Ancien amphithéâtre romain, Fiesole © Cherkashin Denis - Shutterstock.com.jpg
Intérieur de la basilique Santa Croce © Isogood_patrick - Shutterstock.com.jpg
PALAZZO VECCHIO (c) Anna Pakutina - Shutterstock.com.jpg
Piazza dell'Anfiteatro, Lucques © travelism - Shutterstock.com.jpg
04_Marché San Lorenzo, Florence © JJFarq - Shutterstock.com.jpg

Héritages antiques

Ingénieux et raffinés, les Étrusques ont largement influencé les Romains par leur emploi d’éléments architecturaux tels que la voûte et la colonne, et leur maîtrise des arts décoratifs comme la peinture murale et l’orfèvrerie. Grands bâtisseurs, les Étrusques maîtrisaient parfaitement les questions d’urbanisme, et les Romains ont souvent installé leurs cités sur le maillage des cités étrusques préexistantes. Majoritairement en bois, peu de constructions étrusques sont encore visibles aujourd’hui. Dans le sud-est de la Toscane, ainsi qu’à Roselle, dans la Maremme, il est malgré tout possible d’observer çà et là des restes de fortifications et de murs d’enceinte. En revanche, les Romains les ayant conservés et protégés, on peut encore admirer de majestueux sites funéraires étrusques à Volterra et à Vétulonia, qui comptaient parmi les cités étrusques les plus puissantes.

De l’Antiquité romaine subsistent les ruines de deux amphithéâtres à Fiesole et Arezzo, tandis qu’à Volterra demeurent les ruines d’un théâtre ainsi que de thermes. Mais l’héritage romain le plus évident concerne l’urbanisme. Le plan en damier mis en place par les Romains est encore visible à Florence par exemple. De même, bon nombre de places médiévales se sont en fait construites en lieu et place des anciens forums romains dont on peut voir des vestiges comme sur la piazza del Mercato à Lucques qui a conservé des blocs de pierre de son amphithéâtre romain.

Richesses romanes

À partir du XIe siècle, trois grandes cités toscanes émergent : Florence, Sienne et Pise. Chacune d’elles va développer son propre langage architectural avec un nouveau vocabulaire formel et décoratif. L’école pisano-lucquoise développe un style très décoratif. Les plus beaux exemples de ce style sont les quatre édifices religieux de la piazza dei Miracoli à Pise, ou bien encore le Duomo di San Zeno à Pistoia. Polychromie des marbres et des mosaïques, utilisation de formes géométriques tel le losange, façades étagées de galeries à colonnades superposées et portiques à arcades comptent parmi les éléments caractéristiques de cette école. L’école florentine, elle, se caractérise par une pureté des lignes et des volumes, très largement inspirée de l’idéal classique. Ce style reprend de nombreux éléments antiques : colonnes, chapiteaux, et surtout modèle basilical. Le roman florentin se reconnaît également à l’importance donnée à l’ornementation murale qui passe par un savant jeu de polychromie associant les marbres blanc et vert et la serpentine. Ce type de décor est directement hérité de la tradition romano-byzantine des mosaïques. On retrouve tous ces éléments dans l’église basilicale San Miniato al Monte et sur le Baptistère, tous deux à Florence, ou bien encore au monastère de Badia Fiesolana à Fiesole. L’école siennoise a été largement influencée par les styles étrangers, notamment bourguignon et lombard, introduits en Toscane par les ordres religieux. Des monastères bénédictins, l’école siennoise a conservé la sobriété du décor. Autre caractéristique, la présence d’une crypte et d’un plan en croix latine. L’abbaye de Sant’Antimo, non loin de Montalcino, est un superbe exemple de ce style et mêle avec légèreté lignes harmonieuses et délicats effets de couleurs. Malgré un langage architectural différent, ces trois écoles ont tracé les contours d’un art roman toscan où équilibre, sobriété, pureté des structures, polychromie du décor – tous hérités des traditions antiques et paléochrétiennes – préfigurent l’idéal de la Renaissance. Voilà pourquoi certains ont appelé ce style proto-Renaissance.

