L’ex-président Danilo Medina en 2014 © LVALIN - SHUTTERSTOCK.COM .jpg
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Un second mandat pour Luis Abinader

La réélection triomphale le 19 mai 2024, avec près de 60% des suffrages dès le premier tour, du président sortant Luis Abinader n’est pas une surprise. Elle a été précédée par une très large victoire de son parti, le PRM (Parti révolutionnaire moderne) lors des élections municipales de février 2024. Il gère désormais 121 mairies de République dominicaine sur un total de 158. Le PRM a également largement remporté les élections législatives et sénatoriales.

Élu une première fois en mars 2020, en pleine pandémie de Covid 19, le président est un économiste et entrepreneur de 57 ans. Né le 12 juillet 1967 à Saint Domingue, il a longtemps dirigé Abicor, une entreprise familiale propriétaire comprenant plusieurs hôtels, une cimenterie et une université. Petit-fils d’immigré libanais, formé aux États-Unis, sa fortune est estimée à 75 millions de $.

Il a d’abord subi deux défaites aux élections présidentielles de 2012 et 2016. En 2020, candidat du « changement », son slogan de campagne, il a gagné les voix de la classe moyenne et des jeunes en incarnant la rupture après les quatre mandats consécutifs du PLD (Parti de la libération dominicaine). L’ex président Danilo Médina avait réussi à assurer au pays une stabilité économique avec une croissance moyenne de 6% par an entre 2014 et 2019, la plus rapide en Amérique latine et dans les Caraïbes. Mais son mandat avait été entaché par les scandales liés à l’affaire Odebrecht.  Cette entreprise brésilienne de BTP avait reconnu avoir versé des pots-de-vin à de nombreux dirigeants politiques en Amérique Latine, dont 92 millions de dollars en République dominicaine. Le scandale avait fait descendre les foules dans la rue, en janvier 2017, à l’occasion de « marches vertes » inédites dans ce petit état de 11 millions d’habitants.

Luis Abinader a raflé la mise en 2020 en promettant de vaincre les inégalités sociales et de relancer le tourisme mis à mal par la crise sanitaire. Le pari a été gagné puisque la République dominicaine a accueilli plus de dix millions de visiteurs en 2023. Érigé en priorité nationale, le tourisme reçoit environ 20% du budget du pays et bénéficie de nombreuses exonérations fiscales. Le gouvernement développe chaque année de nouvelles zones destinées aux vacanciers. C’est le cas notamment à Pedernales ou à Miches ou le Club Med a ouvert un complexe de luxe en 2019.

Luis Abinader a fait de la lutte contre l’inflation une autre de ses priorités. Celle-ci a été ramenée à 4,8% sur douze mois en décembre 2023 après des pointes en 2021 et 2022, conséquence du conflit en Ukraine. Il s’est également attaqué à la corruption en licenciant plusieurs milliers de fonctionnaires. La population dominicaine approuve largement son action. Outre les résultats dans les urnes, un sondage réalisé en janvier 2024 par l’organisme American Society/ Council of the Americas, montre qu’il est,  l’un des chefs d’état les plus populaires de toute l’Amérique Latine (69% d'opinions favorables). La bonne gestion du pays en matière économique et la lutte contre l’insécurité font désormais partie des priorités du deuxième mandat. S’ajoutent les relations tendues avec son voisin de l’Est : Le sujet était au centre de l’élection de 2024.

Une économie solide dans la région

La République dominicaine a été l’une des économies les plus résilientes et dynamiques de la région Amérique Latine et Caraïbes depuis le début du XXIe siècle, avec une croissance économique moyenne de 5 % (contre 2,3 % pour la région), un PIB par habitant ayant plus que doublé (à 10 700 US $), et une baisse du taux de pauvreté de près d’un tiers (de 40 à 28 %), permettant au pays de progresser. Depuis la pandémie de Covid 19, la stabilité macroéconomique, malgré un contexte international difficile, a été encouragée par une politique budgétaire prudente et une politique monétaire adaptée. L’économie reste toutefois confrontée à de nombreux défis pour stimuler son potentiel de croissance et renforcer sa résilience climatique.

En 2023, elle reste très dépendante des États-Unis (54% des exportations et plus de 50% des importations). Les USA reste le partenaire commercial principal de la République dominicaine et chaque année davantage. L’économie dominicaine est donc largement impactée par la santé du marché américain. Viennent ensuite la Chine (8 % des échanges, déficit de 3,4 Mds) et le Mexique (2 % des échanges). La France reste un très modeste partenaire : 18ème fournisseur avec une participation de 0,94 % et 28ème client avec une participation de 0,32 %.

Les exportations ont atteint 13,7 milliards de dollars en 2022. Le principal minéral exporté est l'or qui représente 68 % des exportations de minéraux, soit 1,3 milliards de dollars. Les exportations agricoles du marché domestique sont les poivrons et les bananes. Les exportations de l’industrie domestique ont augmenté de 26,3 % pour atteindre 3,2 milliards de dollars, tirées par les barres en acier et les produits des industries chimiques.

