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Aux origines

L’histoire crétoise est baignée de légendes. Les mythes de Dédale, de Thésée ou d’Icare nourrissent l’imaginaire des artistes depuis la nuit des temps. A cet égard, il est impossible de faire l’impasse sur le palais de Cnossos, situé à quelques kilomètres d’Héraklion. La légende raconte qu’il fut la demeure du roi Minos, légendaire bâtisseur du labyrinthe dans lequel il enferma le Minotaure, vaincu par le vaillant Thésée et l’ingénieuse Ariane. De nos jours, ce palais dévoile un éventail de fresques majeures à plus d’un titre. Notons que la tradition de la peinture murale est toujours d'actualité en Crète. Dans la demeure mythique, les fresques montrent notamment une scène de tauromachie, le portrait de trois gracieuses déesses de profil, une danseuse, sans oublier les boucliers du grand escalier. Le trône du roi associe pour sa part sculpture taillée dans le gypse et griffons peints. Dans la chambre de la reine, les jeux aquatiques des dauphins égaient les murs. Toutes ces peintures sont d’une facture saisissante par leur élégance. Datées du XVe ou ou du XVIe siècle avant notre ère, elles appartiennent à la période néopalatiale, caractérisée par la place prépondérante que prend l’art dans la civilisation crétoise. Le commerce assure alors la prospérité des Crétois qui aspirent à plus de confort et d’ornementations. La céramique s’affine, les motifs naturalistes, végétaux puis marins remplacent les détails schématisés. Sur les bas-reliefs, les premières figures animales émergent de la pierre. Les statuettes de divinités féminines, principalement en bronze, abondent également durant cette période faste.

Art mycénien

La Crète passe sous domination mycénienne vers 1450 av. J.-C. La céramique atteste de l’influence que les artistes crétois exercent sur les Mycéniens. Ces derniers reprennent leur technique si particulière qui permet d’affiner patiemment l'argile. Le potier façonne ainsi des vases aux parois d’une formidable minceur, ou « en coquille d’œuf ». Les décors reprennent les lignes géométriques combinées à des éléments naturels stylisés. Tout au long de son histoire, l’île a servi d’étape du fait de sa situation géographique. L’Empire romain, en pleine expansion, n’échappe pas à la règle. Mais après le partage de l’Empire, la Crète passe sous l’autorité de l’Empire romain d’Orient. Ce double héritage, latin et byzantin, imprègne à jamais sa culture.

Influence byzantine

De nombreux artistes byzantins fuyant les Ottomans élisent domicile en Crète. Ils apportent avec eux la tradition de Constantinople. A ce titre, signalons la collection d’art byzantin et post-byzantin de La Canée. On retrouve ici des fresques issues d’églises, mais aussi une mosaïque qui ornait le sol d’une basilique du VIe siècle, et de magnifiques icônes, comme celle d’un saint Georges à cheval du XVIIe siècle.

Après une période de sommeil, la tradition byzantine renaît dans les dernières années de l’occupation vénitienne. Cette période qualifiée de Renaissance crétoise découle de la Renaissance italienne.

Le musée archéologique d’Agios Nikolaos expose de belles pièces de l’art minoen, et l’étonnante déesse de Myrtos, une statuette stylisée dont le corps reprend la forme d’un vase surmonté d’un long cou ; mais c’est au musée ethnographique du village que l’on peut admirer de splendides icônes d’origine byzantine.

Pour ressentir à la fois l’influence byzantine et vénitienne, il suffit de flâner dans les ruelles de Krista. Ce village a connu ses heures de gloire durant les siècles de domination byzantine puis vénitienne, ainsi qu’en attestent ses lieux de culte, en particulier l’église Panagia Kera, formée par la réunion de trois chapelles, qui renferme les fresques de l’époque byzantine les mieux conservées de toute la Crète. Datées des premières années de la Renaissance (XIIIe siècle), leurs couleurs étincelantes semblent éternelles. Selon la légende, l’église abritait une icône de la Vierge Marie capable d’accomplir des miracles. Dans la nef, les fresques dédiées à Marie illustrent l’Assomption, tandis que le dôme évoque des scènes du Nouveau Testament.

Renaissance crétoise

Durant quatre siècles, la présence vénitienne donne lieu à un échange florissant entre les populations. La vie intellectuelle et artistique contraste avec la crise économique et sociale qui frappe cette époque. Au XIIIe siècle, la tradition latine influence logiquement l’art crétois. A cette période, rien n’atteste de l’existence d’écoles en Crète. Les enfants de familles aisées partent étudier en Italie et rapportent sur leur île le souffle de la Renaissance italienne. Cependant, la vapeur s’inverse si bien que les colons vénitiens s’hellénisent. Le début du XVIe siècle voit s’épanouir la Renaissance crétoise. Ce siècle est celui de Mikhaïl Damaskinos (1530-1592), artiste considéré comme l’un des plus grands peintres d’icônes de l’Ecole crétoise. Son œuvre, qui associe éléments de l’art byzantin et de la Renaissance, s’inscrit dans la lignée de l’école du monastère d’Agia Ekaterini qui prospéra jusqu’à la fin de la période vénitienne. Selon toute vraisemblance, Damaskinos fut l’un des maîtres du Greco. Il séjourna à Venise entre 1577 et 1582. Son traitement des perspectives révèle de très nettes influences italiennes. Ses œuvres de style byzantin peuvent être admirées dans l’église Agia Ekaterini à Héraklion tandis que ses icônes sont exposées au Musée d'Art religieux d’Héraklion.

