Héritage précolombien

Les vestiges les plus anciens sont des céramiques de l'époque préhispanique. Il s'agit de créations fonctionnelles, produites aux environs de 2000 av. J.-C. La simplicité formelle des premiers temps laisse progressivement place à une plus grande sophistication. Les céramiques, souvent utilisées lors des cérémonies rituelles, se parent d'ornementations sous l'influence aztèque. Les vases funéraires sont recouverts de scènes peintes à caractère figuratif.

Les premières sculptures en terre sont façonnées des siècles plus tard, vraisemblablement au tout début du IVe siècle.

La sculpture sur pierre connaît son apogée vers 800. Le recours au basalte, plus friable, permet une production à grande échelle. Au Nicaragua, une pratique ancestrale consiste à sculpter des divinités dans des blocs de roche basaltique extraite de la Lagune de Apoyo. Cubiques, avec des yeux en amande, un nez écrasé et décorées de symboles, elles représentent le dieu lézard, le dieu du maïs ou encore celui de la fertilité. Le Museo arqueológico Gregorio Aguilar Barea, à Juigalpa, abrite des statues en pierre de plusieurs mètres. Ces géants arborent un visage d'une troublante expressivité.

Arrivée de la peinture

Les colons espagnols apportent avec eux la technique de la peinture sur toile. Ces œuvres illustrant des sujets religieux sont importées d'Espagne, mais aussi du Guatemala et du Mexique où les colons ont déjà œuvré. Les natifs adoptent cette discipline qu'ils mixent avec des références locales, comme des éléments de paysage ou d'habillement. L'art colonial, avec ses touches tropicales, se diffuse rapidement dans les cathédrales. Si l'influence précolombienne a longtemps marqué la création, la période coloniale est fortement imprégnée de baroque espagnol. Puis, le style néoclassique impose ses codes dans les toiles religieuses et historiques.

Les premiers exemples de peinture religieuse s'admirent au Museo de Arte Sagrado et au Museo de Arte Fundación Ortiz-Gurdián, à León. La fondation Ortiz-Gurdián a ouvert un second musée à Managua. L'histoire de la peinture nicaraguayenne s'écrit au gré de ses rencontres avec les principaux courants occidentaux. Renaissance, Baroque, Romantisme et jusqu'à l'art contemporain, les innovations esthétiques sont revisitées par les artistes d'Amérique latine.

Souffles modernes

Acclamé comme le pionnier des arts plastiques au Nicaragua, Rodrigo Peñalba (1908-1979) est le fils d'un pasteur. Après une enfance à León, il étudie la peinture aux États-Unis puis au Mexique. Lors de ses nombreuses expositions, son style expressionniste et figuratif séduit le public américain. À son retour en 1948, il prend la direction de l'école des Beaux-Arts du Nicaragua. Son enseignement marquera fortement les courants picturaux à venir. L'idéal de l'artiste consiste en un art global regroupant la peinture, la sculpture et l'architecture. Précurseur dans de nombreux domaines, il lance le muralisme au Nicaragua et redéfinit la peinture religieuse coloniale. Parmi ses œuvres religieuses à découvrir, le Mural de San Sebastián à la Basílica Menor à Diriamba, ou encore la Virgen del Carmen, Parroquia Nuestra Señora Del Carmen à Managua.

Peinture primitive

Une nouvelle école de peinture naïve se développe à partir de ces années sur l'archipel de Solentiname, sous l'impulsion du père Ernesto Cardenal. La victoire des sandinistes, en 1979, est une aubaine pour ce mouvement. Cet art aussi simple que sain reçoit enfin un soutien gouvernemental. Les peintres sont des paysans reconverti, qui évoquent des scènes quotidiennes où se mêlent le rêve, les légendes, la nature luxuriante et le passé indigène. On peut parler d'un sorte de réalisme magique ou de magie suggestive. Les peintures peuvent être très évocatrices ou neutres, c'est selon.

