec une inclination pour les rythmes tsiganes ou la world music.

Le jazz

Confidentiel du temps de l’ère soviétique, le jazz hongrois a connu un essor considérable après la chute du mur. Il est d’ailleurs très apprécié en France où ses artistes se produisent régulièrement. Singulier, reconnaissable immédiatement, le genre porte en lui les couleurs du pays : sa richesse d’influences, sa culture de l’excellence artistique et ses sons locaux comme celui du cymbalum. Un artiste comme Miklós Lukács, grand nom de l’avant-garde jazz, est par exemple un des prodiges de cet instrument traditionnel. Mais si l’on devait résumer le jazz hongrois par deux de ses icônes, ce serait Mihály Dresch Dudás et Félix Lajkó. Le premier est un saxophoniste qui a renouvelé la grammaire de sa discipline en mêlant du free jazz aux musiques traditionnelles d’Europe centrale. Le second est un virtuose du violon absolument ahurissant et un ovni possédé sur scène. Pour voir du jazz à Budapest, il n’existe pas meilleur endroit que l’Opus Jazz Club. Salle du Budapest Music Center – bibliothèque et label adoré des mélomanes –, le lieu convie autant le fleuron de la scène locale que les stars internationales. Autre endroit très apprécié, le Budapest Jazz Club est un ancien cinéma reconverti en salle de concert pour jazzophiles. Très agréable en fin de soirée, dans un quartier vivant en bordure du Danube.

Pop, rock et électro

Du fait de l’austérité de la politique culturelle – et de la censure – au temps de la Hongrie soviétique, la pop et le rock peinent à exister. Les artistes hongrois connus à l’époque ne le sont que s’ils ont pu s’expatrier. C’est le cas de Gabor Szabo, installé aux États-Unis dans les années 1950 où il put multiplier les chefs-d’œuvre de folk psychédélique. Depuis toujours, les politiques orageuses hongroises trouvent une réponse dans le tonnerre de la jeune création locale. C’est ainsi que le pays est par essence un environnement fécond pour les musiques extrêmes et engagées comme le métal ou le punk. Mais une fois l’orage passé, on voit Budapest telle qu’elle est : une ville de toutes les musiques. C’est ce que confirme le Sziget, plus grand festival d’Europe (un demi-million de festivaliers en moyenne par édition), installé en plein cœur de la capitale et invitant chaque été les têtes d’affiche de tous les genres possibles. Lorsque le Sziget s’achève, tous les genres restent, incarnés par les grands noms de la musique hongroise tels que Fran Palermo et son rock’n’roll très exotique, le folk-rock aussi étonnant que dramatique de Makám ou Bálint Szabó, tête chercheuse de la musique expérimentale. Pour découvrir la création musicale actuelle, un des meilleurs endroits reste l’A 38. Derrière ce nom autoroutier se cache un long bateau soviétique très prisé des Budapestois. Club et salle de concert, il est ouvert tard et propose une des programmations les plus pointues de la ville. Un autre nom sur toutes les lèvres est celui de l’Akvarium. Anciennement Gödör, ce haut lieu de la nuit budapestoise s’est glissé dans un chantier avorté du théâtre national et offre le meilleur de l’électro locale et internationale avec un petit faible pour la techno minimale. Dernier lieu où l’on pourra toujours se diriger les yeux fermés : le Dürer Kert. Archétype de la nuit budapestoise – ne serait-ce que par sa situation dans un kert –, ce lieu embrasse largement le spectre des musiques actuelles – indie, hip-hop, electro, rock… – avec un habile dosage de grands noms internationaux et jeunes loups locaux.

Le théâtre et la danse

Comme le raconte le succès des táncház, les danses traditionnelles font partie intégrante de la vie artistique contemporaine budapestoise. Assister à une représentation est d’ailleurs un bon moyen d’embrasser la culture hongroise. Pour en voir, rien de mieux que de se rendre à la Hagyományok Háza, la « Maison de l’héritage hongrois ». Résidant dans ce qui fut autrefois le Vigadó de Buda (salle de spectacles et symbole local), la compagnie de danse folklorique nationale (Állami Népi Együttes) s’y produit régulièrement. Autrement, à deux pas de la basilique, on trouve le Duna Palota, joli théâtre où la trentaine d’artistes du Danube Folk Ensemble propose une chorégraphie issus des danses populaires hongroises. Côté danse classique, c’est le Ballet national hongrois (seule compagnie du pays) qu’il faut voir. Mené par Tamás Solymosi, l’ensemble exécute brillamment un répertoire (très) classique. Aux antipodes, on trouve l’excellent Trafó. Lieu unique et mythique en Hongrie, cet espace postindustriel est axé autour de la danse contemporaine et du performatif. C’est souvent passionnant et parfois en anglais. Lieu iconique de résistance intellectuelle hongroise, il est le seul endroit en ville pour apercevoir le travail du grand chorégraphe hongrois Pál Frenak (un habitué des scènes françaises).

Le théâtre hongrois, quant à lui, semble être, plus que les autres disciplines, particulièrement visé par l’autoritarisme politique. Ennemi d’Orbán, le plus grand metteur en scène du pays, Árpád Schilling, ne peut plus y travailler et se voit contraint à un exil européen. À l’inverse, c’est un proche du président, le très controversé Attila Vidnyánszky, qui dirige le Théâtre National. Véritable aimant à polémiques (son architecture a fait aussi couler beaucoup d’encre), cet édifice, situé en face du MUPA, reste un des endroits privilégiés pour assister à des représentations du répertoire classique. Plus moderne, les amoureux du genre connaîtront sans doute le théâtre Katona, une des compagnies hongroises les plus célèbres dans le monde et un lieu au répertoire audacieux (souvent surtitré). Dans un esprit similaire, le Vigszinhaz est le plus vieux théâtre de la ville (1896) et un des plus progressistes. Érigé en opposition au Théâtre national depuis sa fondation, il interprète des textes classiques comme contemporains mais avec un œil très moderne et éclairé. Pour être certain de trouver une pièce jouée en anglais, le mieux est de se rendre à l’Átrium Szinhaz, le théâtre le plus international de la capitale et un très bel édifice style Bauhaus de 1920.