Naissance et âge d’or du cinéma japonais
C'est le 15 février 1897 que la première projection cinématographique est organisée, au théâtre Nanchi Enbujo d'Osaka. Shirō Asano et son employé Shibata Tsunekichi réalisent les premiers films nippons. Promenade sous les feuillages de l'érable (1899) de Tsunekichi est l'une des rares œuvres de cette époque à avoir été conservée. À l'image de ce court métrage, le cinéma japonais des premiers temps est fortement influencé par le théâtre kabuki. Matsunosuke Onoe, membre d'une troupe itinérante depuis l'âge de 14 ans, devient l'une des premières stars du cinéma japonais. Entre 1909 et 1926, il joue dans près d'un millier de films, dont de nombreux jidaigeki, films de sabres ancêtres des grandes fresques de samouraï. Encore muet, ce cinéma est accompagné par les benshi, qui narrent, décrivent et animent les films, et dont la renommée devient bientôt aussi grande que celles des acteurs. La comédie Talking the pictures de Masayuki Suo (2019) est un hommage vibrant et drôle à cette période.
Dans les années 1930 voient les premiers films de Yasujirō Ozu (Gosses de Tokyo, 1932) et Kenji Mizoguchi (L'Élégie d'Osaka, 1936). Cette période, entre crises économiques et montée des nationalismes, amène des sujets plus sociaux.
La guerre et l'apparition de la censure de l'État en 1939 entravent la production, sans pour autant la stopper. Mizoguchi et Ozu continuent à réaliser. Ozu voit son film Le Goût du riz au thé vert (1952) refusé par le bureau de censure, à moins de modifications drastiques au scénario, qu'il n'acceptera pas. Les films Les Frères et Sœurs Toda (1941) et Il était un père (1942) seront les seules productions du cinéaste durant cette période. Mizoguchi quant à lui réalise à la fois des récits personnels, mais également des films de propagande pour la Shōchiku, géante du cinéma nippon fondée en 1895. Conte des chrysanthèmes tardifs (1939) est considéré aujourd'hui comme l'un de ses meilleurs films.
Après la guerre, le cinéma japonais renaît au travers de ces cinéastes et d'un nouveau venu, Akira Kurosawa. En 1951, Rashōmon (sorti l'année précédente à Tokyo) est récompensé à Venise, avant de recevoir l'Oscar du meilleur film étranger. Le cinéma nippon se révèle au monde entier, et des œuvres comme Voyage à Tokyo (Ozu, 1953), Les Contes de la lune vague après la pluie (Mizoguchi, 1953) ou encore Les Sept Samouraïs (Kurosawa, 1954) figurent désormais au panthéon du cinéma mondial. Ozu et Mizoguchi disparaîtront quelques années plus tard, mais Akira Kurosawa poursuivra sa carrière jusque dans les années 1990, avec des films comme Kagemusha (1980) ou Ran (1985).
Cinéma de genre(s) et Nouvelle Vague
Initié avec les films de cape et d'épée et les films de samouraïs, cette tradition va exploser après la guerre. Le traumatisme de la bombe verra l'apparition d'ailleurs d'un nouveau genre de cinéma, le kaijū-eiga, ou films de monstre. Le Godzilla de Ishirō Honda (1954) est un succès mondial.
