Architecture spirituelle
Science divinatoire millénaire, la géomancie préside à la destinée de toutes les constructions chinoises, étudiant avec précision la configuration et la nature des sols et l'exposition aux éléments, afin d'assurer une harmonie parfaite entre l'homme et son environnement. Le Feng Shui s'intéresse plus particulièrement à l'emplacement des constructions, mais aussi des pièces et ouvertures, afin que rien ne vienne offenser les esprits. Les mauvais esprits ne se déplaçant qu'en ligne droite, tout est fait pour casser leur progression, des schémas en zigzag aux murs-écrans protégeant les portes. Par un savant travail d'équilibre entre le Yin (force féminine associée à l'ombre) et le Yang (force masculine associée à la lumière), l'architecture canalise le souffle vital et créateur du Qi. À ces codes spirituels s'ajoutent également des codes établis par les différentes dynasties politiques qui fixent un certain nombre d'éléments, de la taille des colonnes à la longueur des poutres, en passant par la distance séparant les différents éléments du bâti. Les matériaux privilégiés sont le bois et la brique. Lorsqu'ils sont en bois, les édifices privilégient la technique du Dougong, ingénieux emboîtement des éléments sans aucune utilisation de clous. Orientés vers le Sud, agencés selon une recherche constante de symétrie, les édifices montrent une attention particulière portée au toit et à la charpente, système modulable par excellence, dont on admire les éléments sculptés (souvent des divinités protectrices placées aux faîtes et aux angles), les lumineuses tuiles vernissées et l'élégante courbure des extrémités rappelant l'envol d'un oiseau. Temples et pagodes respectent en tout point ces principes. Les temples bouddhiques sont pensés comme de véritables petits palais protégés par un mur d'enceinte et organisés autour de multiples cours rectangulaires allant du Sud au Nord. L'entrée est souvent protégée par un couple de lions en pierre et flanquée de colonnes de bois sculptées. Différents pavillons, dont les tours du tambour et de la cloche, sont reliés par un réseau de couloirs et vestibules formant les ailes latérales du temple tout entier centré sur l'édifice principal abritant les reliques du Bouddha. Pour pallier les aléas d'un climat souvent chaud et humide, les temples sont généralement placés sur un terre-plein revêtu de marbre, brique, pierre, tuile ou pierre damée. Les pagodes, elles, sont une variante extrêmement élaborée du stupa venu d'Inde. Monument reliquaire en forme de dôme édifié sur une plateforme à gradins, le stupa se transforme en Chine du Sud en tours à plusieurs étages (en nombre toujours impair, de 5 à 13), faites en matériaux divers (bois, pierre, brique, fer, bronze), de forme carrée, ronde, hexagonale ou octogonale et couronnées de clochers en boule ou en pointe. On les reconnaît également à l'abondance de leur décor et à la beauté de la courbure de leurs multiples toits s'emboîtant pour mener à l'infini des cieux. Tumuli et mausolées témoignent, quant à eux, d'un art funéraire raffiné reproduisant en sous-sol les grandes structures de brique à ossatures en bois. Le complexe des Trois Pagodes à Dali, la Pagode des Fleurs de Canton, le Temple d'Or à Kunming, les temples, grottes et pagodes du Parc de Lushan, ou bien encore les monuments funéraires excavés du village de Baisha comptent parmi les plus célèbres représentants de cette architecture religieuse.
Architecture paysagère
Alors que l'architecture dynastique savamment codifiée se doit de refléter le pouvoir de la monarchie absolue, les jardins, protégés des regards par d'imposants murs d'enceinte, se font plus souples, libres et sensuels. Le principe du paysagisme classique chinois est simple : « créer un grand tableau à partir de petits détails ». Pensés et placés selon les préceptes de la géomancie, les différents éléments bâtis témoignent d'un art consommé de la perspective et des proportions créant des effets visuels sans cesse renouvelés. Le jardin chinois se compose de zones aux ambiances très diverses, séparées par des haies fleuries, des réseaux d'allées, des rideaux de bambous ou des murs aux fenêtres décoratives et treillagées. Le promeneur y circule via des couloirs et promenades abrités. La plus célèbre de ces formes est le Lang au tracé rectiligne ou incurvé, possédant des sections montantes ou descendantes, et reliant les grands points du jardin. Belvédères et pavillons créent, eux, des points de vue surélevés. De manière générale, l'architecture représente 20 à 30% de la surface des jardins. Parmi leurs édifices phares, notons : les halls jumeaux, éléments centraux tout en splendide massivité, offrant un espace pour se réchauffer en hiver et un espace pour se rafraîchir en été ; les kiosques aux toits de formes variées mais aux extrémités toujours recourbées ; les pagodes ; les ponts ; ou bien encore les étonnants bateaux de pierre qui pointent leur proue vers les étendues d'eau alentours. « Quintessence des jardins historiques de province », le Ke Yuan de Dongguan est l'un des plus beaux de Chine du Sud. Ce labyrinthe de 2 200 m2 est surplombé par le célèbre Yaoshan Ge, donjon de 16 m de haut !
