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Eglise Notre-Sauveur à Christianshavn  © PlusONE - shutterstock.com.jpg
8 Tallet aussi appelé Big House © Lena Si - shutterstock.com.jpg

Du gothique au classicisme

Pour découvrir ce que fut le gothique de brique, typique des villes du nord, c’est à Roskilde qu’il faudra vous rendre (à 25 min de Copenhague). Là, vous visiterez son impressionnante cathédrale, également nécropole royale, construite aux XIIe et XIIIe siècles. Ses deux gigantesques tours aux flèches dardant le ciel, ses crénelures et les jeux de couleurs - entre le rouge puissant de la brique et le vert-de-gris de sa toiture - en font un chef-d’œuvre médiéval (même si elle fut par la suite maintes fois remaniée). Dès le XVIe siècle, et particulièrement au cours du XVIIe siècle, Copenhague connut ses transformations les plus importantes sous l’impulsion de Christian IV, grand roi bâtisseur. Sa résidence royale de Rosenborg, identifiable à ses briques rouges, ses décorations de grès, ses pignons à volutes et ses proportions harmonieuses, est un chef-d’œuvre de ce que l’on a appelé la Renaissance hollandaise. Tout comme le château de Frederiksborg que l’on surnomma plus tard le « Versailles danois » ! C’est également à Christian IV que l’on doit l'aménagement du quartier de Christianshavn avec ses nombreux bastions et sa citadelle. Le roi privilégia le baroque pour continuer l’agrandissement de la ville. L’église Notre-Sauveur à Christianshavn avec sa flèche en spirale autour de laquelle tourne un étonnant escalier en colimaçon en est un bel exemple. Architecture de la séduction qui met les sens en éveil via des effets théâtraux de lumières et de trompe-l’œil, le baroque s’exprime magnifiquement à Copenhague. Remarquez la flèche de la Bourse de la ville ou bien l’étonnante Tour ronde et sa fameuse rampe s'enroulant sept fois autour de son noyau central. La fin du XVIIe siècle voit naître le quartier de Nyhavn, et ses légendaires maisons de bois et de briques, dont la plus ancienne est datée de 1661. Au siècle suivant, c'est la naissance du quartier de Friedriksstaden, un étonnant ensemble au centre duquel trône le Palais Amalienborg. Au baroque, il emprunte l’importance des grandes places où le pouvoir se met en scène ; au rococo, les intérieurs à la surcharge ornementale et au décor très exubérant. Ils contrastent avec les sobres et rigoureuses façades extérieures, symboles des idéaux classiques. À l'image de l’église de Marbre inspirée du modèle de Saint-Pierre de Rome. Son dôme domine ce quartier aux grandes et larges avenues, bordées de maisons et de manoirs bourgeois aux lignes elles aussi classiques.

Néoclassicisme et romantisme national

Au XIXe siècle, les recours aux codes classiques se multiplient. La ville ayant subi de nombreuses destructions, on renoue alors avec les formes sobres. Parmi les très beaux témoins du néoclassicisme, notons le palais de justice de l’architecte Hansen, avec sa façade à colonnades soulignant les dimensions massives et imposantes de l’édifice ; la cathédrale Notre-Dame et ses six colonnes doriques posées sur un podium, ou bien encore, le musée Thorvaldsen directement inspiré des temples gréco-romains. Puis, après avoir traversé tant de troubles, la ville, cherchant à redéfinir son identité, se tourne vers les mélanges de styles et l'idéalisation historiciste du « Romantisme national ». Le musée des Beaux-Arts s’inspire de la Renaissance italienne. L'hôtel de ville de Copenhague, imaginé par Martin Nyrop, mêle les élémntss défensifs du gothique aux harmonieuses proportions de la Renaissance, dans une superbe polychromie rouge brique. Le début du XXe siècle poursuit l'engouement historiciste, comme le montre la très belle gare centrale qui mêle l’architecture industrielle naissante - avec ses structures métalliques apparentes - aux formes médiévales dans le plus pur style néogothique. Alors que l’Art nouveau émerge partout en Europe, Copenhague conserve encore ses teintes passéistes, notamment au Palace Hotel imaginé par Anton Rosen. Là, le rouge brique de l’ensemble, d'allure gothique, fait ressortir le goût pour les entrelacs de ferronnerie des balcons. On retrouve ce même dialogue entre tradition et formes nouvelles dans l’étonnante église de Grundtvig qui mêle des caractéristiques résolument gothiques – verticalité, crénelures, plan à trois nefs – à une architecture expressionniste jouant sur la distorsion des formes et un aspect général très brut, presque minéral. Une superbe transition vers la modernité.