El Greco

Domenikos Theotokopoulos, dit El Greco (1541-1614), est né à Fodele, près d’Héraklion. Il profite vraisemblablement de l’enseignement de Damaskinos, avant de séjourner quelques années à Venise, puis dans toute l’Italie où il bénéficie de l’influence de Bassano et du Tintoret, pour ensuite travailler dans l’atelier du Titien. Après son séjour à Rome, il prend en 1577 la direction de Tolède où il s’impose comme l’un des plus grands artistes du baroque espagnol. Son style se caractérise par l’allongement des figures, l’étrangeté de l’éclairage, l’irréalité de la composition et le mysticisme. Les œuvres qu'El Greco a pu peindre en Crète étaient inconnues jusqu’à la découverte en 1983, dans l’église d’Ermoupolis à Syros, d’une icône signée de sa main. Byzantine par son thème (la Vierge) et la disposition générale des personnages, cette peinture préfigure l’influence de la Renaissance dans ses motifs décoratifs. Au musée historique d’Héraklion est exposée sa Vue du mont Sinaï et du monastère. Un jardin dans le centre-ville porte son nom. Dans toute la Crète, de très nombreux lieux, hôtels ou restaurants portent le nom du Greco. En 2014, plusieurs événements ont célébré les 400 ans de sa mort. Le musée El Greco est installé dans la maisonnette de Fodele où le maître a vécu, en face de l’église byzantine de Panagia qui l’a tant inspiré. Elle révèle d’habiles copies, des objets de son quotidien, son atelier reconstitué ainsi que des informations sur la famille et la vie de l’artiste.

Art des rues

Entre la Crète et l’art mural, une grande histoire d’amour s’écrit depuis des siècles. La fresque, tradition picturale héritée de la culture byzantine, s’intègre sur l’île avec une aisance des plus plaisante.

Loin de hurler leur mécontentement, les artistes des rues entretiennent avec le cadre naturel une relation symbiotique. Impossible de dire si les peintures embellissent les rues ou si le paysage valorise les réalisations murales. A Héraklion, parcourir les rues promet de belles surprises. Les thèmes, bien que variés, sont souvent traités de manière figurative et les dessins sont agréablement décoratifs. Ici, pas de revendication déguisée mais des scènes de rue dans la rue. Des arbres parmi les arbres, ou, plus étonnant encore, des animaux de la savane qui jaillissent d’un compteur électrique, ou un éléphant à l’angle d’un mur. De quoi s’offrir une visite à moindres frais sans se priver de la clémence du climat. Le graffiti fait à tel point partie de la vie de l’île que la capitale a lancé son festival de street-art en 2016. Durant quatre jours, tous les arts de la rue sont mis à l’honneur dans l’idée de promouvoir la jeune création : musiciens, danseurs, peintres, graffeurs, acteurs de théâtre, jongleurs animent Héraklion.

De son côté, La Canée réserve également ses découvertes à tous les carrefours, toujours dans cet esprit d’embellissement parfaitement intégré à l’architecture et à la douceur de vivre crétoise que nous aimons tant.

Art contemporain

Le Musée d’art contemporain de Réthymnon s’est établi au cœur de la vieille ville, sous le fort vénitien et le musée archéologique. Depuis 2009, cet espace d’exposition a fusionné avec la galerie dédiée au peintre Lefteris Kanakakis et le Centre d’art contemporain. Les 600 œuvres d’art grec de la collection permanente couvrent la période allant de 1950 à nos jours, de l’abstraction à la création numérique. Elle regroupe les huiles, dessins et aquarelles de Lefteris Kanakakis, enfant du village (1934-1985). Après des études aux Beaux-Arts d’Athènes, Kanakakis poursuit sa formation à Paris. Sa peinture a pour thèmes les natures mortes et les intérieurs, dans un style naturaliste. Sur la fin de sa carrière, il évoque la situation politique par l’introduction d’objets symboliques (drapeaux, médailles ou trompettes) sans abandonner son travail sur le nu féminin et le portrait. Le petit port de Viannos a miraculeusement vu s’étoffer la collection d’art grec contemporain de la galerie Savvas Petrakis. Dans un ancien moulin à huile, à proximité de la plage, le musée réunit un nombre exceptionnel de talents. La raison de sa richesse s’explique par son histoire qui est celle d’un rêve devenu réalité. Alors hospitalisé, Petrakis eut un déclic : il demanda à des Crétois de faire don d’une œuvre afin de concrétiser son projet. Certains le traitèrent de fou. Mais bien vite, et grâce au soutien du sculpteur Kyriakos Rokos, sa collection prit une ampleur inespérée. Désormais, pas moins de 200 œuvres signées de généreux artistes grecs font le bonheur des visiteurs.