Au royaume du paprika et du kolbász
Parler de la cuisine hongroise sans évoquer le paprika serait presque une offense au pays. On utilise cette poudre de piment et de poivron partout, au point même que le pays possède deux musées dédiés à ce sujet, à Szeged et à Kalocsa. En 1937, le prix Nobel de médecine est d'ailleurs attribué au hongrois Albert Szent-Györgyi, qui utilisa, entre autres, des piments comme sujet d'étude pour isoler les composés de la vitamine C. On retrouve évidemment différentes qualités de paprika, comme le különleges (très doux), le csípősmentes csemege (doux), le csemege (semi-doux), le csípős csemege (fort) ou encore le erős (très fort), sans oublier bien sûr le paprika fumé ou füstölt paprika.
Cette épice entre dans la composition de nombreuses charcuteries comme les kolbász, qui peuvent se présenter sous forme de saucisses à cuire ou sous forme de saucisson. La debreceni kolbász – du nom de Debrecen – est la charcuterie hongroise la plus connue. Fumée et aromatisée de paprika doux, elle a traversé les frontières et on la retrouve aujourd'hui de l'Europe de l'Est jusqu'en Amérique du Nord. On notera aussi le téliszalámi (ou salami d'hiver), confectionné à partir de viande de porc épicée et fumée à froid ; la Gyulai kolbász parfumée au paprika et aux graines de carvi ; et le csabai szalámi richement pimenté. Pour les plus curieux, on citera également le disznósajt, une sorte de fromage de tête bien épicé, ou encore le szalonna, une variété de lard qui ne contient presque que du gras.
On ne penserait enfin pas forcément à associer les mots « Hongrie » et « foie gras » dans la même phrase. Pourtant, si la France est le plus gros producteur mondial de ce mets raffiné, il faut savoir qu'il est produit en Hongrie de longue date, et le pays possède le quasi-monopole de la production de foie d'oie (« libamáj » en hongrois), dont la fabrication en France se limite à l'Alsace.
Les classiques de la cuisine hongroise
On retrouve diverses entrées chaudes ou froides comme le kőrözött, une pâte de fromage frais au paprika, à l'oignon et aux graines de carvi tartinée sur du pain, ou encore le rántott sajt, des croquettes de fromage panées, parfois servies en plat principal avec des frites. Le terme « palacsinta » désigne tout type de crêpes, salées ou sucrées, qui sont garnies en entrée de fromage, de champignons ou de charcuterie, tandis que la copieuse hortobágyi palacsinta est fourrée de veau haché puis nappée d'une sauce à base de crème aigre et de paprika. S'il y a un en-cas à ne pas rater sous aucun prétexte en Hongrie, c'est bien le lángos. Ce beignet plat, servi bien chaud et tartiné de crème aigre, de fromage râpé et parfois de bacon, se retrouve quasiment partout dans le pays.
Comme dans beaucoup de pays d'Europe centrale et de l'est, les soupes font partie des plats les plus populaires. Parmi les plus connues, notons le très consistant bableves, un épais potage aux haricots rouges et aux saucisses, ou la sóskaleves, à base d'oseille et garnie d'œufs durs, plus légère. Les termes gulyásleves et gulyás (mieux connu en France sous le terme « goulasch ») désignent un plat similaire composé de viande de bœuf, d'oignon, de paprika et de légumes, longuement mijoté, plus ou moins liquide selon les recettes.
On confond souvent le gulyás avec le pörkölt, plus riche et épais, à base de bœuf, abondamment parfumé de paprika, alors que le csirkepaprikás est un plat à base de poulet dans une sauce crémeuse au paprika. En accompagnement, on retrouve le plus souvent des nouilles aux œufs appelées nokedli, que l'on consomme dans les pays germanophones sous le nom de spätzle. Le très populaire rántott hús est simplement la version hongroise de l'escalope viennoise ou schnitzel. Le stefánia szelet est un pain de viande garni d'œufs durs, souvent servi avec une salade de pommes de terre. Le chou est abondamment utilisé dans la cuisine hongroise, comme pour le töltött káposzta qui est un plat transylvain de chou farci de viande de porc et de riz, servi avec de la crème aigre.
