Painéis de São Vicente, peinture de Nuno Gonçalves © Wikimedias Commoons.jpg
Street Art, Calcada do Lavra ©  Greta Gabaglio - Shutterstock.com.jpg
Vue de Rua Rodrigues de Faria, LX Factory © Adam Szuly - Shutterstock.com.jpg

Grandes dates des influences flamandes et du baroque portugais

C’est en 1463 que Nuno Gonçalves (1448-1481) est enrôlé comme peintre de la cour d’Alphonse V. Il n’existe quasiment plus de traces de son travail, mais les historiens lui ont attribué le polyptyque de São Vicente da Fora (vers 1469) du maître-autel de la cathédrale de Lisbonne que l’on peut aujourd’hui découvrir au Museu Nacional de Arte Antiga de Lisbonne. Réalisés sur bois, ses six panneaux témoignent de l’influence flamande et italienne, qui perdurera dans l’art portugais du XVe siècle. Il représente 58 personnages de la cour de l’époque ainsi que des gens du peuple vénérant saint Vincent qui tient un livre ouvert à gauche et devant lequel s’agenouillent des soldats à droite. Ce portrait est un témoignage de l’expansion militaire du XVe siècle du Portugal au Maghreb qui a été menée sous le patronage symbolique de ce saint. Une autre caractéristique de la peinture portugaise de cette époque réside dans l’impact qu’a pu avoir la découverte du Brésil sur l’imaginaire des artistes. Dans la célèbre Adoration des Rois mages (1503) de Vasco Fernandes (1475-1542), dit Grão Vascode, Melchior est peint comme un Brésilien.

Après l’indépendance du Portugal vis-à-vis de l’Espagne, une autre date marquante est celle de l’arrivée de Josefa de Óbidos (1630-1684), une des plus célèbres peintres femmes de l’histoire de la peinture baroque au Portugal, fille d’un peintre portugais et d’une mère espagnole. Elle a alors 4 ans. Sa famille ne s’est pas installée à Lisbonne, mais à Óbidos, une petite ville en périphérie de la capitale, d’où elle a tiré son nom d’artiste. Cependant on peut voir quelques-unes de ses œuvres dans différents lieux de Lisbonne, notamment au monastère Santa Maria d’Alcobaça. Figure tutélaire de l’école de peinture d’Óbidos, elle réalise des natures mortes comme des thèmes religieux. Sa Madeleine réconfortée par les anges (1679) a rejoint le giron du Musée du Louvre à Paris en 2016. Un an plus tôt, une rétrospective lui a été consacrée par le Museu Nacional de Arte Antiga de Lisbonne.

Lisbonne s’éclipse de l’histoire de l’art pendant trois siècles

Lisbonne ne compte pas de peintre ni de sculpteur ayant marqué véritablement l’histoire de l’art de Lisbonne et du Portugal pendant trois siècles. La mode du classicisme a vu en réalité la scène lisboète dominée par des artistes étrangers et l’on ne compte pas de chefs-d’œuvre marquant pendant cette longue période de l’histoire de l’art. Ce n’est qu’en 1879 que le retour du peintre naturaliste António da Silva Porto (1850-1893) au Portugal après des études en France redonne ses lettres de noblesse à l’art portugais. Cette nouvelle modernité pourtant ne s’implante pas à Lisbonne, mais à Porto. Un travail approfondi sur ces trois siècles d’art lisboète demeure l’objet d’historiens de l’art spécialisés, un travail qui reste confiné dans les bibliothèques. Le Museu Nacional de Arte Antiga à Lisbonne propose certes de redécouvrir certains artistes totalement oubliés, mais il est vrai qu’ils ne se démarquent pas. Peut-être vous prendrez-vous de passion pour un peintre ou un sculpteur lisboète oublié ? Dans ce cas, laissez-vous porter par votre instinct au gré de votre visite.

De grandes artistes contemporaines lisboètes

À partir du XXe siècle, la chronologie s’accélère avec de grands noms de l’art lisboète, et plus particulièrement des artistes femmes. Une grande artiste franco-portugaise mondialement connue est née à Lisbonne en 1908, c’est Maria Helena Vieira da Silva. Elle s’installe vers 20 ans à Paris pour faire ses études et se marie avec un autre peintre, Árpád Szenes, d’origine hongroise. Naturalisée française en 1956 après avoir passé la Seconde Guerre mondiale au Brésil, elle fait partie de l’École de Paris. Cheffe de file du mouvement du paysagisme abstrait, avec ses perspectives fuyantes et ses compositions arachnéennes, elle a illustré des ouvrages de René Char et de Léopold Sédar Senghor. Elle décède en 1992, deux ans avant l’inauguration de la Fondation Árpád Szenes-Vieira à Lisbonne.