Effervescence gothique

La puissance de l’héritage antique et paléochrétien est telle en Toscane que le gothique n’y fait son apparition qu’au XIIIe siècle. Ce sont les ordres dominicain et franciscain qui vont largement le répandre dans la région en édifiant des lieux de prière vastes et lumineux. Il est intéressant de constater que le gothique toscan ne recherche pas la verticalité à tout prix, mais utilise l’amplitude des volumes pour mettre en valeur un décor extrêmement travaillé. Sobriété, puissance et largeur l’emportent sur la hauteur. À Sienne, Giovanni Pisano transforme la cathédrale romane en lui ajoutant une façade gothique richement décorée de portails à pignons, tours, sculptures et autres marbres polychromes. À Florence, Santa Maria Novella connaît la même transformation, tandis que Santa Croce devient le plus vaste édifice gothique de la ville. Autre superbe exemple de gothique florentin, le Campanile dessiné par Giotto, qui impressionne par sa décoration géométrique et polychrome. En 1296, la ville de Florence confie la réalisation du dôme de Santa Maria del Fiore à Arnolfo di Cambio, l’un des premiers grands maîtres de l’architecture florentine. Et c’est à lui que l’on doit l’un des plus beaux exemples de gothique civil : le Palazzo Vecchio à Florence, dont l’aspect quelque peu austère en apparence est compensé par une décoration tout en équilibre et en finesse, notamment avec sa façade dotée de baies géminées. Cette apparition du gothique civil coïncide avec une transformation majeure de la société toscane. Jusque-là, les communes régnaient en maître et impressionnaient par la puissance de leurs murailles, forteresses et autres maisons-tours, comme à San Gimignano qui a conservé 15 des 72 tours de son mur d’enceinte, ce qui lui vaut d’être appelée aujourd’hui encore « la cité des belles tours ». Mais au XIIIe siècle, les villes se transforment en cités-États où le pouvoir politique rivalise avec le pouvoir religieux. Se dressent alors palais communaux et palais des podestats (premier magistrat de la ville). Ce nouveau pouvoir doit dominer la ville et l’architecture doit contribuer à asseoir cette puissance, comme à Sienne avec le Palazzo Communale et sa belle Torre del Mangia à l’élégant décor gothique.

