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Statue de Félix Leclerc dans le parc La Fontaine à Montréal. (c) Cagkan Sayin-shutterstock.jpg
06 Magasin de vinyls. (c) LDprod -shutterstock.com.jpg

Du folklore à la chanson québécoise

Depuis le folklore oral à la musique actuelle, la chanson québécoise a évolué et s’est transformée depuis l’avènement des cabarets montréalais dans les années 1920. C’est une femme qui se trouve à l’origine de cette tradition : Mary Rose Anna Travers, dit La Bolduc. Très appréciée dans les années 1920-1930, cette grande artiste utilisait l’humour et les expressions populaires dans ses chansons et intégra, pour la première fois, une couleur québécoise à la chanson. Cette fameuse chanson québécoise est née du savant mélange de musique folklorique, de la poésie québécoise et de l’influence de compositeurs comme Léo Ferré ou Jacques Brel. Les chansonniers Félix Leclerc et Gilles Vigneault sont les premiers à en faire la synthèse. Félix Leclerc est le père de la chanson québécoise, lui qui fera le lien entre La Bolduc et les chansonniers des années 1960. Omniprésent sur la scène artistique aussi bien dans la chanson, la poésie, le théâtre ou encore le roman, sa trace est immense dans l’histoire culturelle et politique du Québec. On doit au second le célèbre refrain « Mon pays, ce n’est pas un pays, c’est l’hiver ». Ardent défenseur de la souveraineté du Québec, il s’est fait émissaire de sa culture aux quatre coins de la francophonie.

À mi-chemin entre les influences françaises et le désir de créer une tradition canadienne, les œuvres des chansonniers ont permis de mettre en avant la chanson folklorique. C’est ainsi qu’à la fin des années 1950, la chanson à texte a pris de plus en plus d’importance et que le besoin s’est fait sentir de créer des lieux propices à cette écoute. Jean-Pierre Ferland et Claude Léveillée ont conséquemment ouvert Chez Bozo, en mai 1959, rue Crescent à Montréal. Les deux créateurs sont rapidement rejoints par Clémence Desrochers, qui deviendra ensuite compositrice pour Édith Piaf ou encore Raymond Lévesque, encore presque inconnu. Ce collectif de chansonniers et d’artistes va adopter le nom du lieu où ils se produisent. Pour la première fois, une génération d’auteurs-compositeurs partageait une même vision et la chanson devenait un point de ralliement, au-delà des carrières individuelles. Dans les années qui ont suivi, une multitude de boîtes à chansons, calquées sur un modèle identique, ont vu le jour. À l’apogée de cette scène, le Québec en comptera jusqu’à deux cents. Quelques boîtes à chansons perpétuent encore aujourd’hui la tradition, notamment La P'tite Grenouille dans plusieurs villes de la province.

L’impact de la pop music, le disco et la new wave

À la fin des années 1960, de nouveaux rythmes apparaissent et viennent bousculer la chanson québécoise. Robert Charlebois, auteur des succès Lindberg, Ordinaire ou Je reviendrai à Montréal, met en scène L’Osstidcho (1968), mélange de chansons, de monologues et de musique dissonante, le tout agrémenté d’improvisations. Un spectacle que ses créateurs eux-mêmes décrivent comme « une folie totale et musicale » et qui marque la naissance d’un certain rock francophone. Alors que se diffusent les sons anglo-saxons, plusieurs auteurs s’en inspirent pour transformer le folklore québécois. Tout un mouvement folk s’amorce alors autour de Plume Latraverse, un auteur-compositeur-interprète qui joue des ballades rock considérées comme « de véritables chroniques de la vie quotidienne de la jeunesse des années 1970 », ou encore Fabienne Thibeault, qui n’a même pas vingt ans lorsqu’elle commence sa carrière de chanteuse.

