Aux origines
La fascinante culture Dilmun, dont les plus anciennes traces remontent au IIIe millénaire avant notre ère, a laissé d'impressionnants témoins. Le Fort de Bahreïn, ancien port et capitale de Dilmun, et les temples de Barbar se font les échos de l'âge d'or de cette culture (2200-1750 av. J.C). Le Fort de Bahreïn (Qal'at Al Bahrain) est un chef-d'œuvre d'architecture monumentale et défensive. Le site consiste en un tell, c'est-à-dire une colline artificielle formée par les ruines des cités successives qui s'y sont développées. Les archéologues y ont ainsi mis à jour les fondations de forteresses maritimes, de temples, ainsi que des premiers signes d'une urbanisation raisonnée avec division en zones religieuses, commerciales ou résidentielles. En plus du tell, vous pourrez découvrir une tour maritime, superbe exemple de phare antique, des jardins et palmeraies, ou bien encore les traces d'un étonnant chenal taillé dans la barrière de corail. Construits en terrasse, les Temples de Barbar s'organisent autour de plateformes centrales, le plus souvent ovales, ponctuées d'autels circulaires et de tables sacrificielles. Puits et sanctuaires souterrains, auxquels on accédait par d'imposants escaliers cérémoniels, complètent cette architecture qui révèle un art consommé de la maçonnerie et de la taille de pierre. Le Bahreïn regorge également de splendeurs funéraires. À Hamad Town se déploient de nombreux tumuli, collines de terre renforcées de fragments de calcaire, entourées de murs circulaires, et protégeant des chambres funéraires, souvent de plans rectangulaires, construites en blocs de calcaire et dissimulant de belles alcôves. Dans sa dernière période, la culture Dilmun a laissé d'authentiques chefs-d'œuvre funéraires. Le site archéologique de Saar abrite ainsi des exemples uniques de tombes en structures alvéolaires. Les chambres funéraires sont protégées par des murs en arcs de cercle qui s'interconnectent, reliant ainsi toutes les tombes entre elles. Ces nécropoles témoignent d'une forte hiérarchisation sociale. Les tumuli les plus modestes prenaient la forme de tours cylindriques basses, tandis que les tombes royales se déployaient sur deux niveaux rappelant ainsi les ziggourats, édifices mésopotamiens « faits de la superposition de plates-formes de dimensions décroissantes, dont la plus petite, au sommet, porte une chapelle. »
Au carrefour des influences
Indissociable de la culture perlière, l'architecture traditionnelle s'est d'abord faite modeste, prenant la forme d'habitations construites à partir de panneaux en feuilles de palmiers tressées placés sur des cadres en bois de palme, selon la technique dite arish ou barasti. Forts de leur prospérité, les marchands se sont ensuite faits construire des maisons en dur utilisant de la pierre de corail local, du mortier et du plâtre obtenus à partir de gypse, et du bois de palme ou de mangrove pour la charpente. Sur l'île de Muḩarraq se déploient résidences de riches négociants, modestes maisons de pêcheurs, entrepôts, boutiques et mosquées dans un tissu urbain fait de ruelles étroites, de petites places ombragées et de souks bouillonnants typiques de ces latitudes. Toits-terrasses protégés par des balustrades sculptées, hauts murs aveugles percés de monumentales portes en bois sculpté selon d'élégants motifs géométriques, cours intérieures bordées de colonnades (al-liwan), salon d'apparat (majlis), système de corridors et panneaux de bois sculptés assurant l'intimité, et tours à vent (cheminées percées de hautes fentes à leur sommet et séparées en conduits permettant la circulation de l'air frais et l'évacuation de l'air chaud) comptent parmi les grandes caractéristiques de l'architecture bahreïnie. Les Perses, eux, ont ouvert les maisons sur l'extérieur, les façades faisant alors l'objet de toutes les attentions décoratives. Un art du décor que les Indiens, également présents en nombre sur l'île, ont poursuivi avec leurs détails en plâtre gravé et gypse sculptée. Dans les années 1930, la découverte du pétrole et la présence britannique s'accompagnent de nouvelles modes mêlant grandiloquence néoclassique et motifs islamiques. À Manama, la Bab al-Bahrain, imposant sa blanche pureté, en est le plus bel exemple. L'Awali Oil Settlement au Sud du Royaume, lui, illustre comment, à partir d'un simple camp de travailleurs pétroliers, se développa une authentique cité-jardin inspirée des modèles européens, avec villas et jardins privés, espaces communautaires, et premiers systèmes d'égouts et de climatisation modernes !
Entre tradition et modernité
Le Bahreïn World Trade Center à Manama avec ses deux tours jumelles de 240 m de haut reliées par trois ponts de 30 m de long et possédant chacun une éolienne est l'un des symboles d'une skyline qui ne cesse de se transformer à grands renforts de projets pharaoniques. Le projet le plus fou restant bien sûr celui de la Chaussée du Roi Fahd reliant le Bahreïn à l'Arabie Saoudite et qui se compose notamment de 12 570 m de digues et 12 430 m de ponts ! Mais à l'ombre de ces géants de verre et de béton, le Bahreïn a su maintenir un certain équilibre entre geste architectural fort et respect des traditions. Le Théâtre National de Bahreïn avec sa superbe canopée en aluminium et ses volumes semblant flotter sur les eaux du lagon en est le plus beau représentant. Autre belle réussite : la transformation du centre historique de Muḩarraq. Intitulé L'industrie perlière, témoignage de l'économie d'une île, le projet mêle restauration du patrimoine et revitalisation du quartier. Récompensé en 2019 par le prestigieux prix Aga Khan, le projet invite les visiteurs à déambuler à travers l'histoire, faisant se côtoyer les maisons traditionnelles et de superbes réalisations contemporaines à l'image du Visitor's Center et ses belles colonnades signé Valerio Olgiati ; des étonnants parkings aux lignes fluides signés Christian Kerez ; des volumes de béton épurés de Leopold Blanchini à qui l'on doit la House of Architectural Heritage et surtout la Al Naseej Textile Factory dont la façade rappelle les panneaux tressés des maisons arish ; et des réhabilitations d'Ann Holtrop qui s'amuse à imiter la pierre naturelle avec ses défauts et aspérités. Chaque geste architectural s'intègre harmonieusement dans le tissu urbain qui s'est également enrichi de nouvelles places ornées de piliers en terrazzo en partie composé de coquilles d'huîtres, et de chemins et ponts piétonniers. Et d'autres fascinants projets devraient bientôt voir le jour comme le Musée d'Art Contemporain tout en courbes signé… Zaha Hadid. Le Bahreïn n'a pas fini de vous surprendre !