Histoire et produits

De tradition nomade la cuisine djiboutienne est le produit des rudes conditions climatiques de ce pays entièrement désertique. Frugale, l'alimentation était principalement constituée de viande et de lait de dromadaire, auquel on ajoutait des céréales et autres plantes potagères. Ces dernières étaient souvent échangées contre du bétail, l'agriculture étant très limitée dans le pays. A l’occasion des fêtes on mangeait généralement de la viande. Avec la sédentarisation, les produits se sont diversifiés et les habitudes alimentaires ont évolué. Djibouti au long de son histoire a souvent fait partie d'entités plus grandes comme le prospère Sultanat d'Adal au Moyen Âge ou plus tard l'Empire ottoman. En effet, sa position stratégique au creux du détroit de Bab-el-Mandeb entre mer Rouge et océan Indien en a fait un comptoir commercial important entre la Méditerranée et l'Asie. Ainsi la cuisine djiboutienne se caractérise par l’abondante utilisation d’épices indiennes, témoignage des fortes relations avec l’Inde au début de notre ère.

Plus tard le pays devient une colonie française entre la fin du XIXe siècle et les années 1960. Il n'est donc pas rare de découvrir des boulangeries approvisionnées de baguettes chaque matin, qui accompagnent la viande grillée et les sauces et qui permettent de confectionner de copieux sandwiches. Souvent sous influence de ses voisins comme l'Éthiopie, la Somalie ou le Yémen, les cuisines et les produits de ces trois pays se retrouvent naturellement à Djibouti. Bananes, mangues, papayes, pommes de terre, carottes, tomates, piments et de nombreuses autres denrées sont importées, notamment des pays limitrophes. Les nomades avaient l’habitude d’échanger des bêtes ou du sel contre des céréales. Le riz est l’un des aliments les plus consommés. On en farcit le cabri et il accompagne les viandes grillées ou en sauce. Comme en Somalie, les pâtes (baasto) sont très appréciées. Ce sont plutôt des tagliatelles, toujours accompagnées d’une excellente sauce rouge, assez grasse et épicée. Elles sont servies avec des viandes grillées lors de repas plus conséquents. L’influence indienne explique l'usage généreux que font les cuisiniers locaux des épices. Curcuma, cumin, safran, cardamome, piment, cannelle et autres apportent leur parfum à de nombreux plats.

Si les nomades mangeaient finalement assez peu de viande, elle se retrouve aujourd’hui plus souvent dans les assiettes. La viande de chèvre et de mouton est fréquente sur les marchés même si elle est souvent importée d’Éthiopie. Le bœuf et le poulet sont moins courants. L'ayib est un fromage doux à base de lait de vache. Si le golfe d'Aden est très poissonneux, les Djiboutiens n’ont jamais été de grands consommateurs de produits de la mer. Tous les produits de la mer (daurade, barracuda, seiche, langouste, rouget, etc.) sont délicieux mais le thazard (gros maquereau) est le plus apprécié pour sa chair.

Les classiques de la cuisine djiboutienne

Parmi les plats les plus connus de la gastronomie locale, citons tout d'abord le fah-fah, l'équivalent d'un pot-au-feu épicé avec viande de chèvre, légumes (chou blanc, poireau, pomme de terre, tomate, etc.) et piments verts, et généralement servi avec du lahoh, un type de galette moelleuse. Sinon laissez-vous tenter par le skoudehkaris, un riz qui mijote dans une sauce richement épicée à la tomate et à l'agneau avec une généreuse quantité de cardamome. La soupe djiboutienne est un bouillon savoureux à base de viande de mouton, de pomme de terre, de poireaux, de chou et une belle dose de coriandre.

Le cabri est le plat le plus typique de la culture nomade, celui que l’on prépare pour les grandes occasions. La petite chèvre est cuite dans un four en terre ancien, et souvent farcie de riz et d’épices. Quelle que soit la recette, la viande est extrêmement tendre et fondante. Sinon découvrez le tibs, de petits morceaux de viande – généralement bœuf, mouton, chèvre ou même dromadaire – frits avec du piment vert. L'odkac est un terme désignant de la viande séchée cuite dans une belle quantité de beurre avant d'être émincée en petits cubes. Les "petites-viandes" que l’on avale sur le pouce sont bon marché et savoureuses. Il s’agit d’une baguette de pain généreusement garnie de petits morceaux de viande cuite, de sauce légèrement épicée, de quelques légumes. C’est relevé et très copieux et à acheter dans les échoppes de rue. Autre en-cas, le sambusa ou samoussa est omniprésent sur les étals pour rompre le jeûne du ramadan. Ce chausson frit en forme de triangle contient une farce épicée à base de viande et de légumes.

Enfin on retrouve plusieurs ragoûts comme le wat ou wet, un terme générique pour divers ragoûts de viande (mouton, poulet ou bœuf) ou de légumes, d'inspiration éthiopienne. Le shiro wat est à base de haricots et le messer wat à base de lentilles. Le yetakelt wet est un ragoût de légumes variés (carotte, haricots verts, pomme de terre) dans une sauce épicée. Le dulet est un mélange d'abats et de tripes émincés et frits.

