shutterstock_1805414971.jpg
shutterstock_68779612.jpg

Les Sâmes, une minorité menacée

Seul peuple d’Europe à vivre en majorité au nord du cercle polaire, les Sâmes demeurent les représentants les plus occidentaux de la culture du renne, culture qui s’étend sur toute la bordure littorale arctique de l’Eurasie. Ils y cohabitent avec d’autres populations, généralement plus nombreuses, auxquelles ils tendent de plus en plus à s’intégrer. La plupart d’entre eux sont aujourd’hui bilingues. Ils constituent, sans aucun doute, l’une des minorités les plus menacées de toute l’Europe occidentale, risquant de disparaître. Intérieurement divisés par des dialectes assez différents pour interdire l’intercompréhension, de plus en plus minoritaires, ils doivent, en contrepartie des avantages que leur offre la civilisation moderne, s’intégrer chaque jour davantage aux États dont ils sont citoyens. L’abandon d’un mode de vie ancestral parfaitement adapté au milieu naturel est ressenti par certains d’entre eux comme une véritable aliénation. Sur cette question, l'affaire est toujours passionnée et les discussions seront très instructives.

Structure étatique

La Finlande fait office de précurseur, en établissant une délégation sâme à partir de 1973. Le Parlement sera fondé à Inari en 1995 et repose principalement sur deux lois : la Loi sur la pratique du sâme devant les autorités administratives, datant de 1991, et la Loi sur la langue sâme, datant de 2003. La Constitution de 2000 reconnaît également des droits particuliers à la minorité same. Ces écrits visent à protéger et à préserver la langue et la culture sâme. En 2012, Sajos (le Parlement sami) a inauguré un nouveau bâtiment à l’architecture splendide pour accueillir les parlementaires. C'est une grande fierté au sein de la communauté sâme.

En Norvège, depuis 1989, ont lieu les élections sâmes, conjointement avec les élections norvégiennes. Le Parlement (inauguré en 1984 sous le nom de Comité des Droits des Samis) siège à Karasjok. Le Sámediggi est constitué de 39 membres, élus tous les 4 ans, depuis les 7 circonscriptions norvégiennes. Pour pouvoir voter, il faut avoir plus de 18 ans et être enregistré au Parlement. Il faut, bien sûr, être Sâme et parler le sâme (ou avoir quelqu'un de sa famille le parlant). Les citoyens russes sâmes, enregistrés depuis plus de 3 ans, ont accès au registre électoral.

En Suède, le Parlement s'est établi à Kiruna en 1992. Mais contrairement à la Norvège et à la Finlande, le statut des Sâmes n'est pas protégé par la Constitution. Le Parlement reconnaît seulement le peuple sâme comme peuple indigène, et sa question dépend du ministère de l'Agriculture. Le parlement est constitué de 31 membres, élus tous les 5 ans. Pour cette raison la Suède apparaît comme moins volontaire que ses voisins sur la question du respect de cette minorité autochtone.

Enjeux politiques actuels

Il faut reconnaître que les avancées politiques de chaque parlement sâme sont plutôt aléatoires et qu'une union plus imposante ne serait pas de trop pour affirmer une autorité pour l'instant fragile.

En Finlande, si la formation politique sâme semble plutôt efficace, ses acquis politiques sont moindres. Bien sûr, la reconnaissance sans équivoque de la culture et de la langue sâme est un succès, mais la réciproque du côté du droit à la terre et aux ressources n'est pas vraie. La Finlande ne reconnaît pas officiellement les droits des Sâmes à l'élevage de rennes.

Les avancées sociales et politiques semblent venir de Norvège, quand, en 2005, la Loi sur le Finnmark est adoptée, qui reconnaît les coutumes, le droit à la terre, au territoire et aux ressources des Sâmes. Toutefois, peu de mesures concrètes ont été prises par la suite.

En Suède, la formation politique des Sâmes reste presque anecdotique. Aucun programme clair ne sort pour l'instant de cette union. On parle simplement d'un « droit à une culture same vivante », mais aucune ressource naturelle, politique ou sociale n'est mise à la disposition des Sâmes. En 2011 toutefois, la Cour Suprême de Suède reconnaît le droit à trois villages sames d'exploiter les territoires environnants pour faire paître leurs rennes.

La solution pourrait venir du Conseil parlementaire sâme, créé en 2000. Cette instance non gouvernementale, en lien avec le Conseil Arctique, a été créée pour assurer une forme de coopération entre les trois parlements nationaux (la Russie y siège en tant qu'observateur). Son efficacité est encore incertaine, mais cela démontre une volonté de s'unir à plus grande échelle, en dépassant les frontières établies par d'autres. Ainsi, les membres de ce Conseil, issus des différents parlements sâmes, travaillent à l'écriture d'une Convention relative aux peuples sâmes des pays nordiques. Il s'agit de « confirmer et renforcer les droits du peuple sâme afin de lui permettre de préserver et de mettre en valeur sa langue, sa culture, ses moyens de subsistance et son mode de vie en subissant le moins d’ingérences possibles à travers les frontières nationales ».

