La Patagonie est une destination idéale pour les amoureux de l'escalade © LL28 - iStockphoto.com .jpg
Cerro Torre © Simone Mondino - iStockphoto.com.jpg
El Chalten et sa lagune © Jam Travels - shutterstock.com.jpg
Le glacier Perito Moreno © Galyna Andrushko - shutterstock.com.jpg
Cerro Huemel © Jan Jerman - Shutterstock.Com copie.jpg
Randonneurs en patagonie © AlexBrylov - iStockphoto.com.jpg

L'andisme, un rêve de démesure

Comme toutes les terres hostiles qui échappent au contrôle des hommes, la Patagonie possède ce supplément d'âme qui attire les randonneurs du monde entier. Cramponnez-vous aux imposants glaciers, résistez au souffle impétueux du vent, serpentez à travers des forêts millénaires et dévalez les pistes en ski ou en raquettes : l'andisme saura défier vos capacités physiques et mentales. Terme spécifique désignant la pratique de l'alpinisme dans la Cordillère des Andes, l'andisme est donc un dérivé de l'alpinisme, une activité reconnue officiellement par le patrimoine mondial de l'UNESCO en 2019. Inscrit en tant que patrimoine culturel immatériel, cet art de vivre et de gravir les sommets en haute montagne, né dans le berceau des Alpes en 1750, met en valeur des savoir-faire, des cultures partagées et l'amour inconditionnel de l'homme pour les paysages. Au-delà de transmettre des valeurs d'humilité et de respect vis-à-vis de la nature, l'andisme se distingue aussi et surtout par des moyens techniques et mentaux où il est nécessaire d'être équipés sur des itinéraires souvent non-balisés. Instants privilégiés, défis personnels, méditations quotidiennes ou encore passion de la première heure : on ne se lance pas à la conquête des montagnes sans en connaître le terrain, toujours changeant, notamment avec le réchauffement climatique. D'ailleurs, la récente inscription de la pratique au patrimoine mondial de l'UNESCO a pour défi de limiter l'impact de l'homme sur la montagne, afin de mieux la protéger. Une pratique noble qui s'adresse à celles et ceux qui adopteront une attitude responsable face à une nature majestueuse mais fragile !

Tutoyer le sommets

Randonner en Patagonie c'est jouir d'une nature exceptionnelle que l'on ne peut contempler nulle part ailleurs. Avec ses glaciers à perte de vue, la région est la troisième réserve d'eau douce et la plus grande calotte glaciaire du monde après l'Antarctique et le Groenland. Le campo Hielo Sur, bondé de crevasses, de tunnels et de crêtes escarpés, est un désert blanc de 49 glaciers. Parmi eux, le glacier Pio XI est le plus vaste de l'hémisphère Sud. Ce mur de glace haut d'une dizaine de mètres s'étale sur presque 1 250 kilomètres carrés, l'équivalent de la ville de New York. C'est le seul glacier qui ne recule pas aujourd'hui avec le Perito Morino, son cousin argentin. Situé entre le Campo de Hielo Sur et la steppe patagonienne, le Parc national Torres del Paine se caractérise en partie par ses glaciers : glacier del Francés, glacier Grey, glacier Dickson... Les glaciers Geike et Tyndall, un peu plus au sud dans le parc Bernardo O’Higgins, sont toutefois beaucoup plus impressionnants. Enfin, dans la région d'Aysén, le glacier Exploradores et la laguna San Rafael offrent un moment d'intimité particulier avec ces géants de glace. Cependant, les arpenter n'est pas une mince affaire, il n’y a aucun sentier : enfilez donc des crampons sous vos chaussures et munissez-vous de bâtons pour vous aider à progresser. Pour vous féliciter, respectez la tradition en buvant un verre de whisky arrosé par quelques glaçons sabrés directement dans le glacier.