La Renaissance toscane

La fin de l’ère médiévale coïncide avec une période d’épanouissement économique et culturel sans précédent dans la région. Généreux mécènes, les Médicis ont contribué à faire de Florence un grand centre des arts et le berceau des plus grands maîtres de l’architecture. Pour mieux comprendre ce que représente ce Rinascimento, ou Renaissance, il faut se pencher sur les théories de Brunelleschi et Leon Battista Alberti. Le premier bouleverse la pratique même de l’architecture en concevant désormais ses créations sur plan. Jusque-là, tout se faisait de manière quelque peu empirique, au fur et à mesure de la construction. Désormais, avec Brunelleschi, tout est conçu à l’avance et surtout entièrement géré par l’architecte, reléguant ainsi les différentes maîtrises au rang d’exécutants, ce qui ne se fit pas sans quelques protestations. Brunelleschi invente également un nouveau langage architectural qui trouve ses racines dans l’esthétique classique antique. La maîtrise de la perspective permet de contrôler les dimensions de chaque édifice et de s’assurer de leurs proportions afin d’obtenir un ensemble harmonieux. Mathématique et géométrie sont essentielles pour atteindre cette perfection. Cet idéal de beauté doit également redonner sa place à l’Homme, mesure de toute chose, et lui permettre de vivre et ressentir l’architecture. Une vision humaniste qui s’illustre dans l’emploi du plan centré. Le portique de l’Hôpital des Innocents est la première mise en pratique de ce nouveau langage. On peut admirer le rythme régulier de ses arcades en plein cintre retombant sur des colonnes corinthiennes et de ses entablements classiques portés par des pilastres. On doit également à Brunelleschi la Sagrestia Vecchia della Basilica di San Lorenzo ou bien encore la Chapelle des Pazzi. Mais son œuvre majeure reste bien sûr le Duomo di Santa Maria del Fiore à Florence. Coupole géante de 42 m de diamètre et 100 m de haut, ce duomo est une prouesse technique sans précédent. Une double coque avec un appareil de briques en arêtes de poisson et anneaux concentriques a permis à la structure de s’auto-porter au fur et à mesure de son élévation. Mêlant éléments antiques (pilastres, chapiteaux, corniches) et gothiques (arcs-boutants), ce dôme est un chef-d’œuvre architectural. Alberti, lui, rédige le premier grand traité d’architecture, le De re ædificatoria. Pour lui, l’architecture est éminemment politique et permet à l’humaniste qu’il est de mettre en pratique ses théories tout en agissant pour le bien de la communauté. L’architecte devient ainsi un conservateur autant qu’un créateur de culture. Cherchant à rompre avec le gothique qu’il juge de mauvais goût, Alberti développe des critères qui doivent permettre d’atteindre justesse, rythme et proportion. Ces trois critères sont la solidité, l’utilité et la beauté. Alberti a été très actif auprès de la famille Rucellai, dont il a réalisé le palais. Pour la façade, il a introduit des colonnes et pilastres entre les fenêtres afin d’en créer une lecture plus claire. À la demande de la famille, il crée également les plans de la façade de l’église Santa Maria Novella, qui sera réalisée par Bernardo Rossellino. On peut admirer le rez-de-chaussée composé d’un arc de triomphe romain avec 4 colonnes de marbre vert doublées aux extrémités de supports polychromes et le dernier étage avec son fronton rappelant les temples antiques. Parmi les autres architectes phares de la Renaissance, citons Vasari, à qui l’on doit notamment l’étonnant corridor reliant entre eux le Palazzo Vecchio, le Palazzo Pitti et les Offices, et Michelozzo, maître de la Renaissance civile, à l’origine du modèle de palais Renaissance : le Palazzo Medici-Riccardi, commandé par Côme de Médicis pour asseoir la puissance familiale. Immense et de forme simple, ce palais possède une façade étonnante où le soubassement à bossage donne une impression de solidité, tandis que les étages en pierres lisses donnent une impression de légèreté. L’équilibre dans ce savant jeu des contrastes donne toute sa beauté à l’édifice.

Villa et Piazza

La Renaissance voit se développer un nouveau genre d’habitation : la villa, pendant du palais urbain à la campagne. Michelozzo, sur demande de Côme l’Ancien, transforme d’anciennes forteresses médiévales en villas Renaissance, comme à Caffaggiolo et à Careggi. Mais c’est à l’architecte Giuliano da Sangallo que l’on doit la première véritable villa médicéenne : Poggio a Caiano. Construite en 1480, cette villa reprend le plan carré cher à Brunelleschi. Indissociable de ces villas, le jardin devient un élément architectural à part entière. On y applique les théories de la Renaissance en agençant les éléments naturels de façon géométrique, en harmonie avec l’architecture de la villa.

Les théories de la Renaissance soulignent également l’importance de la place au sein de la cité. Depuis l’Antiquité, elle joue un rôle essentiel dans la vie communautaire, mais à la Renaissance elle devient également le lieu de théâtralisation du pouvoir. Si l’on reprend le schéma des amphithéâtres antiques sur lequel elles se sont construites, les places occupent les gradins, tandis que les palais communaux occupent la scène… : tous les regards sont donc tournés vers eux. Facteur d’unité, ces piazze rappellent l’appartenance de tous à la cité. Parmi les plus belles places, notons la piazza del Campo à Sienne (grâce à laquelle la ville comptait rivaliser avec Florence), la piazza dei Miracoli à Pise (avec sa célèbre tour penchée), ou bien encore la piazza del Duomo, le cœur religieux de Florence. On peut également admirer de très jolies places à Lucques où la piazza dell’Anfiteatro étonne par sa forme ovale, à Livourne dont la piazza Grande est la plus vaste de Toscane, à Greve in Chianti avec sa triangulaire piazza Matteotti, ou bien encore dans le village de Bagno Vignoni dont la piazza delle Sorgenti est le seul exemple de place comportant un bassin public en son centre.