Harmonium fut l’un des rares groupes québécois des années 1970 à connaître un certain succès aux États-Unis, malgré des textes de chansons en français. Réputé pour son folk progressif, Harmonium s’est imposé avec seulement trois albums studio. À l’écart de la mode, Beau Dommage est également une référence de la musique de ces années-là. Formé en 1974, ce groupe québécois est notamment connu pour son tube La Complainte du phoque en Alaska, repris entre autres par Félix Leclerc et le groupe français Chanson Plus Bifluorée. Volontiers provocante, Diane Dufresne débute sur scène et propose ses premières chansons rock, pleines d’autodérision.

Dans les années 1970, le disco entre en scène au Québec, plus particulièrement à Montréal qui deviendra « la reine du disco ». Le club Lime Light de la rue Stanley était à Montréal ce que le Studio 54 était à New York, et nombre de personnalités ont foulé son dance floor comme Gloria Gaynor, James Brown et Freddie Mercury. Son DJ résident, Robert Ouimet, a d'ailleurs reçu les éloges des magazines Rolling Stone et Billboard. Puis, dans les années 1980, la florissante scène new wave montréalaise s'est fait connaître à l'international avec, entre autres, American Devices, Boys du Severe, Déjà Voodoo, Men Without Hats, les performances de Michel Lemieux, Monty Cantsin et son obscur sous-mouvement néoiste, Rational Youth, Red Shift et Trans-X.

Le renouveau musical depuis les années 1990

Depuis les années 1990, tous les styles musicaux sont représentés : le rock et la chanson bien sûr, mais aussi le rap, le métal, le funk ou encore le reggae. Les thèmes des décennies précédentes ont ressurgi avec force : la langue et l’identité du pays, l’exclusion sociale et l’injustice… Un groupe comme Les Colocs est devenu une référence, avec sa musique éclectique allant du rock au blues, du funk au reggae. Ses textes, quelquefois amusants, parfois engagés et souvent poignants, ont fait de ce groupe québécois un incontournable. Les Cowboys Fringants ont aussi apporté à la chanson québécoise cette conscience sociale avec leurs chansons folk, rock et country. À l'automne 2023, le décès de Karl Tremblay, chanteur de ce groupe mythique, a créé une vague de tristesse et de nostalgie au Québec comme ailleurs dans la francophonie. Puis vient Richard Desjardins, le Brel du Québec, qui est sorti de l’ombre en 1990 avec des chansons engagées, aux textes percutants pleins d’humour cynique et de tendresse écorchée. De son côté, le groupe de hip-hop Loco Locass a réactualisé, dans une écriture rythmée et sonore, le courant des chansons nationalistes.

Suivant les traces de Luc Plamondon et des comédies musicales Starmania, Roméo et Juliette, Cindy ou encore Notre-Dame de Paris, un courant musical s’est orienté sur des chansons plus francophones que québécoises. Les carrières de Diane Dufresne ou Fabienne Thibault doivent ainsi beaucoup à Starmania. La possibilité d’effectuer des tournées à l’étranger et le développement des médias de masse ont permis à de nombreux artistes québécois comme Roch Voisine, Garou, Isabelle Boulay, Linda Lemay ou Diane Tell de connaître un vrai succès populaire en France. Même si elle a ensuite connu une reconnaissance planétaire, Céline Dion est aussi d’abord une figure phare de la variété francophone. Elle a explosé les records de vente sur les marchés francophones et anglophones, mais elle ne renie pas ses origines et joue de la proximité avec son public, combinant une aura de star et une familiarité chaleureuse.

Toute une scène charnière va ensuite renouveler le genre : Pierre Lapointe et son amour du texte et de l’orchestration, les chanteuses et compositrices néo-folk Ariane Moffatt et Cœur de Pirate, ou encore le pianiste Chilly Gonzales et ses collaborations prestigieuses avec Daft Punk, Björk ou Placebo. C’est l’ensemble de la scène musicale de cette époque qui a influencé la musique pop qui se fait aujourd’hui au Québec, de Fanny Bloom à Hubert Lenoir, en passant par les sœurs Boulay ou Alex Nevsky.