De plus, la Patagonie est trouée de cheminées qui sont autant de volcans : pousser la montée d'adrénaline par l'ascension de ces cracheurs de feu est un autre défi à relever. Au nord du Chili, on trouve le plus grand volcan de la planète, Los Ojos de Salado et ses 6 893 mètres d'altitude. En se dirigeant vers le sud, dans la région du Bío Bío et la région des lacs, les volcans sont moins élevés que ceux du nord, mais bien plus vivants : lors du séisme du 1960, pas moins de dix volcans se sont réveillés. Aux portes de la Patagonie, dans le Parc national Conguillío, le volcan Llaima cohabite aux côtés des forêts millénaires d'araucarias. Au sommet, après avoir emprunté les larges couloirs laissés par les coulées de lave, on admire la Laguna Captrén et le lac Conguillío. À une centaine de kilomètres au sud, le Villarica avec son cratère de 200 mètres de diamètre propose une ascension abordable (bien qu'une bonne condition physique soit requise) jusqu'à un point de vue à 360° sur le volcan Lanín en territoire argentin. L'ascension de ce dernier se révèle plus sportive : deux jours de randonnée sur roche et glace afin d'atteindre son sommet de 1 776 mètres. Cette région, aussi verte que sauvage, est réputée pour sa multitude de volcans au caractère explosif : le Chili cumule les records géologiques avec ses 150 volcans actifs ! Le volcan Osorno est certainement le plus emblématique avec sa forme parfaitement conique. Au sud, les volcans sont moins accessibles et soumis à des conditions météorologiques instables. C'est le cas du mont San Valentín (4 058 m, plus haut sommet de Patagonie), au sein du parc national Laguna San Rafael, où il faut compter un bon mois d'ascension à cause du climat depuis la vallée Exploradores. Dans la région de Magallanes, le volcan Lotaro, couvert de glaciers, ne comptabilise qu'une quinzaine d'ascensions réussies depuis sa découverte il y a 50 ans. Toutefois, la découverte de ces forces de la nature ne se résume pas qu’au trekking et à l'exploit sportif : des randonnées plus accessibles et tout aussi spectaculaires sont à découvrir dans la région des lacs, côté argentin avec la vallée paisible d’El Bolsón et le Parc national Nahuel Huapi ou côté chilien avec le parc Vicente Perez Rosales. Le Parc national Los Alerces, la réserve de Huilo-Huilo, le Parc national Tierra Del Fuego, par exemple, offrent de nombreuses possibilités de s’échapper de la routine quotidienne.

El Chaltén : trek en terres sauvages

Situé en Patagonie argentine, El Chaltén a été baptisé « la montagne qui fume » par les Tehuelche en raison des nuages permanents qui cachent la silhouette de l’emblématique mont Fitz Roy, l'un des plus difficiles à escalader au monde. Surplombant une lagune au bleu azur, ses aiguilles abruptes surgissent telles des flèches sur la terre couverte de glace. Pour admirer ce joyau de la nature, il ne vous faudra pas moins de 8h de randonnée à travers des sentiers aux panoramas à couper le souffle. Mecque du trekking, El Chaltén se situe dans le Parc national de Los Glaciares dont la principale porte d’entrée se situe à El Calafate, à 200 kilomètres au sud. C’est notamment là-bas que vous pourrez aller admirer le Perito Moreno, un monstrueux glacier facile à observer depuis les plateformes spécialement aménagées. Mais votre faim d’exploration risque de ne pas être assouvie en parcourant ses sentiers tous tracés : avec son charme énigmatique, El Chaltén propose de multiples randonnées à travers une nature intacte en toile de fond. Les chasseurs de montagnes seront comblés : chaque randonnée révèle des paysages aux courbes incroyablement photogéniques et des vues aux beautés primitives entre forêts, montagnes, lacs et glaciers.

Afin de vous aiguiller dans vos périples, voici un petit point sur les différentes options à envisager : pour commencer, ne manquez surtout pas la mythique randonnée Laguna de Los Tres et Fitz Roy. Sur près de 10 km c’est LA balade incontournable qui vous offrira, lors d’une ascension plutôt sportive, l’une des vues les plus mémorables de la Patagonie. Revigoré par un vent froid souvent au rendez-vous, partez tôt le matin pour profiter des chemins baignés de lumière et du ciel dégagé : on en admire qu’encore plus le sommet des pics dégarni. Le deuxième jour, partez pour la Laguna Torre. Comptez 3 heures d’ascension plutôt tranquille le long de la rivière et poursuivez jusqu’au Mirador Maestri, un point de vue unique surplombant le glacier Grande. D’autres marches plus reposantes (comptez moins de 2 heures) sont aussi faisables à la demi-journée comme celle de Laguna Capri et sa petite plage qui offre un point de vue différent sur le mont Fitz Roy, ou celle du Mirador de Los Condores, une marche de 45 minutes qui vous mènera, comme son nom l’indique, vers un point stratégique pour observer cet oiseau majestueux des Andes, jouant avec les rafales du vent. Enfin, les plus téméraires profiteront d’une immersion prolongée dans le parc en plantant leurs tentes au campement Poincenot, un camping gratuit où l’on peut profiter des eaux fraîches de la rivière située juste à côté : l’eau vient directement des glaciers, nul besoin de filtrer ! Enfin pour celles et ceux qui souhaitent se hisser au plus près des nuages, partez à flanc de montagne sur la Loma del Pliegue Tumbado. 12 km de sentier pour 4h de marche dans des conditions pas toujours favorables : tout là-haut, le froid et le vent ne seront pas cléments, mais c’est le seul endroit du parc où vous pourrez admirer le Cerro Torre et le Fitz Roy en même temps ! Un dernier pour la route ? Le glacier Huemul, accessible par l’Estancia del Lago, dont l’ascension se fait uniquement en 40 minutes. Un peu en retrait de la majorité des sentiers, c’est un des plus beaux glaciers de la région avec sa laguna, d'un bleu turquoise absolument unique. La balade se révèle pour le moins féerique à travers une forêt qui l'est tout autant. Suivez les marquages jaunes tout le long, et continuez après le panneau indiquant que l'accès au glacier est interdit, après quelques mètres de montée vous arriverez à la laguna. Malgré toutes ses indications descriptives, il est particulièrement difficile de donner une fidèle représentation de la réalité de ce bout du monde. Reste donc à le découvrir, l’arpenter et s’imprégner de toutes ces belles images.

