Un second mandat pour Luis Abinader

La réélection triomphale le 19 mai 2024, avec près de 60% des suffrages dès le premier tour, du président sortant Luis Abinader n’est pas une surprise. Elle a été précédée par une très large victoire de son parti, le PRM (Parti révolutionnaire moderne) lors des élections municipales de février 2024. Il gère désormais 121 mairies sur un total de 158 en République dominicaine. Le PRM a également largement remporté les élections législatives et sénatoriales.

Élu une première fois en mars 2020, en pleine pandémie de Covid 19, le président Abinader est un économiste et entrepreneur de 58 ans. Né le 12 juillet 1967 à Saint Domingue, il a longtemps dirigé Abicor, une entreprise familiale propriétaire de plusieurs hôtels, d’une cimenterie et d’une université. Petit-fils d’un immigré libanais, formé aux États-Unis, sa fortune est estimée à 75 millions de $. Il a d’abord subi deux défaites aux élections présidentielles de 2012 et 2016. En 2020, candidat du « changement », son slogan de campagne, il a gagné les voix de la classe moyenne et des jeunes en incarnant la rupture après les quatre mandats consécutifs du PLD (Parti de la libération dominicaine). L’ex président Danilo Médina avait réussi à assurer au pays une stabilité économique avec une croissance moyenne de 6% par an entre 2014 et 2019: la plus rapide en Amérique latine et dans la zone Caraïbes. Mais son mandat avait été entaché par les scandales liés à l’affaire Odebrecht. Cette entreprise brésilienne de BTP avait reconnu avoir versé des pots-de-vin à de nombreux dirigeants politiques en Amérique Latine, dont 92 millions de dollars en République dominicaine. Le scandale avait fait descendre les foules dans la rue, en janvier 2017, à l’occasion de « marches vertes » inédites dans ce petit état de 11 millions d’habitants.

Luis Abinader a raflé la mise en 2020 en promettant de vaincre les inégalités sociales et de relancer le tourisme mis à mal par la crise sanitaire. Le pari a été gagné puisque la République dominicaine a accueilli plus de onze millions de visiteurs en 2024. Érigé en priorité nationale, le tourisme reçoit environ 20% du budget du pays et bénéficie de nombreuses exonérations fiscales. Le gouvernement développe chaque année de nouvelles zones destinées aux vacanciers. C’est le cas notamment à Pedernales avec la construction du nouveau port de Cabo Rojo pour les bateaux de croisière et le nouvel aéroport international de Cabo Rojo dont les travaux ont commencé en 2023 et devraient s'achever en 2027 ou encore à Miches où le Club Med a ouvert un complexe de luxe en 2019.

Luis Abinader a fait de la lutte contre l’inflation une autre de ses priorités. Celle-ci a été ramenée à 3,7% sur douze mois en avril 2025 après des pointes en 2021 et 2022, conséquence de la guerre en Ukraine. Il s’est également attaqué à la corruption en licenciant plusieurs milliers de fonctionnaires. La population dominicaine approuve largement son action. Outre les résultats dans les urnes, un sondage réalisé en janvier 2024 par l’organisme American Society/ Council of the Americas, montre qu’il est, avec 69% l’un des chefs d’état les plus populaires de toute l’Amérique Latine. La bonne gestion du pays en matière économique et la lutte contre l’insécurité font désormais partie des priorités du deuxième mandat. S’ajoutent les relations tendues avec son voisin de l’Est : Haïti. Le sujet était au centre de l’élection de 2024.

Haïti : un voisin mal en point

Une frontière de 380 kilomètres sépare les deux voisins qui se partagent l’île d’Hispaniola. Depuis son élection en 2020, le président dominicain Luis Abinader n’a eu de cesse de renforcer les contrôles pour empêcher l’immigration clandestine en provenance d’Haïti. Depuis 2021, un mur est en construction le long des deux pays. Les premiers kilomètres ont été érigés dans la région de Dajabon à l’extrémité nord-ouest de la République dominicaine. L’objectif du gouvernement dominicain est de contrôler beaucoup plus efficacement le commerce bilatéral, de réguler les flux migratoires pour lutter contre les mafias, le trafic de drogue et les ventes illégales d’armes. En février 2025, une extension de 12 km supplémentaires a été annoncée, portant la longueur totale prévue à 170 km, dans le cadre d’une campagne baptisée “renforcement de la frontière”. Le séisme de 2010 à Port-au-Prince avait déclenché une forte mobilisation de la population dominicaine en faveur des victimes. Depuis, les sujets de discorde ne manquent pas entre les deux voisins. Fin 2013, la justice a tenté de priver de leur nationalité dominicaine des milliers de descendants d’haïtiens venus travailler dans les exploitations agricoles locales au cours du XXe siècle. Les réactions houleuses ont conduit le congrès à revenir sur cette décision. En septembre 2023, les frontières terrestres mais aussi aériennes et maritimes ont été temporairement fermées. La République dominicaine accusant son voisin de détourner grâce à la construction d’un canal d’irrigation, l’eau de la rivière du Massacre frontalière.