Le succès du post-rock édité par le label indépendant montréalais Constellation Records, avec comme chefs de file Godspeed You! Black Emperor ou A Silver Mt. Zion, puis l’avènement planétaire du rock indie d’Arcade Fire ont montré qu’un succès international était possible pour les artistes locaux. Des espoirs décuplés par la proximité géographique de New York et du marché américain. La ville de Montréal a vu s’épanouir sa scène indépendante et une floraison d’artistes occupe désormais le devant de la scène : le pianiste Patrick Watson, le groupe Suuns, entre rock et musique électronique, l’électro pop de Men I Trust, Pottery et son rock garage, le folk-rock moderne de Half Moon Run, ou encore Kaytranada. Entre house et hip-hop, les mix de ce dernier sont devenus des références. Lui qui avait émergé grâce à Soundcloud, il a obtenu le prix de meilleur album au Polaris Music Prize (équivalent des Victoires de la Musique au Canada) et a été sollicité par des références comme Mary J. Blige ou Gorillaz pour remixer leurs morceaux.

Les artistes autochtones sont aussi de plus en plus présents sur la scène musicale québécoise avec, notamment, les chanteurs/joueurs de tambour Black Bear réputés parmi les meilleurs du pays, l'auteure-compositrice-interprète inuite Elisapie Isaac, le rappeur et poète algonquin Samian, Shauit et son reggae innu, sans oublier les magnifiques chansons de l'auteur-compositeur-interprète innu Florent Vollant (anciennement du groupe Kashtin qu'il formait avec Claude McKenzie, le plus important groupe musical de l'histoire des Premières Nations).

La musique live

Les lieux où écouter de la musique sont pléthoriques à Québec comme à Montréal, mais aussi en région. Quelques lieux mythiques et/ou ultra populaires : La Casa del Popolo à Montréal, qui offre le meilleur de la scène musicale indépendante ; les Foufounes Électriques à Montréal, aussi célèbre par son nom que par sa programmation qui en fait un haut lieu de la culture underground, dans décor très spectaculaire; l’Impérial Bell à Québec, un des spots obligatoires pour les artistes émergents ; L'Anti Bar & Spectacles, diffuseur de musique underground dans le quartier Saint-Roch à Québec, lequel accueille des artistes en devenir et propose une sélection de la scène montante.

Si Montréal possède un grand orchestre symphonique, avec l'Orchestre symphonique de Montréal, la place de la musique classique dans la culture québécoise va en diminuant. Pourtant, avec la Maison symphonique de Montréal, la ville possède un équipement moderne de premier ordre, à l'acoustique et à la visibilité parfaites. Le lieu héberge également l'Orchestre Métropolitain et Les Violons du Roy. Des concerts de jazz ou de musique pop y sont parfois proposés. La salle fait partie du plus grand complexe culturel de la métropole, la Place des Arts, qui réunit plusieurs autres scènes d'importance, comme le Théâtre Maisonneuve, le Théâtre Jean-Duceppe ou encore la Salle Wilfrid-Pelletier. Celle-ci fait office d'Opéra puisqu'elle héberge les compagnies des Grands Ballets Canadiens et l'Opéra de Montréal. C'est l'une des plus grandes salles de spectacles du pays et elle accueille aussi d'autres événements majeurs.

Puis viennent les innombrables festivals de musique. Le Festival international de Jazz de Montréal aligne une programmation principalement orientée jazz avec quelque 500 concerts. Les Francos et Osheaga sont aussi des événements musicaux majeurs. Les rencontres du Festival d'été de Québec proposent leur lot de têtes d'affiche, mais veillent aussi à promouvoir la scène locale. Les régions du Québec ne sont pas en reste, avec des festivals de grande renommée comme le Festival de la chanson de Tadoussac, Le Festif! de Baie-Saint-Paul, Innu Nikamu qui met en vedette la musique et les arts autochtones, ou encore le Festival de musique émergente de l'Abitibi-Témiscamingue.

Et pour rapporter à la maison un peu de musique du Québec, rien ne vaut le vinyle, très en vogue depuis quelques années. Venir à Montréal ou Québec pour acheter ses disques de collection est donc le must. Oubliez New York ou Londres, ici les disquaires sont partout. S'approvisionnant souvent directement aux États-Unis, vous trouverez dans ces échoppes du collector des premiers pressages et d'autres pièces oubliées.