Muralisme et Praxis

Élève de Rodrigo Peñalba, Omar D'León naît à Managua en 1929. Passionné par les fresques de Pompéi, les innovations de l'impressionnisme ont ensuite sa préférence. Cependant, D'León affectionne les couleurs vives. Ses thèmes d'inspiration tropicale font écho à la culture nationale. En 1970, il fonde le Museo Galería-904 à Managua, qui retrace toutes les périodes de l'art du Nicaragua. Son atelier est balayé par le tremblement de terre qui frappe le pays en 1972. Peintre mais aussi poète, Omar D'León décède en Californie en 2022 à l'âge de 93 ans.
Le peintre et muraliste Alejandro Arostegui, né en 1935, passe de longues années au Mexique, en Espagne et à Rome. Dans la mouvance du réalisme social, il dénonce la faim, la pauvreté et la torture dans ses premières œuvres. En 1963, il fonde le groupe Praxis auquel seront adjoints une revue et une galerie d'art du même nom. D'un point de vue stylistique, il adopte l'abstraction géométrique qui domine alors en Amérique latine. Autour de lui, gravitent César Izquierdo, Leonel Vanegas, Leoncio Saenz, Luis Urbina, Orlando Sabalvarro, Genaro Lugo et le benjamin du groupe, Dino Aranda qui poursuivit sa carrière aux États-Unis.

Arostegui est salué comme l'artiste ayant apporté une valeur universelle à la peinture du Nicaragua, en introduisant des motifs empruntés d'autres cultures. Ses surfaces aux couleurs diluées, habitées par des créatures intemporelles, enchantent pour leur atmosphère résolument onirique.

Armando Morales

L'un des peintres les plus acclamés sur la scène internationale, Armando Morales, naît en 1927 à Granada. Il grandit dans un environnement très religieux et s'intéresse dès son plus jeune âge à l'art. Il peint très tôt des paysages imaginaires avec une précision stupéfiante. Jeune adulte, il suit des cours à l'école des Beaux-Arts de Managua. À l'issue d'un concours, il reçoit une bourse pour participer à l'exposition « Six artistes Nicaraguayens » à Washington. C'est là qu'il vend ses premières toiles.

Durant les années 1960, Morales vit entre l'Espagne et New York, où il accepte un poste d'enseignant. Dans les années 1970, il commence à peindre des natures mortes lumineuses. La sensualité de ses motifs préfigure son passage à la peinture de nus. En 1976, Morales retourne au Nicaragua, mais l'instabilité politique le contraint à s'enfuir au Costa Rica. Nommé ambassadeur de l'Unesco, il produit la série de lithographies La Saga de Sandino. Il s'éteint à Miami en 2011.

Murs révolutionnaires

Au Nicaragua, 300 œuvres murales ont été peintes pour exprimer l'opposition à la dictature de la famille Somoza qui a sévi dans les années 1960-1970, jusqu'au triomphe de la révolution sandiniste en 1979. Les fresques fournissent un précieux récit illustré de la révolution. Instantanés du présent et promesses d'avenir se succèdent sur les murs.

La première fresque révolutionnaire est peinte à l'extérieur du pays, au Panama, par Virgilio et Ignacio Ortega. Le Panama exprime un soutien sans faille au Nicaragua. Après la chute de Somoza, les frères Ortega entourés par une brigade d'artistes panaméens illustrent les faits historiques sur les façades du pays. Avec l'approbation des habitants, les thèmes se concentrent sur les interventions militaires. L'insurrection, la force du peuple, le désir de fonder une meilleure société, l'identité nationale sont traités dans toutes les localités du territoire. Managua et sa périphérie abritent près de la moitié des peintures murales ; León en compte 26, Wasala 9, et Estelí 20.

Après la défaite des Sandinistes aux élections de 1990, le maire de Managua ordonne de recouvrir les peintures malgré les lois visant à les protéger. Plus récemment, certaines ont pu être restaurées.