Prêtre orthodoxe grec © John Wollwerth - Shutterstock.Com.jpg

Orthodoxie

Cette branche du christianisme est la principale confession de l’île. La quasi-totalité des 690 000 Chypriotes grecs (57 % de la population) appartient à l’Église orthodoxe grecque de Chypre. Il y a aussi la présence des 2 500 Arméniens de Chypre, dont 90 % sont orthodoxes (Église apostolique arménienne). Enfin, l’île compterait environ 200 000 immigrés relevant des Églises orthodoxes de Russie, d’Ukraine, de Grèce, de Roumanie et de Bulgarie.

Église orthodoxe grecque de Chypre. Elle suit les mêmes rites byzantins et utilise la même langue (le grec) que toutes les Églises grecques orthodoxes. Mais son autocéphalie (indépendance) lui a été accordée par le patriarche de Constantinople dès 431, ce qui en fait l’une des plus anciennes Églises chrétiennes. Sa longue histoire remonte à la conversion au christianisme d’une partie des Juifs de Chypre dès le début du Ier siècle. L’île est citée dans la Bible avec la mission d’évangélisation des apôtres Paul et Marc, accompagnés par le premier évêque de Chypre, saint Barnabé, vers l’an 46 ou 47, à Salamine et à Paphos. La tradition locale veut aussi que Lazare de Béthanie, célèbre pour avoir été « ressuscité » par le Christ, ait été enterré à Larnaka. L’Église a ensuite défendu l’héritage byzantin face aux envahisseurs successifs, des Arabes, en 632, aux Britanniques, en 1878. Et c’est presque naturellement que son chef, l’archevêque Makarios III, a été élu premier président de la République de Chypre lors de l’indépendance en 1960. En 1974, l’Église de Chypre a perdu 73 % de son patrimoine avec l’invasion de la partie Nord par la Turquie, mais elle demeure un des principaux propriétaires fonciers de la partie Sud. À ce titre, elle bénéficie de « loyers » versés par l’État sous forme de salaires à une partie du clergé. Et alors que la constitution ne reconnaît aucune religion officielle, l’Église orthodoxe occupe une place toujours très influente au sein de la République de Chypre, notamment dans les relations avec la Turquie et sur les questions de mœurs.

Différences entre orthodoxes et catholiques. L’orthodoxie, c’est la « droite » (orthos) « opinion » (doxa) : la foi la plus respectueuse de la tradition chrétienne, par opposition au catholicisme ou au protestantisme qui ont dévié de la doctrine initiale. Par exemple, les orthodoxes suivent à la lettre les décisions des premiers conciles œcuméniques chrétiens en reconnaissant le mariage des prêtres (le célibat est seulement requis pour les moines et les évêques) et en interdisant les ordres religieux. Ils ont aussi conservé la tradition de l’eucharistie célébrée avec du pain à pâte levée et non avec du pain azyme (sans levure) comme chez les catholiques. Les orthodoxes vouent par ailleurs un culte aux icônes, reconnaissant à celles-ci un caractère sacré : ces images sont considérées comme une manifestation des personnages saints qu’elles représentent, tandis que, pour les catholiques, les fresques, tableaux et vitraux des églises ont uniquement un but illustratif. Toutefois, il n’existe qu’une seule véritable différence théologique entre les deux confessions : le Filioque. Ce terme latin signifie « et le Fils ». Il porte sur la nature de l’Esprit saint. Pour les premiers conciles, l’Esprit saint « procède de Dieu », c’est-à-dire que Dieu occupe la première place, qu’il est « source de divinité ». Avec le Filioque, les catholiques disent, eux, qu’il procède « de Dieu et du Fils », plaçant le Christ à l’égal de Dieu. Ce concept, considéré comme hérétique par les orthodoxes, a été inventé vers l’an 800 par Charlemagne afin d’affirmer son pouvoir face à la première capitale de la chrétienté, Constantinople. C’est de là que vient la rupture entre les Églises d’Orient et d’Occident. Le fossé s’est ensuite progressivement creusé avec l’indépendance du pape de Rome (un patriarche parmi d’autres pour les orthodoxes) en 1054, puis par la capture de territoires byzantins par les croisés, notamment Constantinople en 1204 et Chypre en 1291.

