Romantisme et poésie
Au XIXe siècle, la Lorraine voit naître celui qui deviendra le « prince de la poésie » et qui marquera son patrimoine littéraire à jamais. Poète incomparable qui représente à la perfection l'art poétique, Paul Verlaine, originaire de Metz, est devenu une légende dans les courants littéraires et artistiques. La carrière poétique de Paul Verlaine s'ouvre avec les Poèmes saturniens de 1866, bref recueil de 25 poèmes qui rencontre peu d'écho mais Verlaine s'annonce comme un poète à la voix particulière, jouant subtilement sur les mètres pairs et impairs, les rythmes rompus et les formes courtes dont le sonnet. Son œuvre a alors traversé le XXe siècle dans une ferveur toujours entretenue. Verlaine était un des rares hommes de lettres françaises à ne pas avoir de lieu qui soit consacré à son œuvre et surtout qui restitue ses origines lorraines, avec tout un contexte historique, social et artistique. C'est chose révolue depuis 2011, grâce à une association de passionnés du poète maudit qui décide d'ouvrir au public dans la maison natale de Paul Verlaine, un vaste appartement bourgeois au 1er étage, un univers recomposé à la gloire de l'homme de lettres. La visite se décline autour de quatre pièces d'exposition et d'un accueil-librairie, en cherchant, dans une perspective chronologique, à retracer l'itinéraire biographique et poétique de l'auteur, à partir d'une collection d'objets qui constituent autant d'images de l'écrivain, de marqueurs identitaires. Et si l'œuvre de Paul Verlaine a marqué un tournant dans la poésie, il n'est pas le seul à avoir eu un impact sur le patrimoine littéraire. Yvan Goll (de son vrai nom Isaac Lang), autre poète incontournable des XIXe et XXe siècles, né en 1891 d'une famille juive de Saint-Dié, placée à cette époque sous administration allemande, manie aussi bien le français que l'allemand, comme en atteste la publication à Metz de son premier recueil de poèmes (Lothringische Volkslieder) et a toujours revendiqué cette double culture. Poète expressionniste, mais aussi romancier, auteur de pièces de théâtre d'avant-garde, traducteur, éditeur, Yvan Goll offre avec Les Élégies internationales (1915) et Le Nouvel Orphée (1923) des textes pacifistes et européens. Sa production poétique évoque aussi sa terre natale de la Lorraine à l'Alsace, à l'intersection des territoires, à travers plusieurs textes. Moins connu à l'époque, Gustave Kahn a également occupé une place importante dans le cercle des poètes. Admirateur de Verlaine, il s'est rapidement positionné comme poète « symboliste » et critique engagé, avant de s'imposer comme un écrivain à « thèmes juifs » de par ses origines.
La littérature en temps de guerre
Alors que la Grande Guerre éclate en Lorraine, de nombreux écrivains ont dû combattre sur le sol meusien, jusqu'à y laisser leur vie pour certains. Parmi eux, citons Maurice Genevois, mobilisé en août 1914 et réformé en avril 1915 suite à une blessure grave. Sa carrière littéraire se poursuit après le conflit et il reçoit notamment le prix Goncourt pour Raboliot en 1925. L'écrivain a fait de son expérience du combat sa principale œuvre littéraire. Son récit emblématique, Ceux de 14, est tiré de son expérience, retranscrite dans des carnets de guerre qu'il tenait lors du conflit. L'édition non censurée, parue en 1949, est une œuvre majeure du récit de guerre qui permet de mieux comprendre les horreurs auxquelles ces hommes ont pris part. Cette matière brute, il l'a conservée délibérément lors de l'écriture de plusieurs ouvrages consacrés à la Grande Guerre. Également au front, l'écrivain Henri Alban Fournier dit Alain-Fournier a participé à trois batailles très meurtrières autour de Verdun en août 1914. Tué un mois plus tard, il a laissé derrière lui l'un des grands classiques de la littérature, Le Grand Meaulnes. Son nom figure sur les murs du Panthéon de Paris dans la liste des écrivains morts au champ d'honneur pendant la guerre 1914-1918. À l'instar de ces deux écrivains, citons aussi Louis Pergaud, auteur de La Guerre des boutons et Jean Giono, écrivain provençal ayant notamment combattu à Verdun.
Panorama contemporain
Parmi les grands écrivains du XXe et XXIe siècles, il faut bien sûr citer Maurice Barrès, originaire des Vosges. Maître à penser de toute une génération, Maurice Barrès le fut tout autant par son œuvre littéraire que par son style de vie. Parallèlement à sa carrière d’écrivain qui lui assura un succès précoce – il n’a que vingt-six ans quand paraît le premier tome de sa trilogie Le Culte du moi –, il se lança dans la politique. Pour défendre ses idées, il fonda, en 1894, son propre journal, La Cocarde, et écrivit surtout entre 1897 et 1902 la trilogie du Roman de l’énergie nationale.
De nombreuses femmes influentes occupent désormais le paysage littéraire lorrain. C’est le cas de Virginie Despentes, née à Nancy en 1969, à qui l’on doit entre autres Les Jolies Choses, King Kong Théorie, Apocalypse Bébé (Prix Renaudot 2010) puis la trilogie Vernon Subutex entre 2015 et 2017. Membre de l'Académie Goncourt depuis 2016, elle est considérée comme une écrivaine essentielle de son époque, ses livres reflétant de façon dérangeante, par ses sujets et son style direct, le monde actuel. Dans un autre registre, citons Aurélie Filippetti, romancière et figure politique, originaire de Villerupt. En 2003, elle sort un premier roman dans lequel elle rend hommage à son grand-père, immigré italien venu travailler dans les mines de fer en Lorraine, qui fut résistant lors de la Seconde Guerre mondiale et arrêté par la Gestapo avant d’être envoyé en camp de concentration. Sa carrière oscille alors entre littérature et politique, alors qu’elle est nommée ministre de la Culture et de la Communication entre 2012 et 2014. La région compte enfin un bon vivier d’auteurs de bande dessinée, à la tête desquels se trouve Hervé Barulea, dit Baru, originaire de Thil. Ce dernier débute en 1982 dans Pilote avec des récits complets. En 1985, il obtient l'Alfred du meilleur premier album en langue française au festival d'Angoulême pour le premier tome de sa série Quéquette blues, qui raconte le quotidien d'une bande d'adolescents dans la Lorraine ouvrière de la fin des années 1960. Plus de dix ans plus tard, il est à nouveau récompensé au Festival d'Angoulême 1996 avec l'Alph-Art du meilleur album pour L'Autoroute du soleil.