La Ruta de los parques

En Patagonie, il faut tout de même le dire, c’est au Chili que les alpinistes testent le plus leurs aptitudes et mettent leur résistance à l’épreuve. Les explorateurs modernes en quête de challenge seront comblés, carte en main, par cet itinéraire de tous les possibles situés au Chili : la Ruta de los Parques est ce parcours de plus de 115 000 km² qui traverse 90 % d’espaces protégés. Livrés aux instincts sauvages d’une nature indomptée, les randonneurs courageux peuvent, depuis décembre 2018, se lancer sur les 2 800 kilomètres qui séparent Puerto Montt du Cabo de Hornos (Cap Horn). Du Parc national Alerce Andino, à l’est de Puerto Montt, à Torres del Paine en passant par les parcs Corcovado, Laguna San Rafael, Melimoyu ou encore Bernardo O’Higgins, on retrouve pas mal de parcs nationaux créés par la fondation Tompkins Conservation. Et ceci est loin d’être un hasard ! Depuis les années 1990, Douglas Tompkins, aujourd’hui décédé, et sa femme Kristine ont œuvré ensemble pour la préservation de la Patagonie chilienne. Après des années d’efforts et de persévérance, ils ont inauguré la Ruta de los Parques en septembre 2018.

Partir dans les bonnes conditions

Partir en trekking ne s’improvise pas, surtout lorsqu'il s'agit de partir sur plusieurs jours. Tout d’abord méfiez-vous de la météo imprévisible et prévoyez toujours un équipement adéquat : chaussures de marche imperméables, paires de chaussettes, vêtements intérieurs, synthétiques (pas de coton ni de jeans), coupe-vent, chapeau, lunettes de soleil (couche d’ozone très fine dans la région), duvet, tente imperméable, bâton de marche, nourriture (certains postes d’approvisionnement dans le parc sont assez chers), cuisinette à gaz, lampe frontale, trousse à pharmacie (crème solaire, aspirine, anti-inflammatoire, pansements, désinfectant, bandeaux, thermomètre, ciseaux, couteau suisse…). La préparation et l'anticipation la plus importante est sans aucun doute la planification du circuit O et W au sein du Parc Torres Del Paine !  Depuis le 15 octobre 2016, il est obligatoire d’avoir des réservations à l’avance pour tous les campings : il est très fortement déconseillé de s’aventurer sur ces circuits sans avoir préalablement réservé vos hébergements. Enfin au-delà de la météo il faut aussi penser à l’altitude : dans les Andes, les sommets sont souvent plus élevés que le mont Blanc. Il est donc recommandé d’observer les temps d’acclimatation à l’altitude. Ne forcez pas, prenez toutes les précautions d’usage et n’hésitez pas à rebrousser chemin si vous êtes à bout de souffle. Concernant l’équipement, la Patagonie chilienne possède de très bonnes agences et boutiques, notamment à Pucón, à Malalcahuello, à Puerto Natales et Puerto Varas. Si vous choisissez de faire confiance à un opérateur touristique, vérifiez bien le matériel à disposition ainsi que les connaissances du guide. Afin de mieux vous orienter, procurez-vous les cartes de l’IGM (l’Institut géographique militaire), basées sur une échelle de 1/25 000. Il est recommandé en outre de respecter l’itinéraire obligatoire indiqué à l’entrée du parc et de se munir d’un GPS ou d’une boussole. Enfin, évidemment, plus vous vous enfoncez, plus les risques sont nombreux et les secours moins présents et réactifs. Les secouristes de haute montagne, dont le dévouement est souvent exemplaire, ne sont pas équipés comme leurs collègues français. Le sauvetage à dos de mule est plus fréquent que l’intervention par hélicoptère.