Principales ressources économiques

Avec l'essor des transports maritimes et l'effort dans l'aménagement hydraulique à la fin du XIXe siècle, la production d'énergie s'est rapidement développée, lançant réellement la production industrielle en Laponie. Deux secteurs principaux assurent les ressources économiques de la région.

Les forêts denses du Nord favorisent l'industrie du bois. On pourra d’ailleurs en savoir plus en visitant le Pilke Science Center à Rovaniemi (Finlande), qui explique toute la transformation du bois. Les mines de fer, principalement dans le nord de la Norvège et de la Suède, connaissent également un essor important. La mise en place de réseaux ferroviaires, tels que la route du fer entre Kiruna et Narvik, favorise les échanges commerciaux entre les pays. À Kiruna (Suède), se trouve la plus grande mine de fer du monde – et elle se visite ! Elle est à l’origine du déplacement intégral de la ville, et elle produit chaque jour la matière nécessaire à la construction de plus de 6 tours Eiffel ! La pêche et la chasse à la baleine sont également un facteur important de l'économie norvégienne. En revanche, la Laponie est victime de l'exode rural. Le climat rude et les territoires désertiques sont des éléments qui poussent les populations à migrer vers les grandes villes. L'économie paysanne souffre, et les agriculteurs vivent principalement de subventions.

Place du tourisme

Le tourisme est aujourd'hui un chapitre important de l'économie locale. En Norvège, l'Express Côtier (Hurtigruten), ce paquebot de croisière qui longe toute la côte, assure un déplacement plutôt facile et extrêmement populaire. Dans le reste de la région, les habitants exploitent de plus en plus la magie de leurs paysages afin d’attirer les touristes. Les excursions guidées en forêt, sur les lacs ou en montagne se multiplient, tout comme l’offre d’activités sportives (ski, randonnées, motoneige) et de loisirs (chiens de traîneau, pêche). La Laponie devient une destination de plus en plus en courue à la période des fêtes de fin d’année pour les voyageurs à la recherche du Père Noël et de féerie ! L'été, le tourisme est également bien présent. Pour découvrir le soleil de minuit d'abord, mais aussi pour profiter d'activités comme le rafting, le kayak, le VTT, etc. De plus en plus d’aventuriers viennent se mesurer à l’immensité de la Laponie en quête de dépaysement et de challenge.

Le réchauffement climatique

Les trois pays sur lesquels s’étire la région ont des positions différentes face à l'Union européenne : la Norvège n'en fait pas partie, contrairement à la Suède et à la Finlande (depuis 1995), et l'euro a cours uniquement en Finlande. C’est tout l’enjeu économique de la Laponie. Un territoire vaste, aux politiques différentes, qui doit se développer avec sa diversité. Tout en conservant sa langue, ses traditions, son mode de vie… L'autre inquiétude du peuple sâme est évidemment le réchauffement climatique qu'il subit de plein fouet. La présidente du Parlement sâme de Finlande, Tiina Sanila-Aikio, en visite diplomatique à Paris en mars 2017, a tenu à alerter l'opinion sur ce sujet dans le journal Le Monde : « Nous subissons de plein fouet les effets du changement climatique : étant donné que l’hiver est plus court et que les conditions climatiques sont plus extrêmes, nous ne pouvons plus nous fier à notre calendrier traditionnel (NDLR : qui compte huit saisons). [...] Si la situation continue d’empirer, les peuples autochtones arctiques, qui vivent en lien avec la nature, seront menacés d’extinction. » La hausse des températures, l’instabilité des saisons et le développement industriel sont une entrave toute particulière aux éleveurs de rennes qui peinent à nourrir leurs bêtes et à les déplacer sur des terres où les cours d’eau gèlent désormais plus tard et où les nombreuses infrastructures viennent empiéter sur les pâtures. Les températures à la hausse provoquent des épisodes pluvieux qui gèlent les sols et empêchent les rennes d’accéder à leur nourriture, habituellement enfouie sous la neige. Perturbés par des neiges trop précoces, ils en viennent aussi parfois à migrer trop tôt, ce qui perturbe totalement leur équilibre. Sans parler de la menace pour la flore exceptionnelle et extrêmement fragile de l’Arctique.

La question des frontières

La Finlande, qui partage une frontière de 1 340 km avec la Russie, se trouve en ligne de mire du risque d'une invasion russe. C'est pourquoi le pays a annoncé l'édification d'une clôture barbelée avec la Russie en 2023. Les travaux ont commencé quelques jours après l'entrée de la Finlande à l'OTAN, le 4 avril 2023. Une première partie de la clôture, de près de 200 km pour un budget de 380 millions d'euros, se trouvera dans le sud-est de la Finlande, a indiqué l'AFP. Mais, sur la dizaine de tronçons prévus, l'un d'entre eux devrait aussi protéger la Laponie finlandaise et norvégienne, au nord.