Portrait de Marie Fargues, par Jean-Etienne Liotard © Bequest of Mrs. Charles Wrightsman, 2019, The MET .jpg
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Du paléolithique à l’an mil

La Genève romaine a légué de précieux fragments de fresques. Le musée d’Art et d’Histoire a récemment accueilli des vestiges du site de Salève. Il abrite une riche collection d’objets préhistoriques régionaux mais aussi d’antiquités venues d’Égypte, de Nubie et du Proche-Orient qui attestent de l’intérêt que les Genevois portent à la culture depuis longtemps. Pour admirer une splendide mosaïque du Ve siècle, il faut se rendre sous le monument le plus visité de la ville, la cathédrale Saint-Pierre.

Suite aux destructions des Alamans au IIIe siècle, Genève est le théâtre d’un renouveau architectural inédit. Puis l’époque romane est marquée par un essor des paroisses rurales.

Art gothique

La sculpture gothique subit l'influence de l'Île-de-France. En peinture, une tendance naturaliste se mêle aux sujets religieux omniprésents depuis des siècles. Le peintre Konrad Witz (1400-1447) compose une œuvre originale qui fascine par ses jeux de perspective et le mélange d’influences qui font de lui un artiste de la pré-Renaissance. Genève conserve de Witz La Pêche miraculeuse, un volet du retable de saint Pierre. Les jalons de la Renaissance sont posés : les fresques cèdent le pas aux paysages et aux personnages peints sur bois.

Les chantiers de construction font appel aux artistes de la Renaissance pour façonner les statues des fontaines urbaines. Le milieu du XVIe siècle voit se dresser bon nombre de fontaines dont la thématique est dictée par les classes aisées de la population : bravoure et justice sont mises à l’honneur.

Réforme et contre-Réforme

Au XVIe siècle, Jean Calvin veut faire de Genève un modèle quant à sa manière de vivre le christianisme. L'iconoclasme sévit dans les villes réformées de Zurich, Berne, Bâle et Genève. Toutes les images, jugées néfastes, sont prohibées. Les églises sont vidées de leurs sculptures et les œuvres d'art sont détruites. Les artistes se tournent vers les commandes de particuliers et exécutent pour eux vitraux et portraits. Le musée international de la Réforme relate cette période à travers ses objets, ses gravures et ses portraits de réformateurs.

Au siècle suivant, la contre-Réforme relance les commandes, surtout pour les sculpteurs baroques. Hans-Ulrich Räber affiche un style populaire dans les onze statues de sa Mise au tombeau de Blatten (1645). Simon Bachmann de Muri participe à l’introduction du style baroque italo-flamand.

De la Révolution à Liotard

À la faveur de la révolution de 1798, les sculpteurs s'affranchissent du système corporatif. L’autonomie engendre un sentiment d’appartenance national. Les sculpteurs exilés rentrent au pays et font carrière dans les villes réformées. Faute de disposer d’une école des beaux-arts ou de mécènes, les peintres suisses partent se former et travailler à l'étranger. Le Genevois Jacques-Laurent Agasse devient peintre animalier en Angleterre et Johann Heinrich Füssli (1741-1825) se spécialise dans les sujets fantastiques. Le talent de portraitiste et de miniaturiste de Jean-Étienne Liotard (1702-1789) est acclamé dans les cours européennes. Mais ce grand voyageur, célèbre en son temps, peint aussi les plus modestes, et s’aventure jusqu'au Proche-Orient. De son œuvre variée, retenons son Liotard riant, un autoportrait exposé au MAH.

L’art du paysage

Le tourisme se développe très tôt dans les Alpes, et la beauté des montagnes devient rapidement un sujet en vogue. Caspar Wolf et le Genevois François Diday peignent tous les aspects des paysages d’altitude avec réalisme. Dès son invention, la photographie suscite l’intérêt des Suisses. Les vues panoramiques des Alpes deviennent rapidement des motifs photographiques récurrents.

Johann Heinrich Wüest fonde en 1769 la Société zurichoise des beaux-arts. Alors que la Suisse devient un État fédéral, les artistes locaux sont perçus comme peu affirmés dans le contexte européen. Des sociétés artistiques se constituent pour promouvoir les artistes helvètes. Des tournus, ou manifestations artistiques itinérantes, se déroulent à partir de 1840.

Un art patriotique s’affirme au cours du XIXe siècle. Les commandes de monuments patriotiques, initiées par des particuliers, font travailler sculpteurs et fresquistes. Cet art atteint son zénith avec les peintures que Ferdinand Hodler réalise pour le Musée national suisse. Suite à la nouvelle Constitution de 1848, chaque canton érige son monument identitaire à l’effigie de réformateurs, de savants ou de guerriers. Karl Alfred Lanz réalise à Genève la statue équestre du général Guillaume-Henri Dufour.

Toepffer et Hodler

L’école genevoise trouve sa figure de proue en Wolfgang Adam Toepffer (1766-1847), peintre de genre et caricaturiste formé à Paris. Barthélemy Menn devient en 1850 directeur de la future École des beaux-arts de Genève où il enseigne pendant quarante-deux ans. Élève de Menn, Ferdinand Hodler (1853-1918) s'établit à Genève en 1872. Figure majeure du symbolisme, il est considéré par nos voisins comme l’un des pères de l’art moderne. Son réalisme cru déconcerte ses contemporains. Ses tableaux les plus connus mettent en scène des artisans et introduisent le symbolisme dans des détails minutieux et une lumière étudiée.

