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Une société complexe

Le voyageur qui essaie de comprendre le fonctionnement de la vie quotidienne des locaux est le plus souvent dérouté devant tant de principes et de règles qui diffèrent selon la personne à laquelle il s’adresse et le lieu où il se trouve. La société indienne est tellement complexe et multi-facettes qu’il est difficile d’établir des principes de vie communs. S'il y a bien un concept qui intrigue et qui fascine toujours les Occidentaux, c’est le système de castes, extrêmement difficile à appréhender. La notion de famille tient une place prépondérante dans la société. Les disparités économiques, l’appartenance à une religion, le métier, le sexe, l’ethnie ou encore la zone d’habitation sont autant d’éléments qui déterminent la destinée de l’individu.

Système de castes

Souvent incompréhensible et impénétrable pour les étrangers, le système des castes est une spécificité indienne complexe, qui est encore d’actualité dans le pays. En effet, et contrairement à une idée reçue, le système de castes n’a pas été aboli officiellement, malgré tous les efforts consentis par les gouvernements successifs allant dans ce sens. Par contre, la discrimination envers les castes inférieures est illégale selon la loi de l’article 15 de la Constitution. Les personnes appartenant aux castes les plus basses ont beaucoup de difficultés à accéder à une éducation supérieure et à des métiers « nobles ». Les castes hiérarchisent la société, chaque caste devant accomplir la tâche correspondant à son rang. Le niveau de « pureté » d’une caste est primordial. Certaines tâches ne peuvent être accomplies que par des membres d’une caste spécifique, ainsi par exemple toute activité relative à la mort est réalisée par les castes les plus basses. D’autre part, un membre d’une caste ne va généralement pas partager un même repas avec un membre d’une caste inférieure. La caste est généralement héréditaire et immuable, et les mariages inter-castes sont encore très rares de nos jours. Le concept de caste n’est pas une spécificité exclusivement hindoue, il est répandu dans toute la société indienne et dans toutes les religions. Deux facteurs ont contribué à l‘instauration et au développement de ce système : d’une part le respect et l’application des textes du Rig Veda, l’un des quatre grands écrits de l’hindouisme, puis le fractionnement de la population indienne en différentes classes par les colons Britanniques à des fins politiques. Un nouveau cadre émerge dans l’Inde moderne : les castes selon les catégories socio-professionnelles, embrassant la théories des classes sociales occidentales.
Hindouisme. Le concept de castes apparaît en premier lieu dans les textes védiques fondateurs de la religion hindoue, le Rig Veda. Ce système répartit les individus en fonction de leur rang (varna) dans la société : les varnas. Ainsi, en haut de la pyramide on retrouve les brahmanes, les prêtres qui assurent la cohésion de la société à travers une religion commune, puis les kshatriyas, qui englobent les guerriers mais également les gouvernants et les intellectuels. Vient ensuite la caste des vaishyas, qui était jadis celle des riches propriétaires cultivateurs mais qui rassemble de nos jours les artisans, les commerçants et les fermiers. Les shudras représentent la caste des classes laborieuses et des employés auparavant métissés ou associés avec les populations indigènes (adivasi). Enfin, on retrouve au bas de la pyramide les « hors-castes », ceux qui n’appartiennent à aucun des groupes cités ci-dessus. Ce sont les fameux « intouchables ». De nos jours ils sont appelés dalits, le terme « intouchables » possédant une connotation beaucoup trop négative.
L’héritage britannique. La Compagnie britanniques des Indes orientales a effectué un premier recensement sur tout le territoire en 1872 qui classifie les différentes couches de la population selon la catégorie socio-professionnelle et religieuse des individus : les jatis. Pour beaucoup cela a contribué à rigidifier le système de castes en Inde, qui était auparavant une notion plus vague. Les Britanniques ont redéfini les frontières entre les castes afin que cela bénéficie à leur politique. En effet, de nombreux gouvernants britanniques avaient formé des coalitions avec des rois, des princes ou des prêtres qui étaient alors au pouvoir. Cette discrimination a permis aux Britanniques de diviser la société pour mieux régner… Cet ensemble complexe de castes se superpose à celles des varnas. Il existe des milliers de jatis, répertoriés en fonction de l’appartenance religieuse,  de l’appartenance communautaire, du corps de métier…
Les nouvelles castes. Les disparités sociales en Inde sont extrêmes et la répartition des classes socio-économiques a créé des castes « modernes » qui différencient les riches des pauvres, les éduqués des ignorants, les urbains des ruraux. Ainsi, l’utilisation de la langue anglaise est utilisée comme un signe extérieur de richesse par les classes aisées, dont les jeunes générations négligent même d’apprendre leur langue maternelle (hindi, maharathi…).