Triomphe de la modernité

La plus grande figure danoise du modernisme est sans conteste l’architecte Arne Jacobsen. Et c’est dans le quartier de Klampenborg, qu’il réalisa au début des années 1930 l’immeuble Bellavista. En 1954, il conçut l’hôtel de ville de Rødovre (à quelques minutes de la capitale) et en 1958, le SAS Royal Hotel. Ces trois réalisations sont de superbes manifestes du style Jacobsen qui associe formes simples, élégantes et fonctionnelles aux matériaux naturels et confortables. Architecte, mais aussi designer, il imagina des œuvres d’art totales où structure et mobilier forment un tout organique et unifié. Sobriété, précision, rigueur classique et modernité des formes caractérisent le modernisme rationnel et fonctionnel danois. Cette période s’accompagna également de nouvelles réflexions urbanistiques, dont le fameux Fingerplan: un projet de développement de la ville sous la forme d’une main aux doigts écartés. En effet, chacun préfigure l'une des cinq grandes artères desservies par les transports, dégageant des espaces verts entre elles. Si le plan de départ partait d’une idée plutôt positive, sa réalisation ne se fit pas sans controverses, les démolitions se multipliant et les nouvelles infrastructures dénaturant quelque peu le cœur ancien. L’architecture de l’époque utilisait beaucoup le béton, notamment dans des structures modulaires de style international manquant singulièrement d’âme. Il fallut attendre les années 1970-1980 pour voir s’amorcer un virage vers un urbanisme plus humain, prôné notamment par l’urbaniste Jan Gehl qui imagina un paysage urbain attrayant laissant la part belle au piéton. C’est lui qui repensa Strøget, l’artère commerçante principale de la ville. Copenhague prit progressivement conscience de la richesse de son patrimoine, industriel notamment, et de la nécessité de le réhabiliter. Nombreuses sont les grandes usines à avoir été transformées en complexes d’habitation, à l’image du Carlsberg Silo ou de la Torpedohallen.

Perspectives contemporaines

Lancé dès les années 1990, le projet du quartier Ørestad éclôt pleinement dans les années 2000, devenant l’un des quartiers les plus dynamiques sur le plan architectural. Jugez plutôt… Là, vous pourrez découvrir le VM Mountain réalisé par la star de l’architecture danoise Bjarke Ingels. Inauguré en 2008, cet étonnant édifice cubique scandé de belles parois vitrées a reçu le prix du Meilleur Complexe Résidentiel au Festival international d’Architecture. L’architecte y a également réalisé le 8 Tallet, appelé Big House, insolite structure en forme de 8 juxtaposant les espaces résidentiels tels des briques de lego dans un ensemble imaginé pour favoriser le partage et la mixité sociale. À Ørestad toujours, ne manquez pas l’université et son Tietgen Residence Hall, structure circulaire en bois, pensée pour développer la créativité et le sens de la communauté.

 

Une fois sorti de ce quartier futuriste, ce sont encore des dizaines de trésors contemporains qui vous attendent. Découvrez le très mystérieux Diamant Noir, aile contemporaine de la Bibliothèque royale du Danemark à la forme cubique entièrement recouverte de dalle de marbre noir et de verre fumé. Perdez-vous dans les allées de l’incroyable Musée juif du Danemark imaginé par Daniel Liebeskind. Construit sur un sol en bois, le musée a été conçu en suivant la graphie du mot « mitzvah » d’où ses plans légèrement inclinés… étonnant ! Vibrez à l’Opéra, magnifique édifice tout en béton armé, verre, acier et marbre, réalisé par l’architecte danois Henning Larsen, dont on admire le toit s’avançant sur la mer et la façade grillagée très futuriste… qui souleva en son temps quelques critiques ! Plongez dans l’histoire du patrimoine danois au Centre d’architecture danoise qui se trouve dans le Blox… mélange de bloc et box, ce nom faisant référence à la silhouette très découpée de l’édifice dont les espaces s’empilent comme des boîtes. La teinte vert-de-gris de ses grandes parois vitrées répond à la couleur des eaux du port, tout comme à celle des toitures cuivrées de la ville d'ailleurs.

C’est cela l’architecture contemporaine à Copenhague : des structures résolument modernes, déroutantes parfois, surprenantes souvent, mais toujours parfaitement intégrées à l’environnement. Parmi d'autres créations à ne surtout pas manquer : la Planète Bleue, plus grand aquarium d’Europe, avec sa silhouette de vague qui semble rouler à l’infini, le musée Arken à la silhouette rappelant celle d’un navire émergeant des flots ou bien encore le Bella Sky Hotel à la façade blanche torsadée et aux deux tours reliées par une fine passerelle. L’architecture contemporaine s’invite même au zoo… le grand Norman Foster y a réalisé la Maison des Éléphants, une superbe structure aérienne et lumineuse. Aujourd’hui, Copenhague se lance un défi de taille : devenir, d'ici à 2025, la première ville au monde neutre en carbone. Elle multiplie ainsi les projets d’espaces verts, de mobilités douces avec des kilomètres de pistes cyclables – dont le désormais légendaire « serpent cyclable » qui sillonne la ville –, d’énergies renouvelables avec les parcs éoliens, d’éclairage urbain optimisé et de mobilier urbain intelligent. Objectif : proximité, durabilité et qualité de vie. Copenhague n’a pas fini de nous surprendre !