Art d’habiter
La Vieille Ville de Lijiang est un sublime témoignage de la culture Naxi. L'élément de base y est la maison à colombages s'élevant sur 2 étages. Les murs sont en adobe au rez-de-chaussée et en planches aux étages supérieurs, et sont protégés par un enduit à la chaux, tandis que les angles sont renforcés de panneaux de brique. Toits de tuiles aux extrémités recourbées, porches voûtés, murs-écrans protégeant l'accès aux cours complètent le portrait de ces belles demeures. Les Tulou ou « petits royaumes » de Fujian, eux, sont d'authentiques forteresses de terre. De plan circulaire, ces constructions de pisé s'élèvent sur plusieurs étages. Les bâtiments circulaires, où peuvent loger jusqu'à 800 familles, sont disposés de façon concentrique autour d'un axe Sud-Nord menant de l'entrée à la Salle des Ancêtres en passant par une cour centrale, flanquée de bâtiments secondaires (salles de réception, bibliothèque…). Escaliers et corridors desservent ces différents espaces. D'extérieur, les murs quasi aveugles, badigeonnés d'argile et de chaux et protégés par de larges avant-toits en tuile, ne laissent rien deviner de la richesse décorative intérieure. Les villages du comté de Kaiping sont, eux, jalonnés de Diaolou, étonnantes maisons-tours fortifiées à étages, symboles de la richesse des émigrés revenus d'Asie du Sud ou d'Amérique à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. En pierre, pisé, brique ou béton, on reconnaît ces tours à leurs sommets souvent surmontés de lanternons, clochers à bulbes et corniches crénelées. Dans les provinces de Guizhou et Guangxi, vous pourrez découvrir les fascinantes réalisations des maîtres-architectes Dong. Les villages protégés par des murs d'enceinte s'y organisent autour d'une place centrale où trône la Tour du Tambour (Gulou), édifice à étages multiples offrant une imbrication de toits à l'image des pagodes, et toujours réalisé sans clou ni mortier ! Les rues des villages, incrustées de galets de rivière ou pavées de plaques de pierre, relient les maisons sur pilotis ou de plain-pied aux ossatures en rondins et murs en planches ; et les greniers sur pilotis. Les Dong sont également célèbres pour leurs ponts couverts baptisés « ponts du vent et de la pluie », reposant sur des piles en pierre et couches de bois empilées, et surmontés de pavillons en bois aux toits de tuiles. Les Miao, les Hmong et les Bai privilégient, eux, les structures sur pilotis, entièrement en matériaux naturels (essences locales et solides, bambous et hautes herbes résistantes et flexibles, chaume de riz étanche…). Sur l'île d'Hainan, les Li ont imaginé des habitations en forme de bateaux placées sur de petits pilotis de bois et couvertes de chaume capables de résister aux assauts des éléments. Construites en pierre de schiste, les maisons des Buyi du Guizhou, aux murs pouvant atteindre 6 m de haut, étonnent par leurs toits couverts de feuilles de pierre dont les seuls éléments en bois sont la panne et les chevrons. Dans le Fujian, les Tanka, surnommés « les gitans des mers », sont célèbres pour leurs maisons en bois flottantes. Autres réalisations immanquables : les maisons dites « en champignon » des Hani peuplant les rizières.Elles doivent leur surnom à leurs structures en pisé, briques d'adobe et pierre surplombées d'un grand toit en croupe recouvert de paille. La Chine du Sud abrite également des habitations plus traditionnelles reprenant le modèle Han. De plan rectangulaire, fermées vers l'extérieur, ces maisons qui s'organisent autour d'une succession de cours carrées sont principalement exposées au Sud, et peuvent être flanquées de 3 ou 4 ailes.
