Les îles comme étendard national vert

Les îles grecques sont l’objet de toutes les attentions en matière d’écologie. Si elles abritent déjà une biodiversité spectaculaire, on veut en faire encore plus, notamment en matière d’énergie. En 2021, le Premier ministre Kyriakos Mitsotaki a annoncé le lancement du projet GR-Éco Islands, dont le but est de faire des îles grecques des modèles de l’économie verte. Les actions sont diverses : augmentation de la part d’énergies renouvelables dans le mix énergétique, modernisation des infrastructures liées à l’électricité, gestion durable des déchets et de l’eau ou encore transports électriques, sur terre comme sur mer. Si l’initiative a d’abord été implantée dans l’île de Chálki, dans le sud de l’Égée, elle devrait prochainement atteindre le nord. Au-delà de faire des îles grecques des vitrines de l’innovation grecque en matière d’environnement, le projet devrait aussi faire de l’archipel une destination phare pour les amateurs d’écotourisme.

Une biodiversité d’une richesse rare

Le bassin méditerranéen souffre particulièrement de la pollution, du tourisme, de la chasse et de l’introduction d’espèces exotiques envahissantes. Pourtant, la Grèce fait figure de bonne élève, avec une biodiversité relativement bien conservée. Chacun de ses îlots représente un paradis pour la faune et la flore, si bien que la Grèce possède 15 % d’espèces endémiques : le plus haut taux d’Europe !
Si la flore grecque est d’une richesse inégalée en Europe, c’est aussi que la pauvreté des sols n’a pas permis aux champs de monocultures de remplacer les écosystèmes. C’est dans les îles de l’Égée que l’on dénombre le plus grand nombre de plantes endémiques, car la mer forme une barrière naturelle qui permet à un écosystème unique de se développer, en parallèle du continent. Dans les îles du nord de l’Égée, vous aurez alors peut-être la chance de tomber sur les fleurs roses touffues d’une Centaurea raphanina, ou sur les minuscules fleurs noires pubescentes de l’orchidée Ophrys omegaifera subsp. fleischmannii : deux fleurs qu’on ne trouve nulle part ailleurs que dans les îles de l’Égée ! Certaines îles en particulier ont une situation idyllique, comme Samothrace, une île-jardin, relativement épargnée par le tourisme, présentant un dense couvert végétal et de nombreux cours d’eau.
Loin des terres, le constat est le même : les écosystèmes marins qui entourent les îles du nord de l’Égée regorgent d’une biodiversité foisonnante. Ils accueillent notamment près de la moitié de la population de phoques moines de Méditerranée (Monachus monachus), une espèce autrefois abondante dans le bassin méditerranéen mais aujourd’hui en danger d’extinction, trouvant dans les Sporades l’un de ses derniers refuges. Toutefois, la situation n’est jamais idyllique, et il faut nuancer ce tableau en évoquant l’importante pression immobilière qui prend lieu sur les îles, repoussant toujours plus loin cette riche faune.

La gestion des déchets : le point faible de la Grèce

La gestion des déchets est un gros point noir de la politique environnementale grecque, à tel point que le pays a été plusieurs fois rappelé à l’ordre par la Commission européenne, qui le somme de mettre à niveau sa politique. En 2018, seuls 18 % des déchets étaient recyclés, contre 44 % en France, par exemple. Le taux de mise en décharge est lui aussi extrêmement important, faute d’infrastructures plus adaptées. Les îles, plus isolées encore des infrastructures de gestion des déchets, sont les principales victimes, puisque sur les 39 décharges illégales que comptait la Grèce en 2016, 21 se trouvaient dans les régions insulaires.
Des tentatives de lois ont plusieurs fois avorté. Après avoir ignoré les directives européennes, la Grèce avait tenté de diminuer l’utilisation de sacs en plastique en les rendant payants, mais leur utilisation a augmenté ! Espérons que cette fois sera la bonne, puisqu’en 2021, en application de la loi européenne, la Grèce a interdit les plastiques à usage unique.