En mars 2024, la prise de contrôle de Port-au-Prince par des gangs a provoqué la fuite de milliers d’habitants qui ont tenté de franchir la frontière en soudoyant des policiers et en enrichissant les passeurs. Les sans-papiers (y compris les mineurs non accompagnés et les femmes enceintes) sont traqués dans tout le pays et expulsés vers Haïti parfois très violemment. Depuis octobre 2023, plus de 250 000 Haïtiens en situation irrégulière ont été expulsés, avec un plan fixe de 10 000 expulsions par semaine.

La situation chaotique d’Haïti qui s’enfonce dans une crise politique, économique et sécuritaire depuis plusieurs années n’affecte cependant pas les relations commerciales entre les deux pays. Bien que fragilisées par les tensions politiques, elles demeurent essentielles avec près d’un milliard de dollars d’échanges par an.

Une économie solide dans la région

La République dominicaine a été l’une des économies les plus résilientes et dynamiques de la région Amérique Latine et Caraïbes depuis le début du XXIe siècle, avec une croissance économique moyenne de 5 % (2,3 % pour la région), un PIB par habitant ayant plus que doublé (à 10 700 $), et une baisse du taux de pauvreté de près d’un tiers (40 à 28 %), permettant au pays de progresser. Depuis la pandémie de Covid 19, la stabilité macroéconomique, malgré un contexte international difficile, a été encouragée par une politique budgétaire prudente et une politique monétaire adaptée. L’économie reste toutefois confrontée à d’importants défis pour stimuler son potentiel de croissance et renforcer sa résilience climatique.

En 2024, elle reste très dépendante des États-Unis (54% des exportations et plus de 50% des importations) : c’est le partenaire commercial principal de la République dominicaine, et chaque année un peu plus. L’économie dominicaine est donc largement impactée par la santé du marché américain. Viennent ensuite la Chine (8 % des échanges, déficit de 3,4 milliards ) et le Mexique (2 % des échanges). La France reste un très modeste partenaire : 18ème fournisseur avec une participation de 0,94 % et 28ème client avec une participation de 0,32 %.

Les exportations ont atteint 12,93 Milliards de dollars en 2024. Le principal minéral exporté est l'or qui représente 68 % des exportations soit 1,3 milliards de USD. Les exportations agricoles du marché domestique sont les poivrons et les bananes. Les exportations de l’industrie domestique ont augmenté de 26,3 %, passant à 3,2 milliards de dollars, tirées par les barres en acier et les produits des industries chimiques.

Les exportations du régime des zones franches ont atteint 7,8 milliards USD en 2022. Elles représentent 57% des exportations totales du pays. Ce résultat est principalement dû aux exportations des instruments et fournitures à usage médical, de tabacs manufacturés et des articles de bijouterie ou joaillerie.

Les priorités des prochaines années seront d’améliorer la qualité de l’éducation (4% du PIB) pour renforcer notamment la formation des enseignants, d’améliorer la qualité des services publics et d’adapter le pays aux effets du dérèglement climatique.

Place du tourisme dans le paysage dominicain

Connue comme exportatrice de tabac, de sucre ou de bananes, la République dominicaine est en pointe dans le secteur du tourisme qui dépasse l’agriculture en nombre d’emplois. Le pays est celui qui accueille le plus de visiteurs dans la zone Caraïbes, soit 16% des voyageurs visitant cette partie du monde. 11,2 millions de touristes sont venus en 2024 après 10 millions en 2023. Le mois d’avril 2025 a été celui du record absolu avec un total de 1 020 646 visiteurs, 20% de plus qu’en avril 2023.

Au premier rang sont les ressortissants des États-Unis (35% des vacanciers en 2024) suivis par les Canadiens (25%). Viennent ensuite les Argentins (8%), les Colombiens (5%), les voisins de la très proche île de Porto Rico qui profitent des nombreuses liaisons maritimes et aériennes. L’interruption de la desserte de l’île par Air France et Corsair a donné un coup d’arrêt à la constante progression du nombre de visiteurs en provenance de l’hexagone. Mais Air Caraïbes a pris le relais: de janvier à mars 2025, 53 000 Français sont entrés dans le pays, en tête des Européens, suivis par les Allemands, Britanniques et Italiens. Entre entre janvier et mars 2026, Air France annonce son retour à Punta Cana avec 3 vols hebdomadaires au départ de Paris-CDG.

Le tourisme représente la principale source de devises du pays. De gros investissements ont été consentis dans ce domaine par les gouvernements successifs et de nombreuses incitations fiscales ont été mises en place pour favoriser les investissements privés. L’écotourisme se développe offrant une alternative aux hôtels « all inclusive » qui occupent notamment la région de Punta Cana.

La gestion de la pandémie de Covid 19 s’est révélée efficace. L’Organisation Mondiale du Tourisme s’en est félicitée. Les frontières ont été ouvertes à nouveau aux vacanciers dès l’hiver 2020. Une réunion des ministres du tourisme des pays de la région a abouti à la signature à Punta Cana d’une déclaration établissant que le tourisme est une priorité absolue pour les Amériques, demandant aux gouvernements de faire preuve de soutien envers les entreprises du secteur, et soulignant l’importance de rétablir un lien de confiance avec les voyageurs. Ce qui est aujourd’hui le cas.