Répartition géographique et urbanisation
Budapest, capitale politique, culturelle et surtout économique de la Hongrie, concentre à elle seule environ 1,75 million d'habitants en 2024, soit près de 18 % de la population nationale. Si l'on inclut son aire métropolitaine élargie, ce chiffre atteint environ 3,3 millions de personnes, une concentration urbaine exceptionnelle. Cette région attire par son marché de l'emploi, ses universités, ses infrastructures modernes et son rôle de carrefour régional pour les sièges d'entreprises internationales.
Autour de la capitale, le comitat de Pest connaît une croissance rapide. Nombreuses sont les communes de banlieue ou semi-rurales qui voient leur population augmenter sous l'effet de l'étalement urbain, porté par la recherche de logements plus abordables et d'un meilleur cadre de vie, tout en restant à proximité de Budapest. Ce phénomène de périurbanisation crée un tissu de petites villes dynamiques, où s'installent des familles, des télétravailleurs et des PME.
Dans l'ouest du pays, la région de Győr-Moson-Sopron, proche de Vienne en Autriche et de Bratislava en Slovaquie, bénéficie également d'une attractivité croissante. Elle tire profit des échanges transfrontaliers, des investissements étrangers (notamment dans l'automobile, avec Audi à Győr), et du retour de nombreux travailleurs expatriés.
Dans le reste du pays, plusieurs grandes villes jouent un rôle régional essentiel. Debrecen (environ 200 000 habitants), à l'est, deuxième plus grande ville du pays, est un pôle universitaire et technologique majeur, en forte expansion. Elle attire également de nombreux investissements étrangers, notamment dans les industries pharmaceutique et automobile. Szeged (160 000 habitants), au sud, est connue pour son université, ses festivals culturels et sa position stratégique proche de la frontière serbe. Miskolc (150 000 habitants), ancienne ville industrielle du nord-est, tente de se reconvertir après une période de déclin liée à la fermeture de nombreuses usines. Pécs (140 000 habitants), au sud-ouest, possède un riche patrimoine historique et culturel, ainsi qu'une vie universitaire dynamique.
À l'inverse, les régions rurales du nord-est et du sud-est sont marquées par un déclin démographique. Le départ des jeunes, combiné à un vieillissement rapide de la population et à une désindustrialisation mal compensée, entraîne une désertification rurale. Les services publics ferment ou se concentrent dans quelques pôles, ce qui aggrave l'isolement des petites localités.
Ce déséquilibre territorial est accentué par la centralisation administrative : Budapest concentre à elle seule une part écrasante des ressources, des sièges décisionnels, et des financements. Cette organisation rend plus difficile le développement autonome des régions périphériques, générant une Hongrie à deux vitesses : d'un côté, des zones métropolitaines modernes et connectées ; de l'autre, des territoires en retrait.
Depuis plusieurs années, des programmes de développement régional, soutenus par des fonds européens, visent à réduire ces écarts. Ils encouragent l'innovation rurale, la modernisation des infrastructures, la diversification agricole et la valorisation du tourisme local. Malgré cela, les dynamiques migratoires internes restent centripètes : Budapest reste le cœur battant du pays, autour duquel gravite une majorité des flux économiques et humains.
Les Magyars : la colonne vertébrale historique et culturelle
Les Magyars, peuple d'origine finno-ougrienne venu des steppes eurasiennes, se sont établis dans le bassin des Carpates à la fin du IXe siècle. Leur langue, le hongrois (magyar nyelv), sans lien avec les langues indo-européennes voisines, renforce leur spécificité culturelle en Europe centrale. Depuis plus d'un millénaire, cette singularité linguistique et identitaire constitue la trame d'un récit national fortement ancré.
L'un des épisodes les plus marquants de l'histoire hongroise reste le traité de Trianon, signé le 4 juin 1920, à l'issue de la Première Guerre mondiale. Ce traité impose une réduction drastique du territoire hongrois, amputé de plus des deux tiers de sa superficie, et entraîne la perte d'environ trois millions de Magyars, désormais répartis dans les États voisins. Ces territoires sont aujourd'hui situés en Roumanie, en Slovaquie, en Serbie, en Ukraine, et dans une moindre mesure en Autriche, en Croatie et en Slovénie.
Le souvenir de cette dislocation reste vivace dans la mémoire collective. En Hongrie, le mot « Trianon » symbolise une perte irrémédiable, un déclin territorial et démographique qui continue de façonner l'imaginaire national. Ce traumatisme est régulièrement ravivé lors de commémorations officielles, de discours politiques ou par la présence de symboles historiques dans l'espace public, comme les cartes de la « Grande Hongrie » d'avant 1920.
