Découvrir l’art gallois à travers ses bâtiments

La Grande-Bretagne n’a pas dominé la scène artistique européenne comme la France, l’Italie ou les Pays-Bas. Cependant, certains artistes anglais, dont de nombreux Gallois, ont produit quelques œuvres remarquables. Les premiers grands peintres en Angleterre étaient majoritairement étrangers et ce n’est qu’au cours de la Renaissance que se développe réellement un art local. On situe les débuts de la Renaissance galloise autour du début du XVe siècle, avec des œuvres principalement religieuses. La Réforme protestante mène à la destruction d’un bon nombre d’entre elles, à l’exception de quelques vitraux, comme on peut en admirer dans l’église All Saints de Gresford ou dans la cathédrale Saint-David. L’église Saint-Cadoc à Llancarfan compte quant à elle des peintures murales médiévales uniques en leur genre, représentant saint Georges et le dragon, une scène clé de l’époque, mais dont seulement peu de versions ont survécu. La maison de Plas Mawr, construite au XVIe siècle à Conwy, est par ailleurs l’un des rares bâtiments de style élisabéthain toujours debout en Grande-Bretagne. Plusieurs pièces ont gardé leurs décorations en plâtre d’origine et leurs panneaux de bois sculptés. Moulées sur les plafonds et aux murs, ces décorations comprennent de nombreux insignes et symboles. Elles incorporent également un certain nombre de thèmes classiques. Certaines sont peintes de couleurs vives, pour un résultat saisissant.

L’art gallois, entre affirmation nationale et influences anglaise et européenne

Pendant les périodes médiévale et post-médiévale, l’art du portrait n’est pas très répandu au pays de Galles, la noblesse se rendant à Londres ou dans les grands centres urbains de Grande-Bretagne pour se faire peindre. Ce n’est que tard, au XIXe siècle, que les artistes commencent à s’adonner au portrait, avec des peintres comme William Roos (1808-1878) ou Hugh Hughes (1790-1863). On peut admirer leurs toiles au Musée national du pays de Galles. La plupart des artistes gallois quittent habituellement leur région pour travailler dans les grandes villes du Royaume-Uni, mais la mode du paysage au XVIIIe siècle encourage un certain retour aux sources. Parmi les premiers peintres paysagistes gallois importants, on pense par exemple à Richard Wilson (1714-1782), très influencé par l’école paysagiste flamande. Mais il reste difficile pour les artistes de l’époque de vivre de leur art et de développer leur pratique. Ce n’est qu’en 1865, quand ouvre la Cardiff School of Art, qu’une scène locale pourra réellement se développer.  

L’impressionnisme pénètre en Angleterre avec James Whistler (1834-1903), peintre et graveur américain, qui vient s’installer à Londres en 1863. Son influence sur la peinture anglaise sera déterminante tout comme celle de Walter Sickert (1860-1942) et de Wilson Steer (1860-1942). Ces derniers fondent, en 1886, le New English Art Club, en réaction au conformisme de l’Académie. Alfred Sisley (1839-1899) est célèbre pour ses douces peintures de la côte galloise, qui recréent avec charme son atmosphère si particulière, comme avec Lady’s Cowe, Pays de Galles (1897) ou Sur les falaises, Langland Bay, Pays de Galles (1897). Peu nombreux sont les peintres impressionnistes d’origine galloise, mais certains sont redécouverts aujourd’hui, à l’instar de Huw Wystan Jones (1820-1888), un proche de Claude Monet et Eugène Boudin, ou de Christopher Williams (1873-1934), qui a peint de magnifiques scènes du bord de mer.

Pendant l’entre-deux-guerres, l’art gallois suit les grandes tendances européennes, avec notamment Ceri Richards (1903-1971) comme représentant du surréalisme. Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale qu’un nouveau souffle s’installe au pays de Galles, avec l’apparition de nouveaux groupes, comme le South Wales Group (fondé en 1948 et toujours existant aujourd’hui sous le nom de The Welsh Group), ou du 56 Group Wales, qui font reconnaître les artistes locaux à l’international. Plus tard, on peut également évoquer le groupe Beca, qui a beaucoup mis en avant la construction d’une conscience nationale galloise. Créé à la fin des années 1970, ce groupe témoigne de l’influence de mouvements européens tels que l’Arte Povera, Fluxus et le surréalisme sur les artistes gallois.

Le pays de Galles, un berceau de la photographie

La photographie s’introduit relativement tôt au pays de Galles, seulement deux ans après l’invention du daguerréotype. C’est le révérend Calvert Richard Jones qui prend le premier cliché de la région en mars 1841, avec pour sujet le château de Margam, appartenant à son ami Christopher Rice Mansel Talbot. Un cercle de photographes s’établit alors à Swansea, autour du révérend et d’autres personnalités locales comme John Dillwyn Llewelyn, également botaniste. William Henry Fox Talbot, grand photographe britannique à l’origine d’une méthode permettant de reproduire plusieurs copies de la même image, est en fait le cousin de l’​​épouse de ce dernier. Grâce à cette connexion, John Dillwyn Llewelyn et sa famille deviennent des pionniers de la photographie européenne dans les années 1840 et 1850.

