Au sein même d’Assise

Pour retourner sur les pas de saint François, il faut partir de la ville dans laquelle il est né : Assise, inscrite au patrimoine de l’Unesco depuis 2000, qui a préservé son architecture médiévale, avec cependant aujourd’hui une atmosphère certainement plus bruyante qu’à l’époque, puisque des milliers de touristes s’emparent chaque année de cette cité édifiée sur une colline. D’abord, la basilique Saint-François, qui fut bâtie sur le tombeau du saint d’Assise, est le centre de la spiritualité franciscaine. C’est Grégoire IX qui en avait appelé à la générosité populaire pour bâtir l’édifice, qui est depuis l’un des buts de pèlerinage les plus recherchés d’Italie. La consécration de ce chef-d’œuvre d’architecture médiévale (inscrit également au patrimoine mondiale de l’Unesco) eut lieu en 1253, soit 27 ans après la mort de saint François. Les deux basiliques superposées (la Basilica Superiore, basilique supérieure, et en dessous la Basilica Inferiore, basilique inférieure) témoignent de l’alliance de l’art et de la spiritualité : elles abritent les fresques et peintures de Cimabue, Jacopo Torriti, Pietro Cavallini, Giotto, Simone Martini et enfin Pietro Lorenzetti. Dans la basilique supérieure, les 28 scènes de la vie de saint François illuminent le plafond par leurs couleurs vives et illustrent également ce moment culminant de la théologie médiévale à l’époque de l’ordre franciscain.

En mourant, François a dit aux frères qui l'entouraient : « J'ai accompli ma tâche ; que le Christ vous apprenne à accomplir la vôtre. » Pour mener sa « tâche » jusqu’à la fin de sa vie, saint François a emprunté un très long chemin spirituel. Fils d’un marchand nommé Pierre Bernardone, François d’Assise (né sous le nom de Francesco di Pietro di Bernardone) a grandi lors du temps des conflits entre villes italiennes qui rythmaient la vie de leurs habitants. Les nobles (les maiores), propriétaires des châteaux, se disputent avec ceux qui dirigent des activités commerciales, manufacturières (appelés les minores), qui, quant à eux, souhaitaient participer au gouvernement de la cité. En 1202, François d’Assise prend part à une guerre contre Pérouse, ville alors rivale d’Assise. Il est ensuite fait prisonnier, puis libéré avant de tomber malade. C’est à partir de 1205 que commence son éveil spirituel. Un an plus tard, il vend les tissus que son père lui avait donnés, et remet la somme ainsi obtenue au prêtre de Saint-Damien. Son père sera très en colère au point que père et fils connaîtront une rupture radicale. « Jusqu'ici j'appelais Pierre Bernardone mon père... Je veux désormais dire "notre Père qui êtes aux Cieux" et non plus "mon père, Pierre Bernardone" », déclarera-t-il. Saint François revêtit une robe de bure, en tissu de laine, après s’être débarrassé de ses vêtements. Dans son Testament, il raconte : « Voici comment le Seigneur me donna, à moi frère François, la grâce de commencer à faire pénitence. Au temps où j'étais encore dans les péchés, la vue des lépreux m'était insupportable ». Il va beaucoup voyager en Italie, et pendant tout ce temps, il va prêcher les vertus de la pauvreté et soigner les lépreux. En 1209, il se rend à Rome rencontrer le pape Innocent III dans le but de lui demander d’approuver sa volonté de vivre selon l’Evangile.

Pour revenir sur les pas de saint François, il faut donc passer par les lieux qui ont fait partie de sa vie spirituelle. Après la visite de la Basilica di San Francesco, tout près de là, vous marchez vers un autre endroit incontournable : la place de la Commune. Cette grande place médiévale, où s’érige une magnifique fontaine ornée de trois lions, est le cœur historique de la ville. Aujourd’hui, on y trouve des restaurants et des glaciers ainsi que l’office de tourisme. Elle est aussi entourée de palais publics médiévaux, le palazzo dei Priori (aujourd’hui la mairie) de 1337 avec sa Pinacoteca, le palazzo del Capitano del Popolo (palais du Capitaine du Peuple) datant du XIIIe siècle, ainsi que le temple de Minerve d’époque romaine, transformé en église au Moyen Age.