Depuis son retour au pouvoir en 2010, le Premier ministre Viktor Orbán a accordé une place centrale à cette mémoire dans sa politique identitaire. Il a instauré des dispositifs permettant aux descendants des Magyars vivant hors des frontières actuelles d'obtenir la nationalité hongroise et le droit de vote aux élections. Cette stratégie de rattachement symbolique est présentée comme un acte de réparation historique, mais elle suscite aussi des critiques internes et des tensions diplomatiques, notamment avec la Slovaquie ou la Roumanie, qui y voient une ingérence dans leurs affaires nationales.
Les minorités nationales
La Hongrie reconnaît 13 minorités nationales dans sa Constitution : les Allemands, Slovaques, Croates, Serbes, Slovènes, Roumains, Roms, Ukrainiens, Ruthènes, Polonais, Grecs, Bulgares et Arméniens. Cette reconnaissance ne repose pas seulement sur des critères démographiques, mais aussi culturels et linguistiques : il s'agit de groupes ayant une présence historique, une langue, des traditions et un sentiment d'appartenance collectif durable. Ces minorités bénéficient de droits spécifiques garantis par la loi sur les minorités nationales (modifiée en 2011), dont : le droit à l'éducation dans leur langue maternelle, de la maternelle au secondaire, avec des écoles ou sections bilingues ; la gestion de leurs propres institutions culturelles (théâtres, bibliothèques, médias, festivals) ; la représentation politique, via des « auto-gouvernements de minorité » (nemzetiségi önkormányzat), présents à l'échelle locale et nationale, et une possibilité d'élire un porte-parole au Parlement (sans droit de vote, sauf en cas d'obtention d'un certain nombre de voix).
Ces groupes sont souvent concentrés dans des régions spécifiques, héritées des anciennes aires de peuplement : les Allemands de Hongrie (ou « Souabes du Danube »), principalement installés en Transdanubie (notamment autour de Pécs, Mohács ou Pilis) ; les Slovaques dans le nord du pays, près de la frontière slovaque ; les Croates et les Serbes dans le sud-ouest, où ils ont laissé une forte empreinte culturelle ; les Roumains dans l'est, proches de la Transylvanie.
Les Roms : la première minorité et ses défis
Les Roms représentent la plus grande minorité ethnique de Hongrie, avec une population estimée entre 400 000 et 800 000 personnes, soit environ 6 à 9 % des habitants. Ils sont présents sur l'ensemble du territoire, mais surtout dans le Nord-est et certains quartiers de Budapest, notamment dans le 8ᵉ arrondissement. Cette communauté se divise en trois groupes historiques principaux : les Romungro, historiquement assimilés à la majorité magyare ; les Beás, d'origine valaque ; et les Oláh, venus des Balkans. Leur présence remonte au XVe siècle, avec une deuxième vague au XIXe siècle.
Sous l'impératrice Marie-Thérèse d'Autriche au XVIIIe siècle, les Roms ont subi la sédentarisation forcée, puis des persécutions terribles pendant la Shoah et une exclusion socio-économique importante après la transition vers une économie de marché dans les années 1990. Aujourd'hui encore, ils font face à des taux de chômage très élevés (jusqu'à 76 %), à des conditions de vie souvent précaires, et à une espérance de vie inférieure d'environ dix ans par rapport à la population hongroise non-rom.
Les Roms ont eu une influence significative sur la culture hongroise, particulièrement dans les domaines de la musique, de la danse et de la gastronomie. Les compositeurs Liszt et Brahms ont été fortement influencés par les musiciens roms hongrois. Liszt a écrit des « Rhapsodies hongroises » inspirées du style tzigane.
Le hongrois : une langue unique à découvrir
Issu de la famille finno-ougrienne, le hongrois se distingue radicalement des langues indo-européennes parlées dans la plupart des pays voisins. Cette originalité se ressent dans sa sonorité unique, presque chantante, et dans sa structure grammaticale, qui en font un vrai défi à apprendre.
Le hongrois est une langue agglutinante : les mots se forment en ajoutant une série de suffixes et préfixes qui modifient leur sens et leur fonction grammaticale. Cette caractéristique permet d'exprimer des idées très précises par la simple combinaison d'éléments. Par exemple, il existe des mots très longs et complexes comme megszentségteleníthetetlenségeskedéseitekért qui signifie « à cause de vos (actes) prétendant être impossibles à profaner ». Un véritable casse-tête à prononcer !
Son alphabet latin est enrichi d'accents et de digraphes étonnants : par exemple, « sz » se prononce comme un « s » français, tandis que « s » se prononce « ch », comme dans « chat ».
Côté vocabulaire, le hongrois a intégré au fil des siècles des emprunts venus du slavon, du turc ottoman, de l'allemand, du latin, et plus récemment de l'anglais, témoignant des échanges culturels qui ont façonné le pays.
Apprendre quelques expressions hongroises est une façon idéale de s'immerger dans la culture locale et de créer des liens avec les habitants.