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La conquête du pouvoir

Au XVe siècle, Florence s’affirme comme l’une des grandes puissances italiennes. Contrairement au régime seigneurial qui s’implante dans beaucoup de villes, à Florence le gouvernement associe le jeu des institutions communales au contrôle oligarchique exercé par de puissantes familles. Les Médicis seront maîtres de ce système à partir de 1434, lorsque Cosme l’Ancien revient de son exil, tandis que son ennemi, Rinaldo degli Albizzi, est à son tour chassé de Florence.

Les Médicis s’étaient enrichis au cours du XIIIe siècle et étaient devenus à la fin du siècle suivant l’une des plus riches familles florentines. La puissance de leur banque fut l’assise de leur pouvoir politique. Pour concilier le régime républicain et la prééminence de sa maison, Cosme l’Ancien se rend maître des mécanismes électoraux. Mais la véritable originalité de sa politique tient dans le large consentement qu’il parvient à susciter chez les Florentins. Une indéniable réussite qui explique la longévité de ce régime à travers ses successeurs jusqu’aux années 1490. Les Médicis profitent en effet de leur réputation favorable à un gouvernement populaire. Cosme soigne son image en ce sens : il affiche un détachement à tout ce qui peut rendre visible la réalité de son pouvoir. Avec des manières de simple citoyen, il se présente comme le grand marchand et ne semble pas se distinguer de ses compatriotes, sinon par l’ampleur de son mécénat.

À la mort de Cosme l’Ancien en 1464, son fils Pierre le Goutteux, d’une santé précaire, reprend le flambeau, mais ne survit que quelques années, et laisse place à son propre fils, Laurent le Magnifique dès 1469. Le nouveau maître de Florence adopte un comportement princier et se montre plus prompt que ses ancêtres à occuper les charges publiques. Le consensus autour de son régime reste solide grâce à son extraordinaire prestige, lié non seulement à son mécénat (il finance Verrocchio, Botticelli, Lippi ou Michel-Ange), mais aussi à des capacités politiques hors du commun, qui lui donnèrent une réputation d’homme sage et avisé dans toute l’Italie.

Les oppositions à la mainmise des Médicis sur Florence restent toutefois vivaces. Machiavel le note ainsi : « Les Médicis ont couru tous les dix ans le risque de perdre le pouvoir. » Des complots furent parfois très proches en effet de réussir. Lors de la conjuration des Pazzi en 1478, Laurent le Magnifique est blessé et son frère Julien tué au Duomo, la cathédrale de Florence, en pleine messe de Pâques. Paradoxalement, ces troubles renforcent le soutien populaire et le pouvoir des Médicis.

Les Médicis dans la tourmente

Après la mort du Magnifique en 1492, son fils Pierre le Malchanceux se révèle incapable de gouverner et de légitimer son autorité sur la ville. Il est chassé du pouvoir au bout de deux ans lors du passage des armées françaises conduites par Charles VIII, qui traverse l’Italie pour faire valoir ses droits sur le royaume de Naples.

Entre 1494 et 1512, les institutions républicaines sont rénovées. Sous l’influence du prédicateur dominicain Savonarole, un régime théocratique est mis en place. Mais l’oligarchie florentine reprend les choses en main en faisant exécuter, sur la place de la Seigneurie, Savonarole, accusé d’hérésie, dont le radicalisme et le conflit avec le pape avaient placé Florence dans une impasse.

Retour des Médicis, fin de la République

En 1512, les Français sont chassés d’Italie par une coalition, la Sainte Ligue, qui unit Espagnols, Vénitiens, Suisses et Anglais au pape Jules II. La débâcle française entraîne la chute de la république florentine, alliée à la France, et le retour des Médicis. La famille ne triomphe pas seulement à Florence. En 1513, le deuxième fils de Laurent le Magnifique, Jean, est élu pape sous le nom de Léon X. Comme son père, il devient un grand mécène et soutient entre autres Raphaël. Dans toute la péninsule, l’avènement du pape Médicis est considéré comme un renouveau pour l’Église. À Florence, le régime des Médicis reste toutefois fragile. La tutelle est d’abord assurée par le troisième fils du Magnifique, Julien, duc de Nemours, vite déchargé de ce rôle par son frère Léon X. L’ambition des Médicis est alors de se constituer en dynastie. Le pouvoir revient ensuite à un neveu du Magnifique, le cardinal Jules de Médicis, qui monte à son tour sur le trône pontifical en 1523 sous le nom de Clément VII. Mais cette dépendance de Florence à l’égard du pouvoir pontifical mené à Rome ne tarde pas à produire des effets néfastes, puisque cela mine la légitimité des Médicis aux yeux de l’oligarchie florentine. De plus, cela expose Florence au contrecoup de la politique romaine en Italie. En 1527, les Médicis sont à nouveau chassés de Florence. La république florentine se rétablit, mais elle est rapidement fragilisée par des querelles internes et par le rapprochement entre le pape Médicis et l’empereur Charles Quint. En 1529, Florence passe aux mains de la faction populaire et fait le choix de la lutte contre la papauté et l’empire. En 1530, les Médicis reprennent le pouvoir, mais leur problème est de savoir quel régime édifier. La réforme des institutions en 1532 confirme le choix d’un modèle monarchique, critiqué par les partisans de la république. Après avoir obtenu le titre de duc de Florence, Alexandre de Médicis est assassiné en 1537 par son cousin Lorenzino (qui inspirera le Lorenzaccio de Musset). Le Sénat florentin fait appel à un autre Médicis, Cosme Ier, qui, malgré son jeune âge, s’affranchit de la tutelle et impose un pouvoir autoritaire. Le génie de Cosme est de présenter son règne comme le remède aux dérives de la liberté républicaine et aux brutalités du principat d’Alexandre. Un juste milieu politique idéal, dont on comprend la portée dans la Salle des Cinq-Cents du Palazzo Vecchio. Entre-temps, en 1533, Catherine de Médicis, fille de Laurent II, épouse Henri II, roi de France. Un grand succès pour une famille de parvenus !

Seconde dynastie des Médicis, gloire et déchéance

Sous l’impulsion de Cosme, Florence domine toute la Toscane en s’emparant de deux grandes cités rivales, Lucques et Sienne. Cosme obtient en 1569 le titre de grand-duc de Toscane par le pape Pie V. Il s’installe au Palazzo Pitti, fait construire la Galerie des Offices, s’entoure de grands artistes tels Vasari, Cellini ou Giambologna. Son prestige est renforcé par des mariages, dont celui de son fils, François Ier de Médicis, avec Jeanne d’Autriche. De cette union naîtra Marie de Médicis, future reine de France. Le grand-duché de Toscane existera pendant près de trois siècles. Les six successeurs de Cosme auront en commun le mérite de rassembler un fabuleux patrimoine artistique aux Offices et au Palais Pitti.

Jean-Gaston, dernier Médicis grand-duc de Toscane, meurt sans enfants. À l’extinction de la dynastie en 1737, les Lorraine prirent la relève et leur dynastie régna jusqu’en 1859. Florence avait dominé au XVe siècle, mais Rome supplanta la cité florentine au XVIe siècle comme capitale des arts et capitale politique.