Découvrez Bahreïn : Littérature (BD / Actualité)

Au Bahreïn, « île » ne rime définitivement pas avec « isolement ». De par sa position stratégique au cœur du Golfe Persique, particulièrement intéressante d'un point de vue commercial, l'archipel a en effet de tous temps reçu la visite de ses proches voisins, et bénéficié par là même de leurs multiples influences. Cet attrait singulier remonte à loin : l'Histoire se souvient des richesses de Dilmun, les légendes décrivent déjà un pays de cocagne. Dans le domaine culturel, cette convergence des peuples et des langues explique sans doute le rôle essentiel que joua le Bahreïn dans les arts – théâtre et poésie – nés de l'oralité. Ce qui est désormais une presqu'île rattachée au continent a conservé ce cosmopolitisme, près de la moitié de la population n'est pas de nationalité bahreïnienne. La tradition orale a, quant à elle, laissé une place à l'écriture, ce qui permet aux textes de voyager à leur tour, bien que les traductions en français restent rares.

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Histoire, légendes et langues

Île de légende devenue scène de théâtre, le Bahreïn a, dès ses origines, mêlé réalité et fiction. D'un point de vue historique, d'aucuns s'accordent à y situer la civilisation de Dilmun, déjà mentionnée dans sa flamboyance plus de vingt siècles avant notre ère… et pourtant complètement oubliée jusqu'à ce que les épigraphistes parviennent à déchiffrer l'écriture cunéiforme au XIXe siècle. La tradition orale fut assurément un relais plus efficace. Ainsi, le mythe sumérien Enki et Ninhursag, respectivement maître de l'eau et déesse de la terre, raconte comment leur amour féconda avec ferveur ce territoire jusque-là stérile. Le Bahreïn y gagna une réputation de pays fertile qui n'est pas complètement usurpée. En effet, grâce à une particularité remarquable, l'eau douce y coule généreusement, ce qui lui vaut d'ailleurs son nom (en arabe) de « deux mers », une intérieure et l'autre, salée, qui l'entoure. Enûma Elish, l'histoire de la Création dans la mythologie mésopotamienne et l'un des plus anciens textes qui nous soit parvenu, confirme ce délicieux tableau. L'île y est décrite comme une terre d'abondance aux faux airs de Jardin d'Éden où, selon L'Épopée de Gilgamesh, s'est installé le seul survivant au Déluge, Atrahasis, qui est appelé Noé sous d'autres latitudes.

Outre ses ressources naturelles, Dilmun jouit d'une position géographique appréciable qui le place sur la route des marchands et en fait une véritable plaque tournante des échanges internationaux. À l'Antiquité, l'île tombe aux mains des Grecs et devient Tylos, c'est sous ce nom qu'elle figure dans les chroniques historiques de Théophraste (372-288 av. J.-C.), Strabon (63 av. J.-C.-23) ou Pline (23-79). D'autres se succèderont, les Ottomans, les Portugais, les Perses, les Britanniques, la dynastie Al Khalifa… À l'image de la terre qui garde trace de ces différentes périodes, comme autant de strates et de vestiges qui font la joie des archéologues, la langue se fait elle aussi gardienne de la mémoire. Dans un pays toujours cosmopolite, l'anglais, ancienne langue coloniale, est forcément utilisé. L'arabe standard moderne est quant à lui la langue officielle, même si en réalité de nombreux dialectes sont pratiqués dans les rues, notamment le bahrani largement influencé par des idiomes aussi anciens que l'araméen.

Le théâtre

Dans ce pays où les peuples convergent et où les langues se mélangent, il était logique que l'oralité s'épanouisse dans ses plus belles affirmations, la poésie et surtout le théâtre. Il se dit que la tradition remonte au temps de Dilmun, où les rites de la religion polythéiste alors en vigueur incitaient à déclamer sur scène. Plus réservé, l'Islam, instauré en 628, mit fin à ces pratiques, bien que certaines occasions telles que l'Achoura – commémoration de la séparation de la Mer Rouge par Moïse célébrée le 10 du mouharram, premier mois du calendrier musulman – se prêtaient à des représentations publiques. Ce genre particulier, dramatique parce qu'il évoque la lutte entre le bien et le mal, religieux parce qu'il raconte le martyre du Prophète et de ses compagnons, est appelé ta'zieh. Il remonte au Xe siècle tout comme le maqâma qui, dans un tout autre registre, campe un personnage espiègle et ses multiples péripéties. Ces différentes formes théâtrales ne sont pas très éloignées de la poésie, le texte prend le pas sur la mise en scène et la rhétorique se mesure à la qualité des rimes aussi bien qu'à l'alternance des vers. Plus visuel, le théâtre d'ombres se répandit si rapidement à travers le monde qu'il est difficile de savoir comment il se popularisa au Bahreïn, peut-être grâce à la Syrie où il est désormais inscrit au patrimoine immatériel de l'UNESCO… De source plus sûre, les pièces européennes se firent à leur tour connaître sur l'archipel, et plus largement dans le monde arabe, suite à l'expédition qu'entreprit en 1798 Bonaparte en Égypte.

