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Estonie

Les facettes de la société estonienne sont très variées tant sur le plan linguistique que culturel. Les Estoniens sont majoritairement citadins, même si ces derniers temps de plus en plus d’habitants partent vivre à la campagne.

L’ancien président estonien Lennart Meri déclarait : « Quelle est la tâche que nous nous sommes assignée en prononçant le mot intégration ? Que chaque personne vivant en Estonie ressente de l’amour pour l’Estonie et des responsabilités à son égard, rien de plus. Et ces responsabilités entraînent des devoirs aussi bien que des droits. »

On trouve en Estonie plus de 151 nationalités différentes, parmi lesquelles, selon le recensement de 2021, les Estoniens constituent 69 %, les Russes 23,6 %, les Ukrainiens 2,1 %, les Biélorusses 0,9 % et les Finlandais 0,6 %. 81 % des habitants de l’Estonie sont citoyens estoniens, 7 % sont citoyens d’un autre État et 12 % sont apatrides, il s’agit de personnes provenant de différentes régions de l’ex-Union soviétique venues s’installer en Estonie dans les cinquante années précédentes.

La part des non-Estoniens a augmenté du fait de la politique soviétique des migrations : l’immigration était due d’une part à des déplacements administratifs de population et d’autre part à l’implantation de l’armée soviétique, à laquelle s’ajoute la déportation d’un grand nombre d’Estoniens hors d’Estonie. Si en 1934 la part des non-Estoniens était de 12 % (incluant 8 % de Russes), en 1991 elle formait un tiers de la population. Ce sont d’une part la Constitution et d’autre part la loi sur l’autonomie culturelle qui définissent le statut juridique et les droits des minorités nationales vivant en Estonie.

Les minorités ont toutes la possibilité de préserver leur langue et leurs spécificités culturelles, notamment grâce au système éducatif et par l’activité d’associations fonctionnant dans leurs langues. À ce jour, plus de soixante-dix sociétés de ce type ont été enregistrées. Près de 24 % de tous les enfants scolarisés en Estonie fréquentent des établissements d’enseignement primaire et secondaire russes, et 10 % des étudiants dans l’enseignement supérieur font leurs études dans cette langue.

Dans la société estonienne, l’intégration est l’une des priorités : elle a comme objectif de créer une société multiculturelle équilibrée. Depuis 1997, le gouvernement estonien a pris des dispositions politiques et administratives en vue de l’intégration des non-Estoniens dans la société estonienne. En mai 1997, il a créé le poste de ministre de la Population, chargé entre autres de suivre les questions de l’intégration, et, afin d’impulser et de coordonner les projets et les processus d’intégration, il a fondé en mars 1998 la Fondation pour l’intégration. Au cours du recensement de la population étrangère qui a eu lieu entre 1993 et 1998, une partie des apatrides a pris la citoyenneté estonienne, une partie a choisi la nationalité d’un autre État. L’une des priorités de l’État estonien est de diminuer le nombre des apatrides et d’associer de plus en plus l’ensemble du corps social à la vie de la société.

La législation a également connu des évolutions considérables dans ce sens. Le changement le plus significatif dans la loi sur la citoyenneté, intervenu le 12 juillet 1999, est celui d’après lequel les enfants de moins de 15 ans, nés en Estonie après le 26 février 1992 de parents apatrides, peuvent obtenir la citoyenneté estonienne sur demande des parents. Dans les cinq années qui ont suivi l’adoption de la loi, plus de 3 200 enfants ont obtenu la citoyenneté estonienne par cette procédure simplifiée. L’engagement de la population dans la vie de la société a été considérablement accru, entre autres du fait qu’à partir de 1996 tous les étrangers bénéficiant d’un permis de séjour permanent en Estonie, quelle que soit leur nationalité, ont le droit de participer aux élections municipales. L’Estonie est l’un des rares pays qui offre à sa population cette possibilité. Nous trouvons des non-Estoniens dans presque tous les partis politiques. Le Parlement estonien, le Riigikogu, comprend des représentants de plusieurs minorités, élus sur les listes de différents partis.

L’Estonie souhaite établir un modèle estonien de société multiculturelle caractérisé par le pluralisme des cultures, par la solidité de sa cohésion, par le principe de préservation et de développement de l’espace culturel estonien. L’essentiel est que l’intégration soit clairement un processus à deux volets, dans lequel aussi bien les Estoniens que les non-Estoniens participent à égalité à l’harmonisation de la société. L’intégration touche la société tout entière : aujourd’hui, elle a atteint de bons résultats pour ce qui est de la participation de tous les peuples vivant en Estonie à la vie de la société. L’Estonie est prête à partager ses expériences en matière d’intégration et de société multiculturelle. Reste un bémol de taille : l’intégration très difficile de l’importante minorité russe, et le fossé qui semble se creuser davantage au vu des derniers sondages. La loi de 2022 qui a imposé l'estonien comme langue d'instruction principale dans toutes les écoles n'a pas plu à tout le monde.