Influences étrangères
Les échanges commerciaux, notamment sur les Routes de la Soie, se sont aussi accompagnés d'échanges culturels, en particulier avec les marchands musulmans, comme le prouve la présence de caravansérails et de mosquées, à l'image de la Mosquée Qingjing, à Quanzhou. Datant du XIe siècle, c'est l'un des premiers édifices islamiques du pays. Macao, elle, fut longtemps le joyau portugais de l'Asie. Ses rues étroites et sinueuses y dessinent différents îlots résidentiels et relient l'ensemble au Largo Do Senado, la grande place centrale ornée de fontaines et colonnades. Les ruines de São Paulo laissent deviner une église à la flamboyance toute baroque mais ponctuée çà et là de motifs résolument chinois. Forteresses, théâtres et maisons coloniales, dont les célèbres Taipa Houses sur l'Avenida da Praia, tout en symétrie et couleurs pastel, complètent ce tableau. Hong-Kong, elle, est la perle britannique. Les serres de ses jardins botaniques sont un écho direct à la flamboyance de l'époque victorienne, tandis que les superbes villas du quartier résidentiel « the Peak » témoignent de la richesse des hauts fonctionnaires coloniaux friands des lignes néoclassiques. Government House, St-John's Cathedral et la Tour d'Horloge, dernier vestige de la gare du chemin de fer Kowloon-Canton, en sont de beaux exemples. Canton, elle, conserve quelques vestiges de la présence française, à l'image de la Cathédrale du Sacré-Cœur, surnommée « la maison de pierre » pour sa silhouette gothique tout en granit. Mais la ville est surtout célèbre pour ses comptoirs ou factoreries que l'on reconnaît à leur rez-de-chaussée fermé et à leur étage ouvert par des baies à arcades et surmonté de frontons sculptés. Mélange d'harmonie néoclassique et de faste néobaroque, le style Beaux-Arts y est très apprécié. Au Sud du Fujian, Kulangsu témoigne de l'importance donnée à la nature qui se déploie partout et sur laquelle s'ouvrent de superbes maisons coloniales. Vérandas et colonnades sont monnaie courante, mais l'on peut également voir d'étonnantes tourelles, de lumineux oriels et bow-windows, et des corniches, frises et frontons élégamment sculptés. En parallèle, l'île a également vu se développer un style unique baptisé Amoy Deco. Mélange d'influences locales et de modernisme occidental, ce style se devine dans des immeubles aux volumes simples et sobres contrebalancés par de riches éléments décoratifs en saillie, et dans les expérimentations faites avec le béton.
Effervescence contemporaine
Pour tenter de juguler les effets d'une croissance urbaine exponentielle, la révolution maoïste s'est inspirée du modèle soviétique en érigeant de grandes barres d'immeubles standardisées, l'accroissement vertical étant inévitable du fait des topographies accidentées ou des situations insulaires de nombreuses villes en Chine du Sud. Une planification très réglementée qui s'est poursuivie avec la création de nombreuses villes satellites aux coûts exorbitants et à la croissance urbaine exponentielle, créant une pollution que rien ne semble pouvoir endiguer. Mais ces contraintes ont aussi contribué à faire de la Chine du Sud un vaste terrain d'expérimentation pour les plus grands noms de l'architecture. Né à Canton, et ayant grandi à Hong-Kong, Ieoh Ming Pei est l'un des deux seuls récipiendaires chinois du prestigieux Prix Pritzker, le Nobel d'architecture. C'est à lui que l'on doit l'iconique Bank of China Tower de Hong-Kong, premier bâtiment hors des États-Unis à dépasser 305 m de haut. Ses lignes élancées illustrent l'expressionnisme du maître, tout en démontrant une attention particulière donnée aux solutions antisismiques (structure en treillis en X qui distribue les forces aux 4 coins de la tour supportée par des piliers en acier). C'est également à Pei que l'on doit le Centre des Sciences de Macao avec sa forme asymétrique conique et sa passerelle en spirale laissant deviner l'obsession pour la géométrie et la pureté des formes du célèbre architecte. Mais revenons à Hong-Kong qui possède sans doute l'une des plus belles skylines du monde. La ville, qui ne cesse de s'agrandir en multipliant les poldérisations (terres gagnées sur la mer), continue de voir naître les réalisations les plus spectaculaires. Norman Foster y a réalisé la HSBC Tower, surnommée « le cintre », et en son temps building le plus cher du monde ! C'est également au célèbre britannique que l'on doit l'aéroport Chek Lap Kok sur l'île de Lantau, aux voûtes consolidées par une fine armature métallique blanche laissant pénétrer une belle lumière. Le superbe M+, le grand musée d'art contemporain de la ville, a été pensé par le duo suisse Herzog & de Meuron et impressionne par sa haute tour revêtue de tuiles en terre cuite. Autre étonnant building : les tours jumelles du Lippo Centre, dont les emboîtements rappellent la silhouette d'un koala, d'où leur surnom de « koala tree » ! Canton aussi connaît une grande fièvre créatrice. Zaha Hadid y a dessiné l'Opéra, dont la structure asymétrique en acier lui a valu le surnom de « coquille d'œuf géante » ! C'est également à Hadid que l'on doit le Morpheus Hotel de Macao, étonnant bloc monolithique protégé par un exosquelette de verre et d'acier. Membre du Réseau des Villes Créatives de l'Unesco, Shenzhen aussi impressionne avec notamment le Shenzhen Liantang Port aux lignes géométriques épurées et aux toits végétalisés. Autre superbe exemple de cette orientation plus durable de l'architecture : le pavillon de bambou de l'école d'architecture de l'Université de Hong-Kong dont les 475 tiges de bambou élégamment recourbées sont couvertes par un textile fait main. De nombreux buildings incorporent des jardins et espaces végétalisés et agencent leurs matériaux en couches successives obtenant ainsi une passivité du bâti et donc une neutralité carbone.Un héritage direct de l'architecture vernaculaire mis à l'honneur dans le projet de l'architecte Xu Tiantian qui a proposé, en 2020, à la municipalité de Zhangzhou de restaurer 7 tulous. Ce projet a été récompensé par de nombreux prix et prouve que l'on peut harmonieusement conjuguer tradition et modernité !