Islam

Chypre est le pays de l’Union européenne où la proportion de musulmans est la plus forte : environ 25 %. C’est aussi le seul à posséder l’un des grands sites sacrés de l’islam. La plupart des quelque 360 000 musulmans de Chypre sont des sunnites, de culture turque et qui résident dans la partie Nord.

Une religion présente à Chypre depuis 632. En 611, près de La Mecque, a lieu la révélation du prophète Mahomet. Et vingt-et-un ans plus tard, ses disciples arabes mènent la première expédition militaire sur Chypre. Quelques traces de sépultures musulmanes de cette période subsistent, notamment à Paphos. L’île est finalement conquise en 649. Cette année-là, lors de la prise de Larnaka, meurt l’un des principaux compagnons de Mahomet, Umm Harâm, la tante (ou nourrice) du prophète. En son honneur, un mausolée est aussitôt érigé près du lac salé de Larnaka. Aujourd’hui intégré au complexe du tekké Hala Sultan, il est considéré comme l’un des grands lieux saints de l’Islam. Toutefois, l’île est alors faiblement islamisée. En effet, à partir de 688, les Byzantins et les Arabes s’entendent pour administrer ensemble Chypre. Cette collaboration inédite entre chrétiens et musulmans dure pendant trois siècles. Mais la plupart des mosquées de cette période disparaissent avec l’arrivée des croisés en 1191. L’islam revient en force après la conquête de Chypre par les Ottomans en 1571. Pour repeupler l’île, des soldats turcs sont incités à rester sur place. Certains catholiques latins ou arméniens, hostiles à la puissante Église grecque orthodoxe, choisissent quant à eux la conversion à l’islam, tandis que des colons turcs d’Anatolie viennent également s’installer sur l’île jusqu’à l’arrivée des Britanniques en 1878. Ces soldats, ces convertis et ces colons constituent les ancêtres des Chypriotes turcs. Après l’invasion turque de 1974, l’île a accueilli de nouvelles populations musulmanes, dont environ 200 000 colons turcs d’Anatolie, de Bulgarie ou des ex-Républiques du sud de l’URSS installés dans la partie Nord. La partie Sud a quant à elle attiré quelques milliers de musulmans venant principalement du Pakistan et de Syrie. Le rapport à la religion est très différent selon les communautés. Par exemple, dans la partie Nord, les Chypriotes turcs supportent assez mal le rigorisme des colons turcs qui les rappellent à l’ordre lorsqu’ils boivent de l’alcool. 

L’influence du soufisme. Officiellement, la vaste majorité des musulmans de Chypre est sunnite. Mais il existe une petite minorité très influente, plus proche du chiisme : les soufis. Le soufisme, c’est la branche ésotérique et mystique de l’islam, réputée pour son esprit de tolérance et pour ses tekkés, lieux de méditation et de discussion où hommes et femmes se côtoient. Son aspect le plus connu est la célèbre transe des derviches tourneurs de la confrérie des mevlevis. D’ailleurs, à Nicosie, il est toujours possible d’assister à cette danse hypnotique classée au patrimoine immatériel de l’Unesco. Mais cela est ici surtout du folklore pour touristes. En fait, le soufisme à Chypre est présent de manière moins visible et beaucoup plus diffuse. Né en Perse, ce courant a profondément influencé l’Empire ottoman jusqu’au XIXe siècle. Son principal mouvement, le bektashisme, était très puissant au sein des janissaires, le corps d’élite de l’armée ottomane. Il s’est ainsi implanté durablement à Chypre avec les premiers soldats turcs arrivés en 1571. Par exemple, ce sont des derviches bektashis qui veillèrent pendant deux siècles sur le mausolée d’Umm Harâm. Perçus comme une menace pour les sultans, les janissaires furent massacrés en 1826 et le bektashisme fut relégué aux marges de l’Empire, en Albanie. Mais d’autres confréries ont pris le relais à Chypre, c’est notamment le cas des Naqshbandi. Ce mouvement plutôt austère a pourtant depuis peu attiré de nouveaux adeptes du monde entier, et cela grâce à un Chypriote, Cheikh Nazim (1922-2014). Originaire de Larnaka, il fut le chef spirituel des Naqshbandi. Par ses messages d’amour et de paix propagés jusque sur YouTube, il a fait de sa résidence de Lefka, près de Morphou, l’un des principaux lieux de pèlerinage de l’île, où convergent encore aujourd’hui des milliers de curieux et convertis aussi bien turcs, arabes qu’américains ou européens. Le souvenir de Cheikh Nazim demeure aussi très présent chez les Chypriotes turcs, car selon la vieille tradition ottomane, il n’existe pas vraiment de frontière entre le sunnisme et le soufisme : on va prier à la mosquée le vendredi, mais on se rend aussi au tekké pour écouter les sages paroles des derviches.