À la fin des années 1850, la photographie se popularise et les studios deviennent courants en ville, la plupart des gens se faisant faire le portrait – notamment pour en faire des cartes de visite. Une véritable tradition de la carte de visite se développe alors, le photographe John Thomas (1838-1905) devenant une référence en la matière, bien qu’il soit surtout reconnu aujourd’hui pour ses paysages et photos de travailleurs. Ces images, d’une grande qualité et d’une belle précision pour l’époque, en apprennent beaucoup sur le pays de Galles d’alors. On peut en admirer plusieurs à la Bibliothèque nationale du Pays de Galles.

Au fil du XIXe siècle et au début du XXe siècle, la photographie se popularise, et les progrès technologiques permettent à tout un chacun de s’adonner à cette pratique nouvelle. Parallèlement, elle prend une tournure plus esthétisante et devient un art comme les autres. La photographie documentaire et journalistique se développe également, avec des photojournalistes comme Geoff Charles (1909-2002), qui travaille dans le nord et le centre du pays de Galles à partir de la fin des années 1930 et lègue une collection de clichés impressionnante.

Pour admirer ces images, la Bibliothèque nationale du pays de Galles d’Aberystwyth abrite plus de 950 000 photographies liées à la région. On y trouve des travaux de photographes pionniers tout comme des œuvres de praticiens contemporains. Celles-ci ont toujours un rapport avec le pays de Galles, que ce soit par leur thème ou par l’origine de leur auteur. Fondée en 1978, la Ffotogallery est un autre organisme de référence en la matière. Elle présente des expositions de photographies anciennes ou actuelles, et soutient la création contemporaine. Enfin, on trouve à Aberystwyth la première camera obscura, construite en 1880 dans le parc du château, puis relocalisée à Constitution Hill pour un meilleur point de vue. Disparue en 1920, elle a été reproduite et est visible de nouveau depuis 1985. C’est un incontournable de la ville, si vous avez la chance de vous y rendre. La lentille massive de 14 pouces en fait l’une des plus grandes camera obscura du monde, pour un résultat fascinant (d’autant que le paysage côtier alentour est déjà en lui-même remarquable).

L’art contemporain gallois, une affirmation progressive

Depuis quelques décennies, la scène artistique contemporaine du pays de Galles tend à s’affirmer progressivement, de manière indépendante par rapport au reste du Royaume-Uni. Depuis 2003, le pays de Galles participe par exemple à la Biennale de Venise avec son propre pavillon, exposant des artistes comme John Cale (1942-), Bedwyr Williams (1974-) ou Cerith Wyn-Evans (1958-). Ce dernier est un cinéaste, vidéaste et sculpteur internationalement reconnu, et notamment célèbre pour ses installations et mobiles qui jouent avec la lumière, composés par exemple de néons, de feu ou de miroirs.

Aujourd’hui, la ville où se concentre le gros de l’activité créative est la capitale, mais la région compte des lieux culturels variés et répartis sur l’ensemble du territoire, dont son « Moma » (Museum of Modern Art Wales) à Machynlleth, le Plas Glyn y Weddw (un centre d’art installé dans une ancienne demeure de Llanbedrog), la galerie Oriel Davies à Newtown, le Riverfront à Newport, la Glynn Vivan Art Gallery à Swansea ou le Chapter Art Center à Cardiff.

Les street artistes à l’assaut du pays de Galles

L’art gallois ne se rencontre pas seulement dans les musées et galeries, mais aussi sur les murs des villes ! Si Bristol est souvent considérée comme la capitale du street art au Royaume-Uni, Cardiff brille elle aussi en termes de culture urbaine. La région compte de nombreux artistes et collectifs reconnus, à l’instar de Phlegm, originellement illustrateur. On trouve une immense fresque de ce dernier tout près de la gare centrale de Cardiff, immédiatement reconnaissable si on a déjà croisé ses travaux, caractérisés par le noir et blanc et un imaginaire foisonnant.

Anecdote amusante : une œuvre du célébrissime Banksy est apparue en décembre 2018, peu avant Noël, au coin du garage d’un métallurgiste de la petite ville de Port Talbot, dans le sud du pays de Galles. Intitulée Season's Greetings, cette œuvre est une dénonciation de la pollution produite par les industries polluantes installée dans la région, et représente un enfant jouant avec des flocons de neige… jusqu’à ce que l’on comprenne qu’il s’agit de cendres sorties d’une cheminée ! Un message visuel fort dans une des villes les plus polluées du Royaume-Uni. La nouvelle s’est évidemment répandue à une vitesse effarante, l’œuvre attirant plus de 20 000 visiteurs, jusqu’à ce qu’un riche collectionneur se décide à la racheter (au propriétaire du mur), en promettant de la faire exposer dans la ville pour au moins trois ans. Cette petite histoire illustre à merveille tout le paradoxe du street art : lorsqu’un artiste devient célèbre, difficile de laisser ses œuvres s’épanouir dans la rue. Pour admirer Season's Greetings, rendez-vous au Ty'r Orsaf, un bâtiment situé sur le site d’un ancien poste de police, près de la gare ferroviaire de Port Talbot Parkway.