La figure de Santa Chiara

Dans les pas du saint, il y eut une figure importante prénommée Claire (Santa Chiara), à l’origine de la création de l’ordre des Pauvres Dames (Sorelle Povere), les clarisses. A Assise, Piazza Santa Chiara, entre la basilique Saint-François et la Porte nouvelle, une basilique dont l’architecture est inspirée de la basilique supérieure de San Francesco lui est dédiée. Claire a été canonisée deux ans après son décès, tout comme saint François. À la tête d’une communauté de cinquante religieuses, dont sa sœur Agnès, elle est faite abbesse par le pape en 1216. On lit souvent à propos de Claire qu’elle grandit dans l’ombre de François qu’elle considérait comme un guide dans sa vie, après Dieu. Née à Assise, vers 1193, issue d’une famille noble, elle avait douze ans de moins que François qu’elle rencontra en 1210. Deux ans plus tard, dans la nuit qui suit le dimanche des Rameaux, elle quitte la maison familiale pour le rejoindre. François lui coupe alors les cheveux, elle se revêt d’une robe de toile et promet de suivre le chemin de la pauvreté. A 18 ans, elle est conduite chez les bénédictines de Saint-Paul, et est installée au Couvent de Saint-Damien. Comme François, elle donne l’exemple d’une vie simple, dénuée de tout artifice, vivant dans la prière. Les sœurs sont ainsi appelées « épouses de l’Esprit Saint » et non « épouses du Christ ».

Tout près de la basilica di Santa Chiara (Sainte-Claire), à l’est, la cathédrale San Rufino (temporairement fermée au moment de notre enquête) abrite les fonts baptismaux, à l’entrée du bas-côté droit, où saint François et sainte Claire furent baptisés. Avec sa façade romane, la cathédrale a été construite à partir du XIIe siècle à l’endroit où était enseveli saint Rufin, premier évêque de la ville et martyr. L’édifice qui domine la partie haute de la ville est consacré en 1253 par le pape Innocent IV.

En dehors du centre historique

Le voyage sur les pas de saint François continue en dehors d’Assise, au sud-est de la ville. C’est au Convento San Damiano que François a entendu la voix du Christ pour la première fois : « Francesco, va réparer ma maison qui, comme tu peux le voir, est en ruine ». (Dans la Lettre du pape François des 26-28 mars 2020, on peut lire : « Cette maison à réparer nous concerne tous. Elle concerne l’Église, la société, le cœur de chacun de nous. Elle concerne également toujours plus l’environnement qui a un besoin urgent d’une économie saine et d’un développement durable qui guérisse ses blessures et lui assure un avenir digne »). Ainsi naît sa vocation. Pour rejoindre cette église modeste, restaurée par saint François lui-même et où, en 1212, sainte Claire fut accueillie, il faut emprunter une allée de plus d’un kilomètre bordée d’oliviers. Il est possible de s’y rendre en minibus. L’endroit est très fréquenté par les pèlerins, mais vous pourrez tout de même sentir l’atmosphère paisible qui y règne, et imaginer saint François écrivant dans ce lieu déterminant son Cantique des créatures. Ce texte écrit peu avant sa mort résonne avec l’actualité d’aujourd’hui (on pense au changement climatique), demandant la protection de ce qui est faible, décrivant les êtres reliés entre eux…

Voici les premières strophes :

Loué sois-tu, mon Seigneur, avec toutes tes créatures, spécialement messire frère Soleil, par qui tu nous donnes le jour, la lumière : il est beau, rayonnant d'une grande splendeur, et de toi, le Très Haut, il nous offre le symbole. Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur Lune et les étoiles : dans le ciel tu les as formées, claires, précieuses et belles. Loué sois-tu, mon Seigneur, pour frère Vent, et pour l'air et pour les nuages, pour l'azur calme et tous les temps : grâce à eux tu maintiens en vie toutes les créatures. Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur Eau qui est très utile et très humble, précieuse et chaste. 