Famille

Structure. La famille est la valeur la plus importante en Inde. Les membres d’une famille vivent généralement dans le même foyer, qui peut compter jusqu’à 5 générations différentes. La famille traditionnelle indienne possède une structure patriarcale : le père est le chef de famille et la figure autoritaire incontestée. Et, même s'il consulte généralement son épouse, c’est lui qui tranche pour chaque décision familiale importante (mariage, études, etc.). Le fils aîné est l’héritier des devoirs familiaux et devra prendre soin des membres plus âgés de la famille. Il reprend généralement l’activité professionnelle de son père. Le rôle principal d’une épouse est de donner un fils à son mari afin d’assurer la continuité familiale. La naissance d’une fille est toujours accueillie avec joie, mais le problème futur de la dot peut assombrir ce sentiment. Le respect des aînés est une valeur très ancrée en Inde et une famille se doit d’accueillir et de pourvoir aux besoins de ses anciens (parents, grands-parents, oncles, tantes). Ainsi, un foyer indien peut accueillir une douzaine de personnes sous le même toit. Dans les familles urbaines aisées avec un niveau d’éducation élevé, les rôles évoluent et on constate une parité plus conséquente entre les époux.
Mariage. Le mariage constitue l’événement le plus important dans la vie d’un Indien et d’une Indienne. Ce sont généralement les parents qui s’occupent de trouver pour leurs enfants un époux ou une épouse. Le choix est fait en fonction de divers critères : religion, caste, réputation de la famille, position socio-professionnelle, niveau d’éducation… Un astrologue est également consulté pour s’assurer que la personne choisie est la bonne et pour trouver une date propice pour la cérémonie. Le mariage arrangé est encore très répandu dans le pays, surtout dans les milieux ruraux et pauvres. Il faut savoir que les mariages d’enfants sont interdits et inexistants dans le Sud de l’Inde. Les cérémonies sont l’occasion de fêtes monumentales. C’est la famille de la mariée qui organise l’événement et qui prend en charge la grande majorité des dépenses de la cérémonie (logement des invités, nourriture, cadeaux..). Des sommes considérables sont investies afin de rehausser le statut de la mariée et de sa famille. La famille du marié se charge de la location de l’orchestre et offre des cadeaux à la mariée et sa famille, mais le montant des sommes engagées est très inférieur à celui investi par la famille de la jeune épouse. En effet celle-ci doit également s’acquitter de la dot exigée par la famille du marié. Plus le statut social ou la caste est haute, plus la somme demandée sera importante. Cette pratique tend à disparaître dans les milieux aisés et « occidentalisés ». Les mariages impliquent la participation de tous les membres de la famille, avec un nombre conséquent de convives. La cérémonie est une fête haute en couleur où repas, musique et rituels religieux se succèdent. Une fois la cérémonie terminée, la jeune épouse rejoint la famille du marié pour vivre avec elle. C’est le début d’une nouvelle vie, et il faudra alors qu’elle s’acclimate à son époux, qu’elle ne connaît généralement que très peu, voire pas du tout, et à sa nouvelle famille. Vous aurez peut-être l’occasion de participer à un mariage indien lors de votre séjour, il n’est en effet pas rare qu’une famille invite des voyageurs à participer aux festivités.

Des disparités conséquentes

L’Inde est sans doute l’un des pays au monde où les disparités sont les plus importantes. L’accès à l’éducation et à la richesse varie considérablement selon la caste et la famille dont on est issu. Les distinctions de classe sont abyssales, et le riche côtoie le pauvre au quotidien. Dans les villes, il est fréquent d’apercevoir un homme aisé dans une voiture de luxe passer à côté de mendiants affamés, et dans les milieux ruraux les grandes propriétés se trouvent à proximité d’habitations sommaires construites avec des matériaux de fortune.
Éducation. Jadis, les jeunes Indiens poursuivaient leur éducation dans un gurukul, un lieu destiné à enseigner un éventail de matières, des rites religieux en passant par les mathématiques et le sanskrit. Au début du XIXe siècle, l’enseignement se modernise sous l’impulsion des Britanniques. Ce n’est qu’en 2010 que l’école devient obligatoire et gratuite pour les enfants entre 6 et 14 ans. Les inégalités entre les établissements publics et privés sont considérables. Pour contrer ce phénomène, la loi impose aux écoles privées d’avoir au moins 25 % de leurs élèves issus de familles défavorisées. Pourtant, certains enfants ne sont toujours pas scolarisés. Le coût de la scolarisation (uniformes, transports, fournitures scolaires), constitue un fardeau pour les familles les plus pauvres, et un enfant scolarisé représente une perte de main d’œuvre.  
Santé. L’accès aux soins est un problème pour beaucoup d’Indiens. Il existe une forte différence entre le secteur public et le secteur privé, qui détient à lui seul 90 % des hôpitaux du pays. Les familles les plus aisées peuvent se permettre de se faire soigner dans des hôpitaux privés bien équipés, possédant des praticiens qualifiés, et ont les moyens de contracter une assurance privée. La majorité des Indiens n’a accès qu’aux hôpitaux publics gratuits qui dispensent un service bas de gamme, en raison d’un manque de moyens et d’infrastructures. Selon un rapport inquiétant de l’OMS, plus de la moitié de la population du pays n’a pas les moyens d’acquérir des médicaments essentiels. Les dépenses de santé constituent la cause principale de l’endettement des familles. Le gouvernement fédéral souhaite mettre en place un système de sécurité sociale universelle afin de remédier à ces problèmes.