La route qui conduit de Lattaquié à Ougarit se fraie un passage entre les riches orangeraies protégées du vent par de hauts murs de cyprès. Là, au milieu des ronces et des herbes, gisent les vestiges d'une civilisation brillante qui connut son âge d'or entre le XVIe et le XIIIe siècle av. J.-C.

Il faudra toute l'attention du visiteur pour discerner remparts, bâtiments administratifs civils et religieux, et recréer, dans la sérénité actuelle du site, l'activité trépidante du grand port commercial et cosmopolite de jadis. La visite, invariablement inscrite au programme des tours organisés, peut toutefois décevoir les non-spécialistes. Il est donc vivement recommandé de prendre un guide.

En 1928, la découverte fortuite d'une tombe sur la côte toute proche du tell de Ras Shamra décide de l'exploration systématique du site. La mission est confiée à Claude Schaeffer par l'Institut de France, puis à Marguerite Yon en 1974. De campagne en campagne, les fouilles se poursuivent jusqu'à nos jours. Chaque année apporte son lot de découvertes. Souvent fondamentales pour la connaissance du Proche-Orient ancien, elles sont diffusées par les revues d'archéologie, les colloques, les universités.

Occupé dès le néolithique par des populations de chasseurs et d'agriculteurs, le site de Ras Shamra se développe régulièrement. D'abord influencée par la Mésopotamie orientale (jusqu'au IVe millénaire), Ras Shamra témoigne de son rattachement à la culture cananéenne au cours du Bronze moyen (IIIe millénaire).

Son climat, la proximité de son établissement portuaire (Minet el-Beida) favorisent son épanouissement au Bronze récent (XVe-XIIIe siècles).

Le commerce international, une agriculture locale bien développée placeront Ougarit au coeur d'un réseau reliant l'Empire hittite au nord, l'Egypte au sud, la Mésopotamie à l'est, Chypre, la Crète et la Grèce sur sa façade méditerranéenne. Ce réseau comprenait d'autres villes d'importance : Sidon, Tyr, Beyrouth et Byblos. Pour faciliter les échanges, un des premiers alphabets de l'humanité a été ici mis au point. La majorité des installations encore visibles aujourd'hui datent de cette période, comprise entre le XIVe et le XIIIe siècle av. J.-C.

Le port d'Ougarit figurait alors parmi les plus grands du monde. L'artisanat de luxe, fortement influencé par l'art des pays en commerce avec Ougarit, était également très développé. Les plus beaux chefs-d'oeuvre de cette civilisation cosmopolite et raffinée sont désormais exposés dans les musées nationaux de Damas, d'Alep et au Louvre : patères en or, ivoires sculptés aux formes égyptisantes, statuettes de Baal... Ces pièces sont contemporaines d'une créativité littéraire, où les textes mythologiques comportent de saisissants parallèles avec la Bible.

Toute l'activité commerciale était commandée par le roi à partir du palais. Le souverain était relayé par ceux que les textes nomment " fils d'Ougarit ", grands propriétaires, et " hommes du roi ", regroupés en corporations, généralement d'artisans.

Le palais contrôlait également les relations avec les autres cités. Minuscule royaume, Ougarit entretenait une correspondance avec les plus grandes dynasties de l'époque dans une grande variété d'idiomes. Comme la plupart des villes du littoral, Ougarit sera détruite brutalement au début du XIIe siècle, probablement par les Peuples de la mer. On a identifié sur les lieux des traces d'un incendie gigantesque. Le site ne sera plus occupé de manière significative au-delà de cette date.

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