Autres religions

De sa riche et tumultueuse histoire, Chypre a hérité de petites communautés religieuses très diverses : des Arabes catholiques, des bouddhistes britanniques, ou encore des Chypriotes turcs anglicans. 

Catholicisme. Présents surtout au Sud, les catholiques représentent moins de 1 % de la population. Ils sont structurés en quatre communautés principales. Il y a tout d’abord les catholiques de rite oriental, principalement les maronites de Chypre (environ 2 500, dont 10 % dans la partie Nord), une population arabe du Liban arrivée sur l’île à partir du VIe siècle. S’ils reconnaissent l’autorité du pape, ils conservent comme les orthodoxes certaines vieilles traditions telles que le mariage des prêtres. Les Latins de Chypre ne sont qu’environ un millier. Catholiques romains, ils sont les descendants aussi bien de colons français du Moyen Âge que de marchands autrichiens du XIXe siècle. Les catholiques les plus nombreux sont les Philippins (environ 15 000). Eux aussi catholiques romains, ce sont surtout des femmes arrivées dans les années 1980 pour servir d’employées de maison aux riches familles chypriotes. Enfin, la quatrième communauté est celle des expatriés (environ 5 000), parmi lesquels on trouve aussi bien des investisseurs italiens que des Casques bleus argentins.

Protestantisme. Divisée en une multitude d’Églises, cette branche du christianisme regroupe environ 2 % de la population. Elle est surtout présente à travers l’importante communauté britannique (100 000-150 000 personnes) vivant aussi bien sur le Territoire des zones souveraines d’Akrotiri et de Dhekelia que dans la partie Nord, mais surtout dans la partie Sud. Parmi eux, les anglicans constituent le groupe le plus important (entre 15 et 20 %). Il existe aussi environ 500 Chypriotes turcs anglicans dont les ancêtres furent convertis durant la période britannique.  

Bouddhisme. Au nombre d’environ 25 000, les adeptes de cette religion/philosophie sont un peu plus nombreux que les catholiques. Il s’agit pour l’essentiel d’immigrés sri-lankais et indiens arrivés dans la partie Sud depuis les années 1970, auxquels se sont ajoutés des convertis chypriotes et britanniques. Depuis 2005, ils disposent du monastère du Grand Nuage à Nicosie, mais aussi de différents centres à travers toute l’île, comme dans le village des « hippies anglais » de Karmi, dans la partie Nord.

Judaïsme. On compte environ 3 500 juifs, dont la moitié sont des Israéliens installés à Chypre. Ouverte en 2005, l’unique synagogue du pays se trouve à Larnaka. Depuis 2016, avec le soutien des autorités religieuses juives d’Israël, des centres éducatifs juifs ont été créés à Nicosie, Limassol et Agia Napa.

Sikhisme et hindouisme. Originaires du sous-continent indien (Inde, Népal…), ces deux religions sont présentes presque exclusivement dans la partie Sud. Les sikhs de Chypre seraient environ 500. Organisés en communauté avec leur propre clergé, ils disposent de deux gurdwaras (temples et lieux de réunion) à Nicosie et à Larnaka. Souvent confondus avec les bouddhistes, les hindous de Chypre disposent eux aussi d’un temple à Larnaka.