Maniérisme et baroque

À la fin du Quattrocento, Michel-Ange préfigure le maniérisme avec des réalisations jouant sur les contrastes. On lui doit la chapelle funéraire des Médicis qui impressionne par sa monumentalité  et les plans de la Biblioteca Laurenziana. Tour de force architectural, la bibliothèque possède quelques étonnants éléments comme son escalier à trois volées ou bien son vestibule dont les colonnes semblent ne rien soutenir, créant ainsi un trouble dans la lecture spatiale et une certaine forme de théâtralisation.

Rompant de manière plus ferme avec les idéaux humanistes du Quattrocento, les maniéristes du XVIe siècle imaginent une architecture qui se libère du carcan de la mesure, de l’ordre et de la règle. Les deux grands architectes maniéristes sont Ammannati, à qui l’on doit le Palais Pitti, nouvelle demeure des Médicis à Florence, et Bernardo Buontalenti qui va contribuer à la transformation du Jardin Boboli qu’il dote d’une grotte où se mêlent décor de rocaille, peintures mythologiques et statues antiques. Une rupture très nette avec la sobriété du siècle précédent.

Au XVIIe siècle, Florence connaît un certain déclin. Le baroque s’y développe peu et on parle d’ailleurs de maniérisme tardif plutôt que de baroque, du fait de la persistance d’un style classique. Parmi les édifices baroques marquants, on peut admirer la cathédrale de Pescia et la basilique Santa Maria del Carmine à Florence.

Éclectisme et modernité

En 1865, Giuseppe Poggi propose un nouveau plan d’urbanisme pour Florence, créant des viali (boulevards) sur les anciennes murailles et aménageant le piazzale Michelangelo. Entre 1870 et 1874, l’architecte Giuseppe Mengoni crée le Mercato Centrale de San Lorenzo, structure toute de verre et de fer, inspirée des Halles parisiennes. Dans les années 1890, l’ancien cœur antique de la ville est détruit pour permettre l’aménagement de la piazza della Repubblica. Capitale de l’Italie unifiée pendant près de cinq ans, Florence veut faire de ce renouveau urbain le symbole de l’unité retrouvée.

Au début du XXe siècle, la Toscane se pare d’édifices Art nouveau, appelé ici Liberty ou Floreale, comme dans les villages de Montecatini et Viareggio. Le grand architecte de ce style est Giovanni Michelazzi à qui l’on doit la Casa Galleria et le Villino Broggi-Caraceni à Florence, beaux témoins de cet art décoratif aux lignes courbes et aux ornementations végétales.

À partir des années 1930, l’architecture florentine est marquée par le rationalisme. D’un côté, celui de Pier Luigi Nervi, ingénieur et spécialiste du béton armé, à qui l’on doit le stade Artemio-Franchi aux élégants escaliers hélicoïdaux. De l’autre, celui du Gruppo Toscano, dont le chef de file est Giovanni Michelucci, à qui l’on doit l’église San Giovanni Battista, à Campo Bisenzio, étonnante construction possédant des volumes agrégés librement et une toiture en béton armé indépendante. Cette église, tout comme la gare de Santa Maria Novella, traduisent un rationalisme organique influencé par un certain expressionnisme qui prône une intégration harmonieuse et naturelle dans le tissu urbain.

Depuis les années 1970, la Toscane n’a plus connu de véritable effervescence architecturale, laissant le visiteur tout à son admiration des chefs-d’œuvre du passé… mais gare au syndrome de Stendhal et au trop-plein d’émotions suscité par tant de beauté !