Les exportations du régime des zones franches ont atteint 7,8 milliards de USD en 2022. Elles représentent 57% des exportations totales du pays. Ce résultat est principalement dû aux exportations des instruments et fournitures à usage médical, de tabacs manufacturés et des articles de bijouterie ou joaillerie.

Les priorités des prochaines années seront d’améliorer la qualité de l’éducation (4% du PIB) pour renforcer notamment la formation des enseignants, développer la qualité des services publics et préparer le pays aux effets du dérèglement climatique.

Haïti : un voisin mal en point

Une frontière de 380 kilomètres sépare les deux voisins qui se partagent l’île d’Hispaniola. Depuis son élection en 2020, le président dominicain Luis Abinader n’a eu de cesse de renforcer les contrôles pour empêcher l’immigration clandestine en provenance d’Haïti. Depuis février 2022, un mur est en construction le long des deux pays. Les premiers kilomètres ont été érigés dans la région de Dajabon à l’extrémité nord-ouest de la République dominicaine. L’objectif du gouvernement dominicain est de contrôler beaucoup plus efficacement le commerce bilatéral, de réguler les flux migratoires pour lutter contre les mafias, le trafic de drogue et les ventes illégales d’armes.

En mars 2024, la prise de contrôle de Port-au-Prince par des gangs a provoqué la fuite de milliers d’habitants qui ont tenté de franchir la frontière en soudoyant des policiers et en enrichissant les passeurs. Les sans-papiers sont traqués dans tout le pays et expulsés vers Haïti sans ménagement. Le séisme de 2010 à Port-au-Prince avait déclenché une forte mobilisation de la population dominicaine en faveur des victimes. Depuis, les sujets de discorde ne manquent pas entre les deux voisins. Fin 2013, la justice a tenté de priver de leur nationalité dominicaine des milliers de descendants haïtiens venus travailler dans les exploitations agricoles locales au cours du XXe siècle. Les réactions houleuses ont conduit le Congrès à revenir sur cette décision. En septembre 2023, les frontières terrestres mais aussi aériennes et maritimes ont été totalement fermées. La République dominicaine accusant son voisin de détourner grâce à la construction d’un canal d’irrigation, l’eau de la rivière frontalière Massacre. La situation chaotique d’Haïti qui s’enfonce dans une crise politique, économique et sécuritaire depuis plusieurs années n’est pas de nature à améliorer les relations économiques entre les deux pays. Elles demeurent pourtant essentielles avec un milliard de dollars d’échanges par an.

Place du tourisme dans le paysage dominicain

Connue comme exportatrice de tabac, de sucre ou de bananes, la République dominicaine est en pointe dans le secteur du tourisme qui dépasse l’agriculture en nombre d’emplois. Le pays est celui qui accueille le plus de visiteurs dans la zone Caraïbe, soit 16% des touristes qui visitent cette partie du monde. Onze millions de visiteurs sont attendus en 2024 après 10 millions en 2023. Ces chiffres sont supérieurs de 22% à ceux de 2022 et 36% par rapport à 2019.

La répartition par pays d’origine montre une chute spectaculaire des arrivées en provenance de Russie du fait de la guerre en Ukraine (24 000 en 2023 contre 183 000 en 2021).

Au premier rang des visiteurs, sont les ressortissants des États-Unis (2 578 292 en 2023) suivis par les Canadiens (893 742). Viennent ensuite les Colombiens, les Argentins, les voisins de la très proche Puerto Rico qui profitent des nombreuses liaisons maritimes et aériennes, puis les Espagnols et les Anglais. Les Français ont été 161 385 en 2023. L’interruption de la desserte de l’île par Air France et Corsair a donné un coup d’arrêt à la constante progression du nombre de visiteurs en provenance de l’hexagone. Mais au printemps 2024, les voyagistes français constatent une hausse des réservations et des prix en baisse pour les mois à venir.

Le tourisme représente la principale source de devises du pays. De gros investissements ont été consentis dans ce domaine par les gouvernements successifs et de nombreuses incitations fiscales ont été mises en place pour favoriser les investissements privés. L’écotourisme se développe offrant une alternative aux hôtels « all inclusive » qui occupent notamment la région de Punta Cana.

La gestion de la pandémie de Covid 19 s’est révélée efficace. L’Organisation Mondiale du Tourisme s’en est félicitée. Les frontières ont été ouvertes à nouveau aux vacanciers dès l’hiver 2020. Une réunion des ministres du tourisme des pays de la région a abouti à la signature à Punta Cana d’une déclaration établissant que le tourisme est une priorité absolue pour les Amériques, demandant aux gouvernements de faire preuve de soutien envers les entreprises du secteur, et soulignant l’importance de rétablir un lien de confiance avec les voyageurs.