 

Saint François prône l’action des non-violents et fait du lien avec la nature un point essentiel de son message. On peut lire souvent à ce sujet que saint François est le premier saint « écologiste », même si ce terme est anachronique, car il date du XIXe siècle. C’est le pape Jean-Paul II qui l'a fait patron de l'écologie en 1979. Quant au pape actuel, né Jorge Mario Bergoglio à Buenos Aires, il a par ailleurs pris le nom de François d’Assise. Dans une interview donnée au journal La Croix, le Père Dominique Lang, assomptionniste et journaliste au Pèlerin, rappelle que « François prêche aux oiseaux, aux poissons, au loup de Gubbio », en somme aux créatures de Dieu et explique dans cette interview : « Benoît XVI dit déjà que l’on ne peut pas prendre soin des pauvres si l’on ne prend pas soin de la Création, et qu’inversement on ne peut pas s’occuper de la nature si l’on ne prend pas soin des plus pauvres. Le « tout est lié » de François était déjà annoncé. Je pense que François a été appelé à devenir pape pour mettre en œuvre un certain nombre d’intuitions qui s’accumulaient mais que l’on n’arrivait pas à traduire pastoralement. Aujourd’hui, ce pape nous met au travail ». A l’heure actuelle, les mots de François d’Assise résonnent et sont source d’inspiration. Pour vous connecter avec la nature, il faut suivre les pas de saint François sur les collines alentour, notamment vers l’Eremo della Carceri (l’Ermitage des Carceri) situé sur le mont Subasio. C’est là que le saint et ses disciples allaient prier en s’isolant dans les grottes. On peut s’y rendre à pied, c’est une excursion de 4 km depuis la porta dei Cappuccini.

Un autre lieu de retraite où saint François aimait se retirer pour prier se trouve à 4 km au sud-ouest d’Assise : la grande basilique Sainte-Marie-des-Anges conserve à l’intérieur la Porziuncola, berceau de l’ordre franciscain où saint François souhaita y être transféré à la fin de sa vie. Pour les amateurs de randonnée, la Basilica San Francesco (au sein d’Assise) côtoie le Bois de Saint-François qui comprend 64 hectares de terrain gérés par le FAI (Fondo Ambiente Italiano), une fondation privée à but non lucratif qui promeut la sauvegarde et la valorisation du patrimoine artistique et naturel italien. Depuis novembre 2011, la forêt est ouverte au public et vous avez le choix entre trois sentiers de randonnée. Sur votre chemin entouré de nature, vous observerez des statues religieuses, des moulins du XIIe siècle, des églises du XIIIe siècle, des monastères…

Au-delà d’Assise, à Gubbio et Rome

Suivre les pas de saint François vous conduira également hors d’Assise. A plus de 50 km de là, au nord, la ville de Gubbio a accueilli François dans le Fondaco degli Spadalonga où il aurait apprivoisé un loup mangeur d’hommes afin que ce dernier vive en harmonie avec les habitants. L’église San Francesco della Pace conserve le caillou qui scella le pacte de paix entre la bête et le saint. Enfin, pour les grands marcheurs, ou ceux qui aiment le vélo ou le cheval, le Chemin des Protomartyrs franciscains est un itinéraire circulaire sur le territoire de Terni et Narni, au sud d’Assise. Il relie certains lieux qui reviennent sur les pas de saint François et se parcourt en plusieurs étapes. Le Chemin de saint François (via di Francesco) peut lui vous mener jusqu’à Rome (ou se faire au départ de Rome). Vous pourrez vous procurer un carnet du pèlerin pour valider les étapes de votre pèlerinage. Le site www.viadifrancesco.it (traduit en français) détaille l’ensemble des chemins possibles et des trajets tout comme le site de l’office de tourisme www.umbriatourism.it (également traduit en français) où vous trouverez des renseignements sur les itinéraires.

La festa di San Francesco (saint patron de l’Italie) est célébrée le 4 octobre. La Semaine sainte à Pâques est rythmée par de nombreuses célébrations et processions.