La minorité russe

L’Estonie, comme toutes les anciennes républiques soviétiques, a dû faire face aux différents problèmes liés à l’intégration des populations russophones. Déjà présents en Estonie avant l’éclatement de l’URSS, les russophones d’aujourd’hui peinent toujours à s’intégrer complètement dans la société estonienne. La plupart d’entre eux ont le statut d’apatrides ou de non-citoyens. Ce clivage se fait pleinement ressentir entre Tallinn et la région nord-est du pays (Narva, Sillamäe, Jôhvi) où l’estonien est rare et le niveau économique est inférieur à celui du reste du pays. En effet, la politique menée par le gouvernement sous-entend la maîtrise obligatoire de l’estonien comme critère d’accès à l’emploi. Pour beaucoup de russophones estoniens, l’apprentissage de la langue est une véritable épreuve. De ce fait, l’accès aux postes dans le secteur public (médecins, policiers, enseignants, etc.) reste condamné aux non-estophones. Malgré les efforts du gouvernement en matière d’intégration, de nombreuses décisions restent à prendre pour permettre à la communauté russe de bénéficier d’une certaine forme d’égalité par rapport à la communauté estonienne.

Lettonie

La Lettonie est peuplée de 1,82 million d’habitants. Pays essentiellement rural avant la Seconde Guerre mondiale (plus des deux tiers de la population), la population rurale ne représente plus qu’un quart de la population totale. Le pays est l’un des pays les moins densément peuplés de l’Union, avec 30 habitants par kilomètre carré. Rīga, la capitale, rassemble à elle seule 614 618 habitants, soit près du tiers de la population. Quatre autres villes dépassent les 50 000 habitants : Daugavpils, Liepāja, Jelgava et Jūrmala.

Depuis l’indépendance, la population décroît et vieillit. Le solde naturel est négatif. Entre 1989 et 2007, le pourcentage de personnes de plus de 65 ans est passé de 17,4 à 20,7 %. Le solde migratoire est déficitaire depuis 1991, notamment du fait du départ de populations russophones, mais tend désormais vers l’équilibre. Les jeunes diplômés s’expatrient de plus en plus vers d’autres pays européens et les îles britanniques.

Aujourd’hui la Lettonie est composée de Lettons certes, mais aussi de Russes, Biélorusses, Ukrainiens, Polonais et Lituaniens. Les russophones représentent ainsi 23,7 % de la population totale ; ils sont même majoritaires dans plusieurs régions du pays, et à Rīga, leur pourcentage dans la population est presque égal à celle des Lettons.

Bien avant l’annexion par l’URSS, lorsque le pays était intégré à la Russie tsariste, il comptait déjà des russophones dans leur composante nationale. Mais après la mainmise soviétique et la volonté de Staline de peupler la Lettonie de colons et de militaires, les Russes y affluèrent plus nombreux. Ensuite suivirent les déportations en masse des Lettons vers la Sibérie. On dit que dans chaque famille, un membre au moins a été déporté. Aujourd’hui, même si certains ont quitté la région au moment du retrait des troupes de l’ex-URSS, la communauté russe fait toujours partie de la population mais dans des proportions différentes.

L’importance des russophones dans le pays, au moment de l’indépendance, et leur intégration à la communauté nationale ont été un sujet de tension avec Moscou et, plus généralement, au niveau national (problème de nationalité, lois contraignantes concernant la langue…). Le sujet reste encore tabou à l’heure actuelle, il vaut mieux ne l’aborder qu’avec précaution.

En 2018, le gouvernement letton a décidé que la scolarité des élèves se ferait à 80 % en letton – contre environ 40 % aujourd’hui. Vives réactions des russophones qui ont manifesté début juin. La population était toutefois bien plus nombreuse à manifester en 2004 pour demander le renforcement du letton à l’école. Sujet sensible !

Les non-citoyens en Lettonie. En 2021, les « non-citoyens » représentaient 8,96 % de la population lettonne, assimilés à des apatrides dont les droits sont pratiquement identiques à ceux des Lettons hormis le droit de vote et l’obligation de faire le service militaire. S’il existe, depuis les premières populations slaves, des mouvements migratoires entre Russes et Baltes, rien ne peut être comparé à la politique de russification de l’époque soviétique qui résulta de la déportation de dizaines de milliers de Lettons (sur une population inférieure à 3 millions) vers la Sibérie et l’Asie centrale, et de l’« immigration » de quelques centaines de milliers de Russes et de cadres du Parti communiste. De majoritaire sur son propre sol en 1944, la population lettone représentait lors de la deuxième déclaration d’indépendance moins de la moitié de la population. Le départ des troupes de l’Armée rouge en 1994 a rétabli en partie l’équilibre, mais près de 40 % de la population est issue de la russification. Pour protéger sa langue et son intégrité nationale, la Lettonie, de nouveau indépendante, décida de n’accorder la citoyenneté qu’aux personnes justifiant d’une présence ou d’une ascendance antérieure à l’annexion soviétique. Pour les autres : un statut particulier de « non-citoyen » protégé par l’État letton et bénéficiant des mêmes garanties que les citoyens (passeport, couverture sociale et juridique). Il existe aujourd’hui un moyen d’obtenir la citoyenneté en prouvant sa maîtrise de la langue lettone et la connaissance de la culture nationale. Cependant, une grande part de cette population d’origine essentiellement russe, biélorusse ou ukrainienne, a refusé cette voie, trouvant certains avantages dans le statu quo (pas de service militaire, facilité aux échanges avec la CEI) ou estimant que la langue lettone est trop ardue.