Gastronomies étrangères

Du fait de sa petite taille et de son histoire mouvementée, souvent absorbé par ses grands voisins, Djibouti ne possède pas une identité culinaire très marquée et beaucoup de spécialités consommées dans le pays sont issues de la gastronomie des pays voisins, à commencer par la Somalie. Ce pays est très proche culturellement de Djibouti, partageant entre autres les mêmes langues comme l'arabe, le somali et l'afar. Ainsi les deux nations possèdent beaucoup de plats en commun.   

Depuis l'indépendance de l’Érythrée en 1993, une écrasante majorité des marchandises sortant ou rentrant d'Éthiopie passent pas Djibouti, renforçant encore plus l'influence de la cuisine éthiopienne dans le pays, dont le produit le plus caractéristique est l’injera. Cette épaisse crêpe moelleuse est réalisée avec une pâte fermentée faite de farine de teff, une céréale qui ne pousse qu’en Éthiopie. Elle accompagne de nombreuses spécialités et sert aussi bien d'assiette que de couverts. Quand elle n'est pas garnie d'une multitude de mets plus épicés les uns que les autres, l'injera est dégustée plus simplement avec du niter kebbeh (beurre clarifié) et du berberé, un mélange d’épices typique de la cuisine éthiopienne : cumin, clou de girofle, cardamome, piment de Cayenne, gingembre, etc.

Si Djibouti ne possède qu'une frontière maritime avec le Yémen, la présence de nombreux travailleurs yéménites ainsi que des échanges anciens ont introduit de nombreux plats venant de ce pays. Ne manquez pas de déguster la spécialité yéménite la plus populaire à Djibouti : le poisson à la yéménite (moukbasa) grillé au feu de bois. On le sert dans quelques restaurants de la capitale et aussi ailleurs sur la côte. Le poisson (mais la recette peut également s’appliquer à la viande) est badigeonné d'un mélange de tomate et d'épices, ce qui lui donne une consistance et un goût exceptionnel. On le sert souvent avec du khobz el tawa (pain plat carré un peu huileux) ou du lahoh, une sorte de galette épaisse et un peu spongieuse. La cuisine yéménite ne démérite pas sur les desserts aux accents orientaux, et à l'heure du petit déjeuner, toutes les cantines yéménites proposent des fruit-shakes ou smoothies que l'on peut composer au choix en piochant dans la carte des fruits frais disponibles.

Desserts et boissons

Parmi les desserts on citera le plus célèbre, le xalwo (prononcé "halwo"), nom local du halva, une confiserie populaire servie lors d'occasions spéciales, telles que les célébrations de l'Aïd ou les réceptions de mariage. Contrairement aux variétés que l'on retrouve au Moyen-Orient ou en Asie du Sud, préparées à base de crème de sésame (tahini) ou de semoule, ici le xalwo a une texture plus caoutchouteuse, proche d'un loukoum turc, grâce à la présence d'amidon. On le parfume ensuite de noix de muscade et de cardamome. Le garoobey est une bouillie préparée en trempant de l'avoine dans du lait aromatisé avec diverses épices.

Voisin de l’Ethiopie et du Yémen, Djibouti est bien entouré en ce qui concerne le café. Depuis le XVIIIe siècle, Obock et Tadjourah ont été utilisés par les Français comme ports d’exportation du café éthiopien, Louis XIV ayant mis la boisson à la mode dans les cours européennes, après que les Ottomans l'ont introduit auprès des marchands vénitiens. Aujourd’hui, on en boit beaucoup aux terrasses du quartier européen de la capitale. Dans les restaurants éthiopiens, on vous servira le café bounna, très réputé, provenant de la région du Harrar que l'on sirote avec du kolo (un mélange d'orge, de pois chiches et de graines de tournesol grillés). Le thé est la boisson favorite des Djiboutiens. Depuis longtemps les nomades en consomment pour étancher leur soif, pour se rassembler et discuter. Il peut être agrémenté de gingembre ou de feuilles de caféier et plus habituellement avec de la cardamome et de la cannelle.

La consommation de jus de fruits frais n’est qu’assez récente et relativement peu fréquente. On en dégustera néanmoins de très bons près du marché de la capitale. Venant d'Éthiopie, le spris est une boisson dont chaque jus (mangue, papaye, ananas et avocat) est versé séparément dans le verre pour un look arc-en-ciel du plus bel effet. Les Djiboutiens, musulmans, ne consomment pas d’alcool, mais ils tolèrent très bien que les étrangers en boivent, avec discrétion. Les hôtels et certains établissements proposent des bières européennes ou éthiopiennes (St-George's, Dashen, Habesha, etc.), mais aussi du vin et autres spiritueux. Par curiosité, vous pourrez goûter dans les restaurants éthiopiens divers types d’areki (ou areka), un digestif de céréale (orge, sorgho, etc.) que l'on parfume parfois au miel. On retrouve aussi le vin Axoumit ou Gouder, la tella (bière de céréales germées) ou le tedj (alcool léger, mélange de feuilles et de miel). Sans oublier le fameux vin de palme, que l'on fabrique à partir du palmier doum, un arbre très commun, principalement présent à l’intérieur des terres.