Climat dans la Région des Lacs

La configuration géographique de cette région du monde justifie bien sûr des disparités au niveau du climat : la cordillère jouit d'un climat humide, l'intérieur des terres d'un climat sec, et la côte Atlantique d'un climat sec atténué par la proximité de l'océan. En descendant vers la Terre de Feu, on trouve un climat devenant « subantarctique », caractérisé par les bien nommés quarantièmes rugissants et cinquantième hurlants. Ici, la météo est capricieuse, le froid humide se conjugue à des pluies diluviennes tandis que la forte houle s'accompagne des pires tempêtes océaniques. Lorsque l'hiver s'efface et laisse place à l'été austral, entre décembre et février, certains microclimats promettent des séjours sous un soleil quasi méditerranéen. Royaume du vent, la Patagonie doit ses reliefs à ses meilleurs alliés qui, sans doute, sauront être vos pires ennemis par moments (surtout si vous campez !) : vents contraires, impétueux, hurleurs et tortueux, véritable trait de caractère de la Patagonie, tout le monde s'incline sur leur passage !

L'empire des vents

« La steppe patagonne invite les humains au silence car la voix puissante du vent raconte toujours d’où il vient et, chargé d’odeurs, dit tout ce qu’il a vu », confie Luis Sepulveda dans son ouvrage Nouvelles du sud. Rien ne s’arrête longtemps sur cette immense terre, ni soleil, ni pluie, ni neige, ni brume, le temps de fermer les yeux et de les rouvrir le temps a changé et le vent a repoussé le décor, toujours plus loin, vers l’horizon. Car ici sur la Terre comme dans le ciel, le vent est maître de toutes choses de la steppe argentine aux confins des archipels chiliens. Et s’il est invisible, sa force est pourtant responsable des moindres reliefs d’un paysage qu’il a forgé au fil du temps : les arbres, dont les troncs courbent vers le sol, l’érosion et la couleur des roches, les vagues des lagunes cristallines… Plus on s’aventure au sud, plus les vents deviennent violents et effrayants, et à raison ils ont été baptisés les 40e rugissants et 50e hurlants. Ces vents que l’on rencontre dans l’océan Austral, et qui portent le nom des parallèles sud qui les délimitent, sont l’équivalent de la latitude entre le nord du Portugal et les côtes de la Manche dans notre hémisphère, ce qui prouve bien que le climat est plus rude, à latitude égale, dans l’hémisphère sud ! Au XVIIe siècle, les premiers navigateurs comptaient sur le souffle de ces puissantes rafales pour rallier plus rapidement l’océan Pacifique. Pourtant, même s’ils ont façonné les routes maritimes, ces vents imprévisibles sont les plus hostiles de la planète. Un célèbre dicton marin énonce plutôt bien la situation : « Sous 40 degrés, il n’y a plus de loi, mais sous 50 degrés il n’y a plus de Dieu ». Derrière le dicton, il y a une réalité scientifique : le conflit de température entre les eaux glaciales de l’Antarctique et les courants chauds qui entourent le continent de glace. Cette rencontre fait donc l’effet d’un choc météorologique et provoque une multitude de dépressions, drainant une houle à chaque fois plus importante : les vagues peuvent alors atteindre jusqu’à 30 mètres de haut...

Un climat hostile

« Cuando los tordos negros bajan de las montañas a la costa, significa que viene tiempo frío » : (quand les étourneaux descendent de la montagne vers la côte, cela annonce le froid), « Si cae nieve antes del 4 de abril en la zona del Beagle, el invierno será bueno », (s'il neige avant le 4 avril dans la zone du canal de beagle, l'hiver sera doux). Le climat, si imprévisible soit-il, a fait naître de nombreuses superstitions, susceptibles d'appréhender les caprices d'un climat qui se veut peu clément ! Mais comment anticiper la météo ? La réponse n'est nulle part, inscrite éphémèrement dans l'immensité du ciel patagon où l'on peut connaître quatre saisons dans une seule et même journée : vent, neige pluie ou encore soleil, il faut s'attendre à tout ! Ici, la météo échappe à toute logique, ce n'est pas parce que l'on se dirige vers le sud que les températures chutent : à Río Gallegos, les températures peuvent descendre jusqu'à -20 °C, mais à Ushuaia le mercure passe rarement en dessous de -21 °C. L'hiver, tout se complique surtout en ce qui concerne le Chili : la région des lacs est recouverte de neige et les pluies sont abondantes. Cette inaptitude à connaître la situation météorologique a fait naître un autre dicton chez les Patagons : « Quien se apura en la Patagonia pierde el tiempo » (celui qui se précipite en Patagonie perd son temps). La nature joue un rôle tellement fondamental dans les déplacements et les activités du quotidien que lorsqu'il fait mauvais temps, il vaut mieux attendre que cela se passe et rester à la maison ! En moyenne, les températures chutent de 10 °C par rapport à l'été. Cela peut paraître supportable, mais les pluies et le vent sont glaciaux et la plupart des infrastructures ne fonctionnent plus. Toutefois, certains touristes s'aventurent du côté des stations de ski, dernière option pour ceux qui recherchent encore le frisson. Malgré un soleil fugitif, le contraste des saisons et quelques microclimats garantissent des séjours plutôt agréables dans certaines régions. C'est le cas autour d'El Bolsón ou de Los Antiguos en Argentine ; ou de Chile Chico et de l'Araucanie, au Chili. Dans ces zones, les températures peuvent atteindre 25 à 30 °C en été.