Dans les années 1960, deux courants contraires et pourtant complémentaires apparaissent. D'une part, un cinéma rebelle et désargenté, celui des cinéastes de la « Nouvelle Vague » japonaise, avec des talents comme Nagisa Ōshima (Nuit et brouillard du Japon, 1960), Yoshishige Yoshida (Le Lac des femmes, 1966) ou encore Shōhei Imamura, qui a obtenu deux Palmes d'Or à Cannes, pour ses films La Ballade de Narayama (1983) et L'Anguille (1997). D'autre part, un cinéma tout aussi désargenté, mais aux visées bien moins révolutionnaires, le pinku-eiga ou cinéma érotique. Ces films ramènent pourtant un public de plus en plus large en salles, en faisant l'un des genres majoritaires de la seconde moitié du XXe siècle, avec un héritage qui se poursuit encore aujourd'hui. C'est également à cette période qu'apparaissent les films de Yakuza, portés notamment par le réalisateur Takeshi Kitano, où règnent la violence et le défaitisme face à une société japonaise de plus en plus déréglée, culminant dans les années 1980-1990 avec des films comme Sonatine (1993), qui fera connaître Kitano en Occident. Battle Royale (2000) est sans doute l'un des films cultes de la décennie. Dernier-nés en date, les J-Horror, centrés autour de fantômes et d'esprits malfaisants, ont fait le tour du monde avant d'être revisités par Hollywood, souvent dans une qualité bien moindre que celle des originaux. Parmi ceux-ci, The Grudge (Takashi Shimizu, 2002) ou The Ring (Hideo Nakata, 1998) font partie des plus célèbres.
Aujourd'hui, tous ces genres cohabitent avec une nouvelle génération de cinéastes récompensés dans les festivals internationaux. Naomi Kawase remporte le Grand Prix du Festival de Cannes avec La Forêt de Mogari (2007), Hirokazu Kore-Eda la Palme d'Or pour Une affaire de famille (2018) et le prix du scénario pour L'Innocence (2023), tandis que Sion Sono est régulièrement programmé dans les festivals alternatifs. Avec Renoir (2025), Chie Hayakawa devient la première réalisatrice japonaise sélectionnée en compétition officielle pour la Palme d'or à Cannes.
Quand le Japon s’anime
Le cinéma d'animation japonais est une véritable industrie à part entière. L'exportation de ces productions à bas coûts, initiée dans les années 1960 avec Astro Boy, explose dans les années 1980 avec des émissions comme Le Club Dorothée. Dragon Ball, Les Chevaliers du Zodiaque ou Sailor Moon envahissent le petit écran, tandis que l'animation japonaise se révèle sur les grands écrans du monde entier avec le cultissime Akira de Katsuhiro Otomo (1988). Dès lors, les anime se déclinent sous toutes les formes et tous les genres. Parmi les grands studios, la Toei Animation produit les séries et les films Dragon Ball Super ou One Piece. Le studio Ghibli, porté par ses cofondateurs Hayao Miyazaki et Isao Takahata, a su tirer son épingle du jeu avec des films teintés de poésie et de fantastique, tout en véhiculant un message de paix et d'universalité. Mon voisin Totoro (1988), Le Tombeau des Lucioles (1989) ou Princesse Mononoké font partie des films les plus connus, au même titre que Le Voyage de Chihiro (2001), récompensé par l'Oscar du meilleur film d'animation. Le cinéaste Mamoru Oshii adapte le manga Ghost in the Shell (1995). Satoshi Kon était, quant à lui, un orfèvre des ambiances et des univers, qu'il a mis en scène dans Perfect Blue (1997) ou Paprika (2006). Aujourd'hui, les grands de l'animation japonaise sont Mamoru Hosoda (Belle, 2021), Makoto Shinkai (Your Name, 2016, Suzume, 2022), et les séries les plus suivies se dévorent en streaming sur des plateformes dédiées comme Crunchyroll ou ADN, tandis que Netflix grappille des parts de marché avec des productions originales. Sakamoto Days s'est imposé comme l'un des anime non-anglophones les plus vus sur Netflix.
Lancé en 2023 à Niigata, le Niigata International Animation Film Festival (NIAFF) est rapidement devenu le plus grand festival d'Asie dédié exclusivement aux longs métrages d'animation. Sa 3ᵉ édition s'est tenue en mars 2025, proposant une programmation riche incluant des compétitions internationales. Ce festival dynamique a déjà récompensé des œuvres marquantes comme Look Back de Kiyotaka Oshiyama, tout en attirant des figures légendaires telles que Mamoru Oshii et Yoshiyuki Tomino. Le NIAFF illustre parfaitement le rayonnement grandissant de Niigata dans le paysage du cinéma d'animation japonais.