Le théâtre et l'humour

Si les premières traces théâtrales datent du XVIIe siècle avec Théâtre de Neptune de Marc Lescarbot, il faut attendre le XXe siècle pour voir l’apparition d’une dramaturgie québécoise avec Gratien Gélinas, l’auteur de Tit-Coq, la première pièce du répertoire québécois, dont la première a eu lieu en 1948. À partir des années 1950, le théâtre évolue pour devenir tour à tour révolté avec Marcel Dubé, social et artistique avec la première utilisation du joual, la forme populaire du français québécois dans Les Belles-sœurs de Michel Tremblay, explorateur avec Claude Gauvreau et sa pièce La Charge de l’orignal épormyable. Les années 1980 voient le retour en force d’une dramaturgie mettant l’accent sur l’esthétique, au détriment du volet social. Des grands noms apparaissent. Ainsi Robert Lepage met en scène Vinci, une réflexion sur le rapport à l’art, dont il est l’auteur et qu’il interprète seul sur scène. Pour ce monstre de la mise en scène, tout passe d’abord par l’image et l’esthétique, le texte devenant accessoire. On a beaucoup entendu parler de lui fin 2018, lorsqu’il est venu mettre en scène en France, avec la compagnie d’Ariane Mnouchkine, sa pièce Kanata. Il n’avait pu la monter dans son pays suite à une polémique lancée par un collectif autochtone qui lui reprochait de parler des souffrances des Premières Nations dans un spectacle joué par aucun acteur autochtone. Une scène qui se répète avec son autre projet, SLĀV.

Dans les années 2000, Wajdi Mouawad est aussi devenu une référence de la mise en scène avec sa tétralogie Le Sang des promesses. De façon originale, celui-ci choisit pour ses créations de laisser d’abord aux acteurs le loisir de s’exprimer, avant l’écriture de son texte définitif.

L'humour occupe aussi une grande place au Québec, à tel point qu'une École nationale de l'humour fut fondée à Montréal en 1988. L'école a depuis diplômé plus de 700 créateurs, auteurs et humoristes. Chaque année, le Gala Les Olivier (baptisé ainsi en l'honneur de l'humoriste Olivier Guimond) met en valeur le travail des humoristes en les récompensant pour leurs œuvres et en mettant en avant les artistes émergents. Montréal est aussi le lieu de naissance du plus grand festival dédié à l'humour au monde, le célèbre festival Juste pour Rire. Se déroule en parallèle le Zoofest, événement dédié aux nouveaux humoristes, dans une formule non conventionnelle et festive.

Le « nouveau cirque québécois »

Le Cirque du Soleil a prouvé qu’il était possible de faire sortir le cirque de sa léthargie en lui apportant sa part de modernité et de rêve. D’une créativité étonnante, et d’un raffinement certain, les numéros proposés par ce cirque d’un nouveau genre n’ont plus grand-chose à voir avec leurs glorieux ancêtres. Le spectacle offert est une expérience visuelle qui incite au rêve, avec des compositions originales qui surprennent par leur hardiesse dans ce spectacle millimétré. Fondé en 1984 au Québec par Guy Laliberté, le Cirque du Soleil a ainsi complètement bouleversé l’approche traditionnelle du cirque et propose désormais ses spectacles à travers le monde, à Las Vegas notamment où plusieurs de ses shows sont à l’affiche des plus grands hôtels et casinos. Les spectacles posent leurs valises au Québec quelques semaines chaque année. Profitez de votre passage pour voir un de ces shows, qui se déroulent le plus souvent sous chapiteau. D’autres compagnies québécoises, comme le Cirque Éloize ou Les 7 Doigts de la Main, très originales et multidisciplinaires elles aussi, sont reconnues dans le monde entier et font du cirque une véritable spécialité québécoise. À noter que Montréal est aussi l’hôte de l’École nationale de cirque, fondée en 1991 et réputée à travers le monde, sans oublier un festival entièrement dédié à la cause, Montréal Complètement Cirque.