Mais on peut citer d'autres – plus rares – plats de légumes comme le lecsó, un ragoût de tomates et de poivrons confits, avec parfois un peu de lard fumé. Il n'est pas rare de retrouver également des plats de gibier en Hongrie, notamment dans les zones rurales, à prix tout à fait raisonnables. Au début du XXe siècle, le pays, et notamment Budapest, possédaient l'une des plus grosses communautés juives d'Europe. On trouve ainsi quelques plats juifs-hongrois comme le sólet, servi pour Shabbat, qui se compose d'orge, de haricots rouges, de viande (bœuf et parfois même porc) et d'œufs durs.
Pour un pays sans accès à la mer, les plats de poissons d'eau douce sont nombreux. Panés ou cuits au court-bouillon, c'est la perche (fogas), le poisson chat (harcsa) et la carpe (ponty) qui atterrissent le plus souvent dans les assiettes. À goûter absolument, le halászlé est la soupe de poisson hongroise par excellence. Assez pimentée et confectionnée à base de différents poissons, elle est souvent présentée dans un petit chaudron, appelé bogrács.
Entre desserts et cafés prestigieux
La Hongrie possède une grande diversité de desserts, dont le plus connu est sans conteste la dobos torta, avec sa superposition de génoises fourrées de crème au chocolat, le tout recouvert d'un glaçage au caramel croquant. Citons également l'esterházy torta, aux couches de biscuit macaron à l'amande garnies de crème au beurre au cognac et décoré de fondant ; ou la gerbeaud ou zserbó, un gâteau multicouches fourré de noix et de compotée d'abricots, le tout nappé de chocolat. Le krémes est l'équivalent local du mille-feuille, et le franciakrémes, très proche, est garni d'une couche de crème vanille, puis d'une deuxième épaisseur de crème fouettée. Le flódni est une sorte de mille-feuille garni de noix, graines de pavot et pommes. Dans le même genre, les Hongrois sont de grands consommateurs de rétes, plus connus sous le nom allemand de « strudel ». Il est le plus souvent fourré aux pommes (almás), au pavot (mákos), aux noix (diós), au fromage frais (túró) ou aux griottes (meggy). Enfin, le beigli est une brioche roulée aux graines de pavot, typique des cuisines d'Europe de l'Est.
Mais on retrouve bien d'autres desserts, comme d'excellentes crêpes (palacsinta), fourrées aux pommes, au pavot, aux châtaignes ou à la confiture. La célèbre Gundel palacsinta contient un mélange de noix, de raisins secs et de rhum, le tout nappé d'une riche sauce au chocolat. Plus surprenant, le túrogomboc se présente sous la forme de petites boules de fromage frais pochées et roulées dans des miettes de biscuits, le tout servi tiède avec de la compotée de fruits rouges ou d'abricot. En été, les Hongrois consomment des soupes de fruits froides comme la meggyleves, aux griottes. À l'inverse, en hiver, le kürtőskalács est à l'honneur, notamment lors des festivals et des marchés de Noël. Ce long cylindre de pâte caramélisé, saupoudré de sucre, de cannelle ou de noix, est absolument à goûter.
Pour déguster toutes ces friandises alléchantes, impossible de passer à côté des nombreux cafés prestigieux que l'on retrouve dans le pays, et notamment à Budapest. Ces lieux connurent leur apogée au tout début du XXe siècle, attirant alors aristocrates, intellectuels et artistes. Parmi les plus emblématiques, on peut bien sûr citer le Café Gerbeaud, le Café Central, le Café New York ou encore le Café Párisi. Grâce aux Ottomans qui importèrent cette boisson chaude en Europe et sous l'influence de l'Autriche, le café (« kávé » en hongrois) devint très populaire dans le pays dès le XIXe siècle. On le déguste généralement serré. Pour un café au lait, commandez plutôt un tejeskávé. Sinon on peut également se délecter d'un forró csokoládé ou chocolat chaud, dont le goût a aussi été popularisé par les Autrichiens.