Censurée par le dictateur en place, Paula Rego, née à Lisbonne en 1935, partage sa vie entre le Portugal, où elle étudie d’abord à la St. Julian’s School de Carcavelos, et l’Angleterre où elle complète un cursus de peinture à la Slade School of Art à partir de 1952. Puis la Fondation Calouste Gulbenkian lui offre une bourse pour vivre à Londres. En 1960, elle peint Salazar vomiting the Homeland, une image expressionniste de la situation dans le pays. La première exposition personnelle de Paula Rego se situe en 1965 à Lisbonne puis, peu après la révolution des Œillets en 1974, elle s’installe à Londres en 1976 où elle se marie avec le critique d’art et artiste Victor Willing. Elle est la seule femme à intégrer l’école de Londres avec, notamment, Francis Bacon et Lucian Freud. Sa peinture a en effet évolué vers plus de réalisme tout en gardant un ton noir. Engagée dans différentes causes, entre autres la légalisation de l’avortement, elle décède en juin 2022.

Maria de Lourdes Ribeiro ou Maluda (1934-1999), artiste populaire de la deuxième moitié du XXe siècle, est née à Panjim, dans le territoire à l’époque portugais de Goa en Inde. Elle a passé son enfance au Mozambique, alors colonie portugaise, et s’est installée à Lisbonne au début des années 1960. Elle peint beaucoup et à plusieurs reprises, de manière géométrique, des vues des toits de Lisbonne et peut s’apparenter au pop art dans sa facture, si ce n’est la lumière si singulière de la ville qu'elle représente avec ferveur.

Si la première exposition personnelle d’Helena Almeida (1934-2018) à Lisbonne se tient en 1967, ce n’est qu’en 1975 qu’elle commence sa série « Peinture habitée », se mettant en scène en retouchant la photographie en noir et blanc. Autochtone, cette fille de sculpteur, mariée à l’architecte et photographe Artur Rosa, a joué sur son corps et réalisé des autoportraits toute sa vie. Photographe portugaise connue au Portugal, elle occupe une place importante sur la scène artistique internationale.

De la photographie à l’installation

Autre photographe lisboète qui travaille encore aujourd’hui sur l’autoportrait en noir et blanc, Jorge Molder, né en 1947, se consacre à la photographe à partir de la fin des années 1970, après des études en philosophie. Sa première exposition solo à Lisbonne a lieu en 1977. Depuis il développe un travail d’auto-représentation avec des références à Samuel Beckett ou encore Francis Bacon. De 1990 à 2009, il a dirigé le Center for Modern Art de la Fondation Calouste Gulbenkian. L’artiste a représenté le Portugal aux biennales de São Paulo (1994) et de Venise (1999).

Pedro Cabrita Reis, né en 1956 à Lisbonne, où il vit, émerge sur la scène artistique portugaise au milieu des années 1980. Avec un travail d’installations minimales, de sculptures avec des matériaux de la vie quotidienne, d’autoportraits à l’encre et de peintures abstraites, il se rapproche du mouvement conceptuel et de l’Arte Povera. C’est en 1992 qu’il participe à la Documenta IX de Kassel en Allemagne. Il a représenté le Portugal dans son pavillon national à la Biennale de Venise en 2003. Ce sont ses installations proches de l’architecture et construites à partir de matériaux de récupération qui lui ont valu une reconnaissance internationale. En 2006, pour Le Plateau à Paris, il a été le commissaire de l’exposition intitulée « En voyage ». On y retrouve Ana Jotta, une artiste de sa génération, et 6 artistes émergents portugais : Carlos Roque, Jorge Queiroz, Nuno Cera, Rui Calcada Bastos, Carlos Bunga, et Noe Sendas.

Depuis 1996, les galeries lisboètes membres de l’Apga (www.apga.pt) organisent Lisboarte (Contemporânea). Il s’agit d’une mise en réseau des galeries qui proposent aux habitants de la capitale de découvrir, durant une période donnée (juillet), des artistes connus ou émergents. Attention, le jour du vernissage est le même pour toutes les galeries participantes. Ce programme d’expositions simultanées renforce la participation de ces lieux d’art dans la dynamique culturelle de la ville et contribue à la création de nouveaux publics. Les œuvres d’art contemporain sont présentes également en déambulant dans Lisbonne.

Le boom du street art

Alexandre Farto est un artiste portugais de street art né le 1er janvier 1987 à Lisbonne. Il commence à graffer sous le nom de Vhils au début des années 2000 puis il choisit de graver et sculpter des visages à même les murs. En 2008, il rencontre Banksy à Londres, ce qui propulse sa carrière à l’international. À Lisbonne, il ouvre également, en 2010, Underdogs Gallery, une enseigne qui représente des artistes portugais et internationaux et qui propose toujours aujourd’hui des visites guidées dans Lisbonne.

L’artiste graffeur italien Blu et les jumeaux brésiliens Os Gemeos, lors d’un festival de street art, peignent sur un immeuble abandonné une immense fresque d’un roi géant, en costume cravate, dessiné avec plusieurs yeux, aspirant le Brésil avec une paille, pour mieux dénoncer l’emprise économique du Portugal sur son ancienne colonie. On peut toujours l’admirer aujourd’hui à Lisbonne. Le quotidien britannique The Guardian la classe meilleure œuvre de street artists d’Europe.

En 2019 ouvre la Fabrica Braço de Prata. Ce centre culturel alternatif propose des projections de films, des concerts et le meilleur du street art lisboète sur son mur extérieur. Idéal pour prendre le pouls de la capitale la nuit, car il ferme à 4 heures du matin !