Racines ancestrales
Au nord de l'île, le site archéologique du Fort de Bahreïn (Qal'at Al Bahrain) n'est autre que la capitale de l'ancien empire de Dilmun. Par sa situation géographique, la civilisation de Dilmun joue un rôle essentiel dans l'histoire de la Mésopotamie, entre le IIIe millénaire et le milieu du Ier millénaire avant J.-C. Considérée comme le berceau de la civilisation, la Mésopotamie a vu naître l'écriture et un art de la sculpture exceptionnel. Sur ce site, qui était jadis un port, s'est épanoui l'art de la sculpture en pierre inspiré du style mésopotamien.
Dilmun était vraisemblablement plus une fédération de ports qu'un pays. Le passé de la cité de Qal'at Al Bahrain est foisonnant. Bien que les fouilles restent très partielles, les vestiges en excellent état de conservation révèlent la prospérité de l'ancien port. Parmi les objets mésopotamiens mis au jour, les céramiques attestent du rôle commercial de la région. Lieu d'échange entre l'Indus, la Chine et la Méditerranée, Dilmun est mentionnée dans les écrits hellénistiques sous le nom de Tylos.
Art funéraire
Les occupations successives au fil des millénaires ont fini par former une colline archéologique, appelée tell. Le long des nouvelles routes, les « champs de tumuli » sont fouillés à partir de la fin du XIXe siècle. Au nombre de 170 000, ces monts constitués de chambres funéraires sont dotés d'alcôves destinées à recevoir les offrandes. Le défunt était entouré de céramiques utilitaires ou décoratives, de vases en bronze, de bijoux précieux et autres biens personnels. Retrouvés en grand nombre à Dilmun, les cachets ou sceaux en stéatite étaient portés autour du cou par chaque habitant. Cet objet fonctionnel est l'une des rares manifestations de la création artistique de Dilmun.
En plus des objets funéraires retrouvés à l'intérieur des sépultures, des stèles en pierre sculptées séparaient les tombes. Inspiré par l'art mésopotamien et parthe, leur style évolue très lentement. Le défunt est dans un premier temps représenté par une silhouette sommaire. Peu à peu, le visage s'enrichit de détails, puis la coiffure et les vêtements jusqu'à atteindre un style très raffiné.
La civilisation de Dilmun occupe trois grandes salles du Musée National de Bahreïn à Manama. Construit en 1988, il s'agit de l'un des plus anciens musées de l'émirat. Sa collection d'artefacts archéologiques couvre 6 000 ans d'histoire.
Dynamisme moderne
Le mouvement artistique moderne émerge dans les années 1950. L'art bahreïni connaît alors un essor sans précédent, sous le patronat du Arts and Literature club, fondé en 1952 à Manama. La première exposition d'art contemporain, qui a lieu en 1956, réunit peinture expressionniste et calligraphie arabe. Depuis, de nombreux peintres bahreïnis ont connu un succès national et international.
Rashid bin Khalifa Al Khalifa est l'un des premiers artistes bahreïnis reconnus à l'étranger. Ce peintre, né en 1952 à Manama, est membre de la famille royale. Il étudie au Royaume-Uni, puis revient d'Europe passionné par les courants novateurs européens. Il n'a que 18 ans quand sa première exposition est organisée au Bahreïn, au Dilmun Hôtel. Sur une cinquantaine d'années, son style évolue du réalisme de ses débuts à l'impressionnisme, à l'abstraction géométrique et plus récemment à un art abstrait et coloré. Il expose à Milan, Beyrouth, aux États-Unis et participe à la Biennale de Venise 2015.
Dans les années 1990, trois associations défendent les arts plastiques. Elles sont accompagnées par l'explosion du nombre de lieux d'exposition. Parmi ceux-ci, l'Al Riwaq Art Space, créé en 1998 par l'artiste irakienne Bayan Kanoo, soutient les artistes locaux. Icône de la scène artistique et du mode de vie moderne, Bayan Kanoo poursuit ses études à l'Université de Bahreïn avant d'ouvrir la galerie Riwaq ; le lieu, par la suite développé en centre d'art, propose des résidences, des formations, des espaces pluridisciplinaires en plus des salles d'exposition. Bayan Kanoo est une pionnière. Elle sort l'art dans la rue. Dans le quartier du Block 338, elle sème des œuvres d'art pour inciter les habitants à quitter leurs espaces climatisés. C'est une petite révolution dans les mœurs du Bahreïn et pour le quartier, rapidement devenu branché.
Pour ce qui est des centres d'art, The Art Center, fondé en 1992, s'impose rapidement comme une place tournante de l'art contemporain. Au programme : ateliers, conférences, expositions d'art graphique et de photographie. Une fresque commandée en 2024 par le centre met la calligraphie à l'honneur. Les peintures murales, inspirées de l'art islamique, ont été réalisées par 12 artistes nationaux.
Et aujourd’hui ?
Dès les années 2000 et 2010, la scène artistique est marquée par un engouement pour l'art abstrait. Mais toutes les tendances novatrices coexistent. Même le street-art tente une percée ces dernières années. Référence en termes d'contemporain à Bahreïn, l'Albareh Art Gallery réunit les plus grands artistes arabes et la crème de la peinture bahreïnie.
La photographe Ghada Khunji, née en 1965 à Manama, étudie à New York, puis elle rentre établir son atelier à Manama. Sa carrière internationale est récompensée par le Lucie Discovery of the Year (2006), American Photo Magazine's Image of the Year Award (2007), et le Golden Lights Award for Travel (2006). Ces dernières années, Khunji se met en scène dans des photos qui traitent de la notion d'identité culturelle et du statut des femmes dans le Golfe persique.
Le peintre Nasser Alzayani, également formé aux États-Unis, naît en 1991 à Manama. Il documente le temps et l'espace à travers le texte et l'image, et des objets trouvés. Il commence par piocher dans les ressources naturelles avant de mouler les objets qu'il agence dans ses compositions, à la croisée de plusieurs modes d'expression. Établi à Abu Dhabi, il est lauréat du Richard Mille Art Prize 2017.
Depuis 2016, la foire annuelle Art Bahrain Across Borders (ArtBAB) est dirigée par la femme d'affaires Kaneka Subberwal. Avec la commissaire d'exposition et artiste Amal Khalaf, le duo s'est donné pour double mission de promouvoir les artistes bahreïniens à l'étranger et d'attirer le monde de l'art dans leur pays. À vous les découvertes !