L’isolement du réseau électrique, très polluant

La grande majorité des îles grecques habitées ne sont pas reliées au réseau électrique du continent. Pourtant, des études de terrain montrent bien que ce chantier est tout à fait possible et serait rapidement rentabilisé, mais cela n’a jamais constitué une priorité. Si bien que la plupart d’entre elles tournent encore avec des centrales thermiques fonctionnant au fioul ou au diesel : un procédé extrêmement polluant, en plus d’être très coûteux. Ces deux ressources fossiles issues du pétrole contribuent largement aux émissions de gaz à effet de serre. Si un projet de connecter au réseau électrique continental les 47 îles concernées est en cours, les îles du nord de l’Égée sont les dernières visées, et devraient se voir reliées d’ici 2029.

En première ligne face au réchauffement climatique

La Grèce est d’autant plus impactée par le réchauffement climatique qu’elle y participe activement. Elle est le dixième pays le plus pollueur de l’UE, en termes d’émissions de gaz à effet de serre, bien qu’il faille nuancer ce constat, puisque cela ne représente que 10 % des émissions de l’Allemagne, première du classement. On observe toutefois une nette amélioration, puisque ses émissions ont diminué de plus d’un quart en une décennie, une performance d’autant plus admirable qu’il s’agit d’une des diminutions les plus importantes d’Europe (à titre de comparaison, celles de la France ont baissé de moins de 15 % dans le même temps). Lors de la COP 21, la Grèce, conformément à l’engagement de l’UE, s’est par ailleurs engagée à réduire de 40 % ses émissions d’ici 2030, par rapport à leur niveau de 1990.
Si la Grèce prend des engagements face au réchauffement climatique, c’est qu’elle en subit déjà les conséquences. Les îles du nord de l’Égée sont elles-mêmes particulièrement exposées à la montée des eaux, d’autant plus que leur littoral s’érode à vue d’œil. Mais le danger principal reste les incendies, qui se multiplient au rythme des vagues de chaleur qui s’intensifient. Lors de la canicule de l’été 2022, l’île de Samos n’a pas échappé aux flammes destructrices. Les Sporades ont quant à elles été mises sous alerte incendie, un dispositif qui a certainement fait remonter d’amers souvenirs des incendies qui avaient ravagé Skopelos en 2009.

Les réserves naturelles : temples de biodiversité 

La Grèce possède un grand nombre de zones protégées, à tel point que selon le programme des Nations unies pour l’environnement, 35 % du territoire est protégé. Un seul parc national est situé dans le nord de l’Égée : le parc national marin d’Alonissos. Le premier parc marin du pays englobe une partie des Sporades dans ses 250 000 ha de superficie, ce qui en fait la plus grande réserve marine d’Europe. Il constitue ainsi un refuge de choix pour différents mammifères marins, comme plusieurs espèces de dauphins, le cachalot, et même la baleine de Cuvier. Ils sont accompagnés d’une multitude de poissons, offrant un garde-manger de choix à certains oiseaux comme le goéland leucophée ou le cormoran.
La région regorge aussi de zones classées Natura 2000, un réseau constitué par l’Union européenne dans le but d’en protéger la faune et la flore. L’île de Chios en fait ainsi entièrement partie. Des siècles d’agriculture douce et de non-exploitation font de cet îlot un paradis pour plus de 75 espèces d’orchidées et de nombreux oiseaux migrateurs.
En plus de ses zones protégées pour leur intérêt naturel, les îles du nord de l’Égée font partie des fondateurs des géoparcs, des aires protégées pour leur attrait géologique. La forêt pétrifiée de Lesbos est en effet le premier parc du type. Cette forêt fossilisée unique en son genre a été engloutie par la lave il y a 18 millions d’années, laissant place à des troncs figés à jamais.