Un poireau, vraiment ?

Si les Français arborent fièrement le coq sur leur poitrine, les Anglais la rose ou les Écossais le chardon, les Gallois, eux, sont flanqués d’un… poireau. Selon la légende, le poireau est devenu l’emblème du pays de Galles suite à un combat contre les Anglo-Saxons. Saint David aurait conseillé aux soldats de fixer des poireaux au sommet de leur casque pour se fondre dans le champ de poireaux dans lequel ils devaient livrer bataille. Sur le maillot gallois, on remarque également trois plumes d’autruche. Elles évoquent la bataille de Crécy, pendant la guerre de Cent Ans en 1346. Édouard le Prince Noir, fils du roi d’Angleterre Édouard III, se bat contre une armée beaucoup plus nombreuse que la sienne, mais sort victorieux du combat et prend le casque porté par le roi de Bohème Jean Ier. Trois plumes d’autruche y apparaissent et elles deviennent un symbole de victoire pour tout le pays de Galles. L’histoire est en marche et si les armes ont été remisées, c’est bien avec des crampons et un ballon ovale que les nouveaux dignitaires du poireau vont défendre les couleurs galloises sur toutes les pelouses de la planète. Et ce, depuis près d’un siècle et demi…

Une histoire centenaire

Durant sa riche histoire, le rugby gallois a vécu quelques décennies de vaches maigres, contrebalancées par des périodes dorées qui ont suffi pour forger sa légende.

Rentrée, comme ses consœurs britanniques, dans le Home Nations Championship (ancêtre du Tournoi des 6 Nations) durant les années 1880, l’équipe galloise soulève son premier trophée en 1893. Un trophée assorti d’une Triple couronne (une victoire sur chacune des autres équipes britanniques). Mais cette performance restera sans lendemain et il faudra attendre 1900, date du début d’une longue période de gloire, pour retrouver une équipe galloise compétitive. Entre 1900 et 1911 (la France intègre la compétition en 1910), le XV gallois remporte sept éditions du Tournoi et reste invaincu à domicile. Le XV du Poireau est d’ailleurs le premier, en 1908, à signer le fameux Grand Chelem, ce titre honorifique décerné au vainqueur qui bat tous ses adversaires sur une même édition. Mais jusque dans les années 1950, le rugby gallois va connaître une longue période de disette malgré quelques victoires dans le Tournoi (1922, 1931, 1936). Après la Seconde Guerre mondiale, pour la reprise de la compétition en 1947, le XV du Poireau fête l’événement par une victoire partagée avec l’Angleterre. Un succès important, car annonciateur d’un nouvel âge d’or : lors des dix éditions suivantes, pas moins de sept vont tomber dans l’escarcelle galloise.

Et dire que cette première génération dorée, emmenée par le capitaine Bleddyn Williams, ne sera qu’un avant-goût de celle des années 1970, la décennie de tous les records. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Après une victoire partagée en 1964 et deux succès en 1965 et 1966, le XV gallois entame une domination sans précédent du rugby européen, avec huit victoires (1969, 1970, 1971, 1973, 1975, 1976, 1978 et 1979), dont trois Grands Chelems (1971, 1976 et 1978). Le tout en dix éditions puisque celle de 1972 est inachevée à cause des troubles en Irlande. Bref, une domination rouge sans partage qui va voir son champion Gareth immortalisé par une statue à Cardiff (exposée aujourd’hui au St. David’s Centre). Fidèle à son histoire chaotique, le rugby gallois va alors entamer un long déclin qui va le plonger dans une crise profonde jusqu’à la fin du siècle, malgré une jolie 3e place lors de la première Coupe du monde disputée en 1987.

Une nation phare du rugby moderne

Si les fondations posées par le technicien néo-zélandais Graham Henry entre 1998 et 2001 vont mettre un peu de temps à porter leurs fruits, le pays de Galles va renouer avec le succès en 2005. Cette année-là, le XV du Poireau signe le Grand Chelem. Emmenés par Shane et Martyn Williams, les Gallois proposent un jeu séduisant et efficace, toujours porté vers l’avant. Après trois nouvelles victoires (2008, 2012, 2013), les Gallois vont réaliser le Grand Chelem en 2019, notamment grâce au talent du géant Alun Wyn Jones, désigné meilleur joueur de la compétition. Avec 38 victoires, le pays de Galles rejoint ainsi l’Angleterre en tête du classement des vainqueurs du Tournoi. Une année également marquée par leur 4e place lors de la Coupe du monde au Japon, où ils battront l’équipe de France en quart de finale d’un petit point (20-19) avant de finir 4e. Et, entre les deux compétitions, le XV du Poireau a été la première équipe n’ayant jamais gagné le tournoi planétaire à se hisser à la première place du classement mondial de World Rugby. On vous le dit, il faut toujours compter avec les Gallois !

Un stade mythique

Et quoi de mieux que d’assister à un match des Dragons Rouges pour se rendre compte de la ferveur qu’ils déclenchent ? À Cardiff, un jour de match, l’ambiance monte aux alentours du Millenium Stadium, alors que les joueurs entament à peine leur petit déjeuner. Tous les amateurs de rugby rêvent de se retrouver là, une bière dans la main droite et une place dans la gauche, pour un match décisif dans cet écrin splendide, planté en plein cœur de la ville. Construit à l’occasion de la Coupe du monde 1999 de rugby, en lieu et place de la vétuste et mythique enceinte de l’Arms Park, le Millenium est aujourd’hui un fleuron de technologie et l’un des plus grands stades du monde avec toit rétractable (oui, ça peut servir de temps en temps !). Les jours de matchs, ce sont près de 74 500 spectateurs bouillants qui poussent derrière leurs protégés, et les équipes adverses perdent parfois leurs repères dans ce chaudron assourdissant où la communication entre joueurs est brouillée par les Hen Wlad fy Nhadau

(Vieux pays de mes ancêtres, l’hymne gallois) entonnés à pleins poumons. Rebaptisé Principality Stadium depuis 2016 (et pour une durée de 10 ans) après un contrat de naming passé avec une société de construction, il n’en reste pas moins l’âme du rugby gallois et une visite obligatoire lors d’un passage à Cardiff. Pas de match de rugby au calendrier ? Pas de concert surchauffé au programme ? L’excuse ne tient pas, car on peut visiter le stade tous les jours. Une visite unique, pour les passionnés comme pour les néophytes, puisque l’on pénétrera dans les entrailles de l’enceinte en passant par la salle de conférence de presse, le salon VIP, les vestiaires ou le tunnel des joueurs qui file tout droit vers ce « gazon sacré »...