Le changement climatique

Bien évidemment, cette région du monde n'échappe pas au grand sujet d'actualité qu'est le changement climatique, bien au contraire : puisqu'elles se réchauffent plus vite, les régions des pôles sont les plus affectées. Alors que les calottes glaciaires fondent, la Patagonie subit les effets les plus graves et les plus ravageurs du réchauffement climatique, déstabilisant ses écosystèmes et réduisant sa biodiversité. En 2019, c'est la première fois que des records de chaleur ont été enregistrés à des latitudes aussi élevées dans l'hémisphère sud. Des records de chaleur ont été enregistrés, notamment dans les régions du Biobío et d'Araucanie, avec des températures montant jusqu'à 41,6 °C. En 2023, plus au sud, les températures ont également atteint des valeurs extrêmes : jusqu'à 39,2 °C à Perito Moreno, 32,5 °C à Punta Arenas et 35,8 °C à Río Gallegos. Enfin, phénomène rare et alarmant, c'est la première fois que la température a dépassé les 31 °C en Terre de Feu. Ces vagues de chaleur historique sont désormais accompagnées d'événements climatiques extrêmes, tels que des inondations sur la côte atlantique et des canicules dévastatrices dans la pampa, qui ont entraîné la mort de plus d'un million de bétail en 2008. La montée historique de température enregistrée au cours des derniers étés a été contrebalancée par des températures en dessous des normales de saison : au cœur de l'été, des températures négatives ont été enregistrées entre Puerto Montt et Osorno. Victime de ce réchauffement climatique, le glacier Perito Moreno, réputé pour être l'un des seuls glaciers de Patagonie à ne pas reculer, s'est fracturé en 2018 et 2019. Des fractures massives ont été observées, avec des icebergs se détachant et libérant d'importantes quantités d'eau douce dans l'océan, ce qui modifie la composition de l'eau et perturbe l'écosystème marin. En 2021, des experts ont signalé un retrait accru des glaciers de la région, avec une perte de masse glaciaire atteignant 1,4 mètre d'eau équivalente, alors que les glaciers au niveau mondial ont perdu environ 8,5 mètres d'eau équivalente en moyenne depuis 1970​. Au Chili, deux morceaux du glacier Grey se sont également déstructurés à quelques semaines d'intervalles. Puis en 2019, les géants de glace n'en finissent plus de faire craquer leurs vieux os : en février un iceberg de 8,8 hectares se détache du glacier Grey, peu de temps après, une autre fracture de 6 hectares se produit. Les glaciers reculent et déversent de grandes quantités d'eau douce dans l'océan. La composition de l'eau change et impacte alors tout l'écosystème marin. C'est le cas par exemple des baleines à bosse qui commencent à déserter les fjords chiliens : l'augmentation de l'eau douce a modifié les organismes microscopiques nécessaires à leur alimentation. Dans la cordillère des Andes, la neige est de moins en moins importante (en un siècle certains sommets ont perdu 60 % de leur neige) et l'hiver de plus en plus doux. Le changement climatique s'observe également du côté de la pampa avec des pics de chaleur qui frappent lourdement la faune et la flore : au cours de la canicule de 2008, plus d'un million et demi de vaches ont péri. Sur la côte atlantique, les inondations se multiplient et la montée des eaux menace les stations balnéaires.De plus, le climat froid et pluvieux laisse place à des microclimats plus propices à l'agriculture : le vin de Patagonie, né dans les années 2010, est le plus austral du monde. Fenêtre sur un avenir qui ne s'annonce pas des plus radieux, la Patagonie se révèle être un très bon laboratoire pour les scientifiques : la région regroupe des événements en chaîne qui devraient être observés dans d'autres écosystèmes au cours des prochaines décennies. Plusieurs scientifiques s'y sont installés afin d'y poser des sondes. Ils surveillent ainsi l'évolution des écosystèmes et tentent d'anticiper le réchauffement climatique dans les autres mers du globe. En 2019, la 25e conférence climat de l'ONU devait officiellement se tenir au Chili. Toutefois, en proie à une crise sociale, le pays a finalement renoncé à organiser cet événement un mois avant son lancement officiel. Dans un contexte de crise, par question d'image ou de sécurité, les autorités chiliennes tournaient ainsi le dos à un enjeu de taille. Principales réserves de glaciers au monde, le Chili devait accueillir près de 25 000 personnes et s'engager à faire évoluer les thématiques écologiques. La COP25 s'est finalement tenue à Madrid.