Lituanie

La Lituanie, le plus peuplé des États baltes, compte 2,7 millions d’habitants. Pays essentiellement rural avant la Seconde Guerre mondiale (plus des deux tiers en moyenne), la population rurale ne représente plus qu’un tiers de la population totale. Bien avant l’annexion par l’URSS, lorsque le pays était intégré à la Russie tsariste, il comptait déjà des russophones dans sa composante nationale. Mais après la mainmise soviétique et la volonté de Staline de peupler la région de colons et de militaires, les Russes y affluèrent plus nombreux. Suivirent ensuite les déportations en masse vers la Sibérie (environ 300 000 personnes). On dit que dans chaque famille lituanienne, un membre au moins a été déporté. Aujourd’hui, même si certains ont quitté la région au moment du retrait des troupes de l’ex-URSS, la communauté russe fait toujours partie de la population. En Lituanie, les Russes ne représentent que 5 % de la population et semblent bien intégrés (les Polonais sont plus nombreux à 6,53 %). Au niveau démographique, on assiste aujourd’hui à une diminution régulière de la population qui s’explique par la situation du marché du travail et la faible natalité. Depuis quelques années, la Lituanie, comme les deux autres pays, doit faire face à une forte émigration de sa population, accentuant le désastre démographique et privant le pays de couches instruites et dynamiques, même si l'Estonie s'en sort mieux, grâce à un solde migratoire légèrement positif, sans doute dû à son dynamisme économique.

Les différentes langues

L’estonien est la langue maternelle de 67 % des citoyens estoniens, 29 % d’entre eux ont comme langue maternelle le russe et le reste, d'autres langues.

L’estonien appartient, comme le finnois, à un groupe linguistique nommé ouralique (ou finno-ougrien) réunissant les langues parlées par des peuples du continent eurasien originaire de quelque part entre la Russie européenne et la Sibérie occidentale. L’estonien moderne représente une synthèse de deux groupes de dialectes, du nord et du sud, parlés sur ce territoire depuis des temps bien antérieurs à l’ère chrétienne. À cause de l’hégémonie culturelle et linguistique danoise, allemande, suédoise et russe, l’estonien existait surtout sous forme orale, et la langue littéraire n’est apparue que récemment. Les prières de Kullamaa sont le premier texte en estonien datant de 1524. Plus tard, en 1535, apparaît le premier livre intégralement écrit en estonien. Il s’agit d’une traduction de l’allemand du catéchisme luthérien. À partir de la fin du XVIIIe siècle, la conscience nationale s’éveille parmi l’élite estonophone. Les poèmes de Kristjan Jaak Peterson marquent la naissance de la littérature nationale. L’estonien devient la langue nationale du pays en 1920. À l’époque soviétique, il est associé au russe comme langue de la République d’Estonie pour enfin redevenir l’unique langue nationale en 1991.

Étroitement apparenté au lituanien, le letton s’est formé jusqu’au XVIe siècle d’une branche nommée le latgalien. Les plus anciens textes écrits en letton sont des hymnes traduits par Nicholas Ramm, un pasteur allemand à Rīga, dans un recueil qui date de 1530. Le letton a par la suite subi l’influence de l’allemand, mais aussi du live, de l’estonien et du russe. Aujourd’hui, le letton est la langue maternelle de près de 64 % de la population du pays et de près de 50 % dans les villes principales. C’est la langue maternelle de plus d’un million de personnes en Lettonie où elle est la langue officielle et d’environ 500 000 personnes à l’étranger. Dans le processus pour l’indépendance du début des années 1990, la Lettonie, tout comme l’Estonie, proposa des lois pour prévenir l’extinction de la langue.

Le lituanien est une langue indo-européenne du groupe balto-slave. Cette langue est assez proche du letton (ou lette) et du vieux-prussien, une langue éteinte au XVIIe siècle. Dans ses formes grammaticales, le lituanien serait aussi ancien que le sanscrit. Par exemple, dieu se dit dievas en lituanien, devas en sanscrit et deus en latin. D’ailleurs, Prosper Mérimée précise « en Lituanie, on y parle le sanscrit presque pur ».