Le tournant du XXe siècle

Fort de tous ces brassages, au début du XXe siècle le Bahreïn s'impose, parmi les autres états du Golfe Persique, comme précurseur dans le domaine du théâtre, un rôle qu'il dispute avec le Koweït. En 1925, la pièce Le Juge de la volonté divine, jouée à l'école de garçons Hidaya Al-Khalifa à Muharraq, fait date. Elle est la première pierre d'un corpus qui ne va cesser de s'étoffer, soit de traductions d'auteurs étrangers à l'instar de Shakespeare, soit de créations de dramaturges locaux. En la matière, dans les années 1950, Abdulrahman Almoawda et Ebrahim Al-Arrayedh font figure de pionniers avec la dizaine de drames historiques qu'ils écrivent à quatre mains, s'inspirant de personnages réels tels qu'Al-Ala al-Hadrami qui vécut sous le règne de Mahomet. Ebrahim Al-Arrayedh – né en Inde en 1908 de parents bahreïniens – se fit également remarquer pour sa poésie. Il commença à en écrire à 18 ans. Cinq ans plus tard, il publiait déjà et ses recueils aux thématiques sociales ou politiques eurent un grand retentissement, largement au-delà de l'archipel auquel il dédia de remarquables poèmes et où il poussa son dernier souffle à l'âge honorable de 94 ans. Sa renommée était à la hauteur de celle d'Ali Al Shargawi qui vit le jour en 1948 à Manama et officia lui aussi dans les deux arts de la tradition orale. Il commença à faire paraître ses vers dans les journaux en 1968, ceux-ci furent prestement traduits de l'arabe vers d'autres langues dont l'anglais, le français et le russe. Il rejoignit ensuite l'Association des écrivains de Bahreïn, cofondée en 1969 par l'éminent critique Mohammed Jaber Al-Ansari, et la compagnie de théâtre Awal, la plus ancienne du pays, créée notamment par Khalifa al-Arifi. Depuis, Ali Al Shargawi accumule les honneurs, par exemple le Prix du meilleur dramaturge qu'il reçut en 2002. Nous pourrions également citer ses deux exacts contemporains, tous deux poètes, Alaoui al-Hashimi et Qassim Haddad. Leur cadet de plus de vingt ans, Ali Al Jallawi né en 1975, a poursuivi ce renouveau de la scène poétique, même si ses vers furent jugés par trop révolutionnaires.

En fait, ce sont les femmes qui ont vraiment apporté un souffle nouveau à la littérature bahreïnienne, en s'affranchissant d'une trop sévère métrique et en s'emparant de la prose. Ainsi, Hamda Khamis rencontra un énorme succès avec son recueil Shayaza (« Éclats d'obus ») en 1969. En 2013, toujours au faîte de sa gloire, elle était l'invitée de la Foire du livre d'Abou Dhabi. Fawziyya al-Sindi et Fatima al-Taytoun, respectivement nées en 1957 et en 1962, incarnent elles aussi cette littérature féminine qui compose aujourd'hui presque 20% de la production totale. Enfin, et ce n'est pas un détail, en 2004, Ali Al-Saeed publia QuixotiQ, un thriller qu'il écrivit directement en anglais. La littérature du Bahreïn n'a donc pas fini de se réinventer.

Top 10 : Lecture

La littérature de Bahreïn

Quelle que puisse être la réputation de la poétesse Hamda Khamis ou celle de son homologue masculin Qassim Haddad, difficile de trouver des vers de l'une ou de l'autre traduits dans notre langue. Voici l'indice le plus probant que pour partir à la découverte de Bahreïn grâce aux livres, il faudra se tourner vers un corpus étranger, qui n'en demeure pas moins passionnant.

La Poésie d’Ali Abdullah Khalifa

Le poète bahreïnien né en 1944 n'a pas seulement produit une œuvre qui mérite d'être lue, il a également contribué activement à la vie culturelle de son pays. Wijdan Alsayegh, éditions L'Harmattan.

Une datcha dans le Golfe

Le journaliste espagnol a vécu à Bahreïn entre 2014 et 2016, il en dresse un portrait édifiant et fascinant récompensé par le Prix Nicolas Bouvier. Emilio Sánchez Mediavilla, éditions Métailié.

Le Royaume des Deux-Mers

Un beau roman, entre mythe et réalité, qui se passe au temps de Dilmun et ravive la légende du dernier survivant au Déluge. Gilbert Sinoué, éditions J'ai lu.

Dans le désert

L'écrivain-voyageur a voulu aller se frotter à la démesure et à la rumeur d'un monde inhumain, arrivera-t-il à s'y faire des amis ? Julien Blanc-Gras, éditions Le Livre de poche.

Le Prophète et le Vizir

Bahreïn, VIIIe siècle. Kemal est un simple pêcheur de perles mais l'émir sait qu'il possède un don de voyance, commence alors pour notre héros une longue fuite en avant. Yves et Ada Rémy, éditions Pocket.

Le Point de rencontre

Alors qu'ils ont quitté l'Occident pour l'Orient où son mari a trouvé du travail, Ruth découvre peu à peu qu'il lui a caché beaucoup de choses. Lucy Caldwell, éditions Plon.

Ormuz

L'histoire d'un homme qui se targue de traverser le détroit d'Ormuz à la nage, ou le parfait prétexte pour un écrivain d'évoquer cette région si particulière du globe. Jean Rolin, éditions Folio.

Bahreïn : un archipel, une histoire et un avenir

D'hier à demain, un ouvrage complet qui retrace l'histoire de l'archipel et récapitule ses centres d'intérêt. Victor Dalmas et Éric Sander, éditions La Martinière.

Bahreïn : une perle dans un golfe chaud

De par son histoire et sa situation géographique, Bahreïn occupe sur l'échiquier géopolitique mondial une place unique. Mohamed Benhammou, éditions L'Harmattan.

Les Arts populaires du chant au Bahreïn

Si au Bahreïn la modernité n'est pas un vain mot, le pays n'a pour autant pas négligé d'entretenir ses traditions et son folklore. Khlaid Abdulla Khalifa, éditions L'Harmattan.

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