Racines anciennes

Bien avant l'arrivée des grandes religions organisées, les peuples autochtones de la Chine du Sud pratiquaient des croyances animistes. Chaque élément naturel – montagnes, rivières, arbres – était habité par une entité spirituelle, vénérée comme protectrice ou crainte comme maléfique. Les minorités ethniques comme les Zhuang, les Miao, les Dong ou les Yao pratiquaient des rituels chamaniques complexes pour apaiser les esprits ou invoquer leur protection. Ces pratiques incluaient des danses sacrées, des sacrifices animaux et des chants anciens, souvent transmis oralement au fil des générations, jusqu'à nos jours.

Le taoïsme

Le taoïsme, souvent considéré comme la seule « véritable » religion chinoise, repose sur une philosophie profonde qui trouve son origine dans les enseignements de Laozi, ou Lao Tseu (570-490 avant J.-C.), figure légendaire dont les idées ont traversé les siècles. Ce courant de pensée se distingue par sa quête d'harmonie entre l'homme et l'univers. Lao Tseu, plus mystique que Confucius, a laissé derrière lui le célèbre Dao de jing ou « Livre de la Voie et de la Vertu », un recueil de réflexions philosophiques d'une richesse inégalée. Contrairement au confucianisme, orienté vers une structuration sociale rigoureuse, le taoïsme invite à fuir les agitations du monde pour embrasser une liberté intérieure et une connexion avec les forces naturelles. Le concept du wu wei, ou « non-agir », illustre cet équilibre. Loin de prôner l'inaction, il s'agit d'une forme d'efficacité harmonieuse, où l'individu agit en parfaite symbiose avec les cycles naturels. Ce principe, complété par celui du yin et du yang, influence encore aujourd'hui des pratiques populaires comme le feng shui, la méditation ou le tai chi.

Le confucianisme

Le confucianisme, plus qu'une simple école de pensée, constitue un pilier fondamental de la civilisation chinoise depuis deux millénaires. Plutôt qu'une religion, il s'agit d'un système moral et politique ancré dans la quête d'un ordre social harmonieux. À l'origine, Confucius, loin d'être un prophète religieux, était un érudit passionné par les relations humaines. Son idéal de l'honnête homme repose sur un ensemble de valeurs incarnées par les sept vertus essentielles : Zhong, la fidélité à soi-même et aux autres ; Shu, l'altruisme ; Ren, l'humanité parfaite ; Yi, l'équité ; Li, le respect des rites ; Zhi, la perspicacité ; et enfin Xin, la droiture.

Centré sur la piété filiale, le respect des rites et la hiérarchie sociale, le confucianisme continue d'inspirer les relations familiales et les pratiques funéraires. Le culte des ancêtres, fondé sur ces valeurs, reste une pierre angulaire de la vie quotidienne dans le sud de la Chine.
Dans les familles, les autels consacrés aux ancêtres sont ornés de photos, de bâtons d'encens et d'offrandes alimentaires. Lors des festivals, les descendants se rassemblent pour honorer la mémoire de leurs prédécesseurs, renforçant les liens intergénérationnels et le respect des traditions. En somme, le confucianisme incarne bien plus qu'un corpus de préceptes : il est le miroir d'une société où le respect des ancêtres, la discipline collective et l'harmonie sociale forment un socle intemporel et évolutif.

Le bouddhisme

Le bouddhisme a été introduit en Chine à partir du IIIe siècle, pendant la dynastie des Hans, par deux voies principales. D'abord, par la Route de la Soie, où des commerçants et moines indiens ont apporté cette philosophie. Ensuite, à partir du IVe siècle, grâce aux échanges maritimes entre l'Inde, l'Asie du Sud-Est et les ports du sud de la Chine. Cet apport intellectuel et spirituel s'enracine tout particulièrement dans le sud de la Chine, où les monastères tels que celui de Nanhua, dans le Guangdong, deviennent les symboles de l'essor du bouddhisme Chan, également connu sous le nom de Zen. Ce courant privilégie la méditation et l'intuition directe plutôt que les écritures. Ces monastères n'étaient pas seulement des sanctuaires religieux, mais de véritables centres de rayonnement culturel et intellectuel. Les moines y traduisent des sutras, enseignent la philosophie bouddhiste, mais aussi des disciplines variées comme les sciences naturelles ou les arts martiaux.

Le bouddhisme, en s'implantant en Chine, subit une transformation profonde grâce à un syncrétisme avec les croyances taoïstes et confucianistes, déjà solidement ancrées dans le pays.
Deux grandes voies bouddhiques s'affirment : le bouddhisme mahayana, ou « grand véhicule », prédominant en Chine et dans d'autres pays d'Asie de l'Est, met l'accent sur l'entraide et le salut collectif, symbolisé par les Bodhisattvas, ces êtres qui renoncent à leur propre illumination pour guider les autres. En contraste, le theravada, ou « petit véhicule », insiste sur une quête individuelle de libération.
Les monastères bouddhiques chinois jouent également un rôle social important : ils accueillent les voyageurs, soignent les malades et offrent refuge aux orphelins. Le végétarisme, prôné par la doctrine du respect de tous les êtres vivants, gagne en popularité, et de nombreux temples proposent des cantines végétariennes.