Hans Erni

Très populaire en Suisse, l’artiste Hans Erni (1909-2015) choisit de s’établir à Genève qu’il aime « pour sa langue ainsi que son ouverture vers la France et l’étranger en général ». Erni se forme à Paris où il rencontre les cubistes, Mondrian et Kandinsky. Durant sa longue carrière, il s’adonne à la peinture, la sculpture et la gravure. Son style unique se distingue par ses contours soulignés au trait blanc et ses personnages dodus accompagnés d'animaux. Il aime confronter l’Antiquité au monde moderne, la science à la mythologie. À Genève, on peut admirer le bas-relief de céramique qui orne la façade de Manor, ou Placette. L’année de ses cent ans, sa fresque monumentale commandée par la ville sur le thème de la paix pare l’entrée du palais des Nations.

Renouveaux modernes

Dans toute la Suisse, divers courants bouleversent l’art du XXe siècle. Des groupes se forment : l’abstraction concrète engendre le Rot-Blau à Bâle. Le mouvement dada né à Zurich réunit Jean Arp, Sophie Taeuber, Tristan Tzara ou encore Hugo Ball. D’autres se tournent vers l'étranger : Cunot Amiet s’associe à Die Brücke, Le Corbusier établit le purisme à Paris.

Fils d’un peintre impressionniste estimé, Alberto Giacometti (1901-1966) est l’un des plus grands artistes de notre époque. Sa figure filiforme de L’homme qui marche a marqué les esprits mais l’on connaît un peu moins ses estampes et ses portraits fouillés et dénués de décor. Ernst Scheidegger, photographe et galeriste proche de Giacometti, a immortalisé sa vie et son œuvre de 1943 à sa mort.

Dans les années 1970, les explorations se poursuivent avec le Body Art, le Land Art, les installations ou encore l’Art Vidéo. À la pointe de la promotion de l’art actuel, le MAMCO fait la part belle à la scène genevoise depuis 1960. Installé dans le même bâtiment, qu’il partage également avec le Centre de la photographie, le Centre d’art contemporain promeut la scène émergente locale et internationale.

La photographie s’établit en tant qu’art avec l’ouverture des premières galeries dans les années 1980. Avant cela, dans les années 1950, on voit se dessiner un premier style suisse, caractérisé par la netteté et la neutralité des images. La photographie objective est représentée par Hans Finsler, Werner Bischof ou René Burri et s’oppose à une photographie expérimentale venue d’Allemagne. Assez tardivement, les photographes suisses expérimentent l’abstraction, le clair-obscur, le surréalisme. Saluons le travail de Robert Frank, Henriette Grindat et Kurt Blum. Désormais, l’Audacieuse Galerie propose des accrochages originaux destinés à rendre compte de la diversité des langages picturaux dans la photographie contemporaine.

De nos jours

Genève offre un vaste choix de galeries d’art. Air Project expose toutes les formes de la création contemporaine, sans hiérarchie, et souhaite révéler de jeunes talents. Depuis 2011, l'espace L s’affirme comme un lieu de référence de l’art contemporain et organise des rendez-vous culturels exigeants.

L’espace RUINE, dédié à l’art contemporain, a ouvert en 1987 sous le slogan de « No Profil, No Profit ». Les artistes sélectionnés sur dossier gèrent leur propre exposition temporaire.

La galerie hors norme Analix Forever privilégie les collaborations et les projets d’envergure internationale et valorise la jeune création. Le collectif andata.ritorno se présente comme un laboratoire d'art contemporain qui défend les singularités artistiques dans la plus grande liberté possible. Au cœur de la vieille ville, la galerie Artvera’s présente depuis douze ans des expositions de qualité dédiées aux plus grands peintres modernes.

La Galerie Bel Air Fine Art expose les œuvres de Banksy, BYC, Pimax et M. Chat. Le célèbre félin jaune de l’artiste franco-suisse affiche son grand sourire dans les rues de Genève car la ville, bien que proprette, est ouverte à toutes les formes d’expression, sans dénigrer les graffitis. Une grande variété de styles trouve sa place sur les murs de la cité. Pour preuve, le Summer Street Art Festival de Genève accueille en septembre la scène urbaine locale et internationale. Les amateurs ont le choix entre plusieurs quartiers d’exploration, à commencer par celui des Grottes, derrière la gare Cornavin. La traque au street art se poursuit à l’ouest, dans Jonction, sur les berges du Rhône et autour de la Pointe. Des talents tels que Jazi, Eazyone ou le collectif EDK Crew trouvent ici des supports inspirants. Les graffeurs genevois ont laissé exploser les couleurs sur les murs d’un ancien restaurant de l’avenue de Champel, dont une fresque de Frankenstein qui se repère de loin. À Carouge, les murs extérieurs et intérieurs des halles de la Fonderie sont couverts de fresques. Au fil de vos excursions, ne manquez pas les pépites qui embellissent les ponts genevois.