Vins, bières et autres boissons
La viticulture hongroise peut se targuer d'un passé millénaire. Elle mêle les traditions orientales importées par les premiers arrivants magyars et le savoir-faire de la viticulture romaine. En effet, cette activité était florissante dans l'ancienne Pannonie, à l'époque où le Danube constituait l'une des frontières de l'Empire romain. Plus tard, à partir de la Renaissance, des techniques sont venues d'Italie et de France.
Depuis 1990, le vignoble hongrois est divisé en 22 régions représentant une superficie actuelle de 150 000 hectares pour une production de 4 millions d'hectolitres. Le pays se trouve au point de rencontre entre les climats continental et méditerranéen. Son sol est riche et diversifié, et ainsi un nombre important de cépages locaux y sont cultivés. Le tout donne des vins originaux, de bonne qualité, aux arômes subtils. Le Tokaj-hegyalja est une région viticole unique, le long de la frontière slovaque, donnant le fameux tokaj, célébré par Louis XV qui disait qu'il était « le roi des vins et le vin des rois ». C'est la fierté de la viticulture hongroise, ce vin doux liquoreux étant comparable à un Sauternes très aromatique.
La région viticole située autour de la vieille ville d'Eger est fameuse pour son vin rouge, l'egri bikáver ou « sang de taureau ». Le nom proviendrait du XVe siècle, lorsque les puissantes armées turques qui attaquèrent la ville furent repoussées par les troupes locales encouragées par de larges rasades d'egri bikavér. La région de Villány-Siklós produit à la fois des vins rouges et blancs de qualité, alors que le Somló est connu pour ses cépages aromatiques de furmint et de juhfark, qui poussent sur les flancs de roches fertiles d'un ancien volcan éteint heureusement depuis des millions d'années, donnant à ces vins tout leur caractère.
Le lac Balaton – le plus grand d'Europe centrale – offre le long de ses rives un microclimat, plus humide en été et plus doux en hiver, permettant une production viticole singulière et de qualité. On retrouve entre autres les cépages de Badacsony, de Balatonfüred-csopak ou Dél-balaton, principalement des vins blancs secs ou mousseux. Issu des autres régions productrices du pays, on peut citer le kékfrankos, un vin rouge léger de Sopron, près de la frontière autrichienne ; ou le kékfrankos, très fruité, originaire de la Szekszárd. Il existe bien d'autres cépages comme le kadarka, le kékoportó, le kékburgundi, le furmint, le hárslevelű, le zeusz, le tramini, l'olaszrizling, le szürkebarát ou encore le kéknyelű.
Contrairement au vin, la bière n'est pas vraiment la spécialité du pays, même si elle est de plus en plus populaire, notamment chez les jeunes. Parmi les variétés locales, on peut citer la Dreher ou la Soproni. Plus corsée, la fameuse liqueur Unicum est réalisée à partir de plus de quarante variétés de plantes, ce qui lui confère un goût inimitable. C'est en quelque sorte la boisson nationale. Comme dans le reste de l'Europe centrale, on retrouve évidemment de nombreuses eaux-de-vie blanches (abricot, poire, prune, etc.), appelées en Hongrie « pálinka ». Comme l'Unicum, leur degré d'alcool avoisine les 40°. Enfin, le traubi szóda est une boisson gazeuse parfumée au raisin. Malgré la concurrence avec d'autres sodas, c'est une boisson qui est redevenue à la mode grâce aux consommateurs nostalgiques, qui l'avaient découverte dans les années 1970.