Syncrétisme religieux

Le syncrétisme religieux en Chine est un phénomène fascinant qui résulte de siècles d'interaction entre les trois grandes traditions spirituelles du pays : le confucianisme, le taoïsme et le bouddhisme. Dans de nombreux temples, statues bouddhistes, taoïstes et confucéennes coexistent. Par exemple, les fidèles peuvent prier Guanyin, bodhisattva bouddhiste, tout en offrant de l'encens selon les rites taoïstes, et lire des maximes confucéennes sur la piété filiale.

Le culte de Mazu (également appelée Tin Hau à Hong Kong), déesse de la mer, incarne parfaitement cette synthèse. Vénérée dans les régions côtières, elle est associée à la protection maritime, intégrant des éléments taoïstes, comme les rituels pour les esprits, et bouddhistes, tels que la miséricorde. Ses temples, ornés de fresques colorées, attirent des pèlerins mêlant chants bouddhistes, offrandes taoïstes et hommages confucéens aux ancêtres.
Dans les villages, les rituels familiaux combinent souvent prières bouddhistes, offrandes taoïstes et gestes confucéens pour honorer les ancêtres, notamment lors des mariages, enterrements ou festivals comme le Nouvel An chinois.

L'islam et le catholicisme

L'islam pénètre en Chine dès le VIIᵉ siècle, avec l'arrivée des marchands arabes et persans empruntant la Route de la Soie. Au sud, la principale ethnie musulmane, les Hui, est concentrée dans des provinces comme le Yunnan. La tradition attribue la construction de la première mosquée chinoise, dans le Fujian, à Saad ibn Abi Waqqas, un compagnon du prophète Mahomet. Aujourd'hui, les mosquées historiques, telles que celle de Quanzhou, témoignent de cette présence ancienne. Ces édifices, souvent modestes, sont des lieux essentiels de rassemblement pour une communauté musulmane chinoise dont les estimations de population varient, allant de 20 à 50 millions selon les sources.

Le catholicisme, quant à lui, s'implante en Chine au XVIᵉ siècle avec l'arrivée des missionnaires jésuites. Matteo Ricci, figure emblématique de cette mission, joue un rôle clé en introduisant la foi catholique à la cour impériale de Pékin tout en respectant les coutumes locales. Cependant, la position des catholiques reste délicate. Deux Églises coexistent : l'Église patriotique officielle, sous contrôle du gouvernement, et l'Église clandestine, qui reste fidèle à Rome. Cette dualité est au cœur des tensions entre le Vatican et Pékin. Les discussions, notamment sur la nomination des évêques, n'ont pas encore permis de résoudre ce différend, ce qui rend impossible une visite officielle du pape en Chine continentale. Macao, ancienne colonie portugaise, est un exemple frappant de l'héritage catholique en Chine. Ce territoire regorge d'églises historiques, comme les célèbres ruines de Sao Paulo, vestiges d'une cathédrale du XVIIᵉ siècle, ou encore l'église Sao Lorenzo, symbole de l'architecture baroque. Ces édifices ne sont pas seulement des sites religieux, mais aussi des témoignages vivants de la rencontre entre les cultures occidentale et chinoise.

Croyances populaires

Le feng shui, art de l'harmonisation des espaces, reste une pratique vivante, influençant la construction et l'orientation des maisons, des immeubles et des villes. Les entrepreneurs consultent encore des experts en feng shui avant de lancer des projets majeurs, convaincus de son impact sur le succès.

La numérologie joue également un rôle important. Par exemple, le chiffre 8, symbole de prospérité, est prisé, tandis que le 4, homophone de « mort », est évité. À Hong Kong, les immeubles excluent souvent les étages 4 ou 14 : en cantonais, sei3 (« quatre ») sonne comme sei2 (« mourir ») et sap sei (« quatorze ») ressemble à sat sei (« mourir certainement »). Ces croyances influencent les numéros de téléphone, les plaques d'immatriculation et même les choix de dates, notamment dans les mariages, pour attirer chance et bonheur.

Les superstitions autour des esprits sont ancrées. Les offrandes de papier, comme des billets fictifs ou des miniatures d'objets (maison, chaussures), sont essentielles lors des funérailles. Les proches répandent ces objets sur le chemin de la maison à la tombe pour répondre aux besoins du défunt dans l'au-delà, traduisant un profond respect pour les ancêtres et un désir d'harmonie entre vivants et morts. D'autres rites complètent ces pratiques, comme les dons de nourriture pour que les morts ne souffrent pas de la faim. Lors des pleines lunes, les familles brûlent devant leur maison des répliques en papier de vêtements ou de billets de la Bank of Hell, pour honorer les défunts et attirer chance et prospérité pour eux-mêmes.

La Chine du Sud offre un panorama spirituel fascinant où se mélangent traditions ancestrales et influences modernes. Ces pratiques religieuses et croyances populaires, loin d'être figées, continuent de façonner la vie quotidienne et d'enrichir l'identité culturelle de la région.