2000-1000 av. J.-C

Au sud du Caucase, de petits royaumes, dont le Hayasa (d’où l’Arménie tient peut-être son nom « Hayastan ») forment la Fédération tribale de Naïri. Ces peuples indigènes, ni sémitiques ni indo-européens, forment ensuite les royaumes de Hourri et Mitanni.

1000 av. J.-C

Partis de Thrace, dans la foulée des peuples indo-européens déferlant sur le Proche-Orient, les Armens laissent leurs frères phrygiens en Asie mineure pour s’établir au sud du Caucase.

870-590 av. J.-C

Sous l’impulsion du Hourri, le royaume d’Ourartou (à rapprocher d’Ararat) devient une puissance régionale, qui prospère autour de la capitale Toushpa, près de Van, malgré des guerres incessantes avec l’Assyrie. La forteresse d’Erébouni (Erevan), fondée par Arguishti Ier en 782 av. J.-C. témoigne d’une société florissante, en lien étroit avec les grandes civilisations d’alors. Déstabilisé par les vagues d’envahisseurs indo-européens scythes et cimmériens et enfin mèdes, qui dominent la région, l’Ourartou disparaît dans une confusion dont auraient profité les Armens, tandis que les Perses prennent le dessus sur leurs cousins mèdes.

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520 av.J.-C

La première mention des Arméniens apparaît gravée en caractères cunéiformes sur le « rocher de Béhistûn » (Iran) par le roi de Perse Darius Ier, qui rangeait l’« Armîniya » parmi les nations vassales de l’Empire perse achéménide.

VI-IIIe siècle av. J.-C

Entre Perses et Grecs

Les premiers rois Ervantides ont rang de simples satrapes dans la Perse achéménide. L’iranisation est freinée par la victoire d’Alexandre le Grand (331-323) sur les Achéménides, déterminante pour l’Arménie. Ses héritiers, les Séleucides, laissent aux rois d’Arménie une autonomie synonyme d’hellénisation. Le pays est divisé, au IVe siècle, entre l’Arménie mineure, à l’ouest de l’Euphrate, très hellénisée, et la Grande Arménie, à l’est, développant une identité arménienne plus marquée.

190 av. J.C.-60 ap. J.-C

Tentations impériales avec Tigrane

Cette identité s’affirme au IIe siècle, dans une Arménie unifiée par la dynastie artaxiade qui écrit les pages les plus glorieuses de l’Arménie avec Tigrane II (95-55) le grand, qui lui donna sa plus grande extension, de l’Arménie mineure à la Cappadoce et à la Phénicie. Déplacée au sud, la prospère capitale, Tigranakert (Diyarbakir), attire des milliers de colons de toutes origines. D’abord alliée aux Romains, l’Arménie devient d’autant plus gênante que leur ennemi juré, le roi du Pont Mithridate, communique ses ambitions à son gendre Tigrane. Vaincu par Pompée, Tigrane renonce à ses conquêtes et accepte le protectorat romain sur la Grande Arménie.

60-428 ap. J.-C

Le choix du christianisme

L’accord de Rhandéia (63 apr. J.-C.), entre Rome et la Perse, redevenue une puissance avec la dynastie arsacide des Parthes iraniens, place un arsacide parthe sur le trône arménien, inféodé à Rome. Le premier roi arsacide arménien Trdat Ier est investi par Néron en 66. Les Arsacides arméniens choisissent Rome quand les Parthes de Perse sont renversés par les Sassanides (224-651), désireux d’imposer le mazdéisme… et l’Occident quand Trdat III (298-330) se convertit au christianisme, en 301 ! Les résistances du paganisme soutenu par les Sassanides suscitent des troubles, dont Romains et Perses profitent pour diviser l’Arménie (387) : à l’ouest, la tutelle romano-byzantine désormais chrétienne se traduit par une politique d’assimilation, à l’est, les Perses hostiles au christianisme causent la chute des Arsacides arméniens en 428.

451

Dotée d’un alphabet depuis 406, la nation divisée affirme son identité à la bataille d’Avaraïr, opposant l’armée perse aux troupes de Vartan Mamikonian. Les Arméniens sont battus, mais la Perse renonce à imposer le mazdéisme. Absent du concile de Chalcédoine (451), où les théologiens réunis par Byzance définissaient la vraie nature du Christ, le clergé arménien en récusera les conclusions en 552, affirmant ainsi sa spécificité dans le monde chrétien.

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VIe-IXe siècle

La domination arabe

L’indépendance de l’Église arménienne, derrière un catholicos, siégeant à Etchmiadzine, préserve les Arméniens des efforts d’assimilation de l’Église de Byzance, mais les isolera quand les Arabes musulmans conquièrent la région au VIIe siècle. En comparaison des Byzantins, qui ont sapé le système féodal des nakharars, dans les provinces qu’ils contrôlent, le joug des Perses mazdéens et de leurs successeurs arabes est presque moins pesant. Et la domination arabe cimente les grandes familles féodales, mettant fin au morcellement politique qui minait l’Arménie.

IXe-XIe siècle

L’âge d’or d’Ani

Deux familles dominent l’Arménie, les Bagratouni au nord, les Ardzrouni au sud. La monarchie renaît au nord avec Achot le Grand (884-890), reconnu roi par le calife de Bagdad puis par l’empereur de Byzance. Investis « roi des rois », les Bagratides attirent le catholicos à Ani (Turquie, rive gauche de l’Akhourian), leur capitale depuis 961. Ceinte de puissantes murailles, la ville « aux mille et une églises », étape obligée sur la Route de Soie, témoigne de la puissance d’une monarchie qui a surmonté les divisions féodales. Les princes Ardzrouni du Vaspourakan, entre lacs de Van et d’Ourmiah, reconnaissent la primauté des Bagratides, tout en ménageant Bagdad et Byzance.

XIe siècle

L’invasion turque

Venus d’Asie centrale, les Turcs bouleversent les équilibres régionaux. Pourtant, les Byzantins s’emparent d’Ani (1048), affaiblissant les Arméniens. Son élite militaire déplacée en territoire grec, l’Arménie, désormais byzantine, est submergée par les cavaliers turcs, qui prennent Ani (1064). En brisant la royauté arménienne, Byzance commet une erreur – une trahison, selon les Arméniens – qu’elle paiera cher : en 1071, le désastre des Byzantins à Manazkert soumet l’Arménie aux Turcs et leur ouvre l’Asie Mineure et Constantinople, conquise en 1453.

XIe-XIVe siècle

L’Arménie déménage en Cilicie

Profitant du vide laissé par Byzance en Cilicie, sur la Méditerranée, les Arméniens fuyant les Turcs y créent un nouvel État, qui deviendra une puissance régionale et maritime à la faveur des Croisades. Des alliances avec les princes normands d’Antioche lui permettent de résister aux efforts de reconquête de Byzance et aux Turcs. Lévon Ier (1187-1219) contribue à la renommée de la Cilicie en Occident, et est couronné roi en 1198 par les légats du pape et de l’empereur germanique, restaurant la royauté après 150 ans. Une dynastie rivale inaugurée par Hétoum Ier (1226-1269) reconduit les alliances avec les Francs, et compose même avec les Mongols. Mais la défaite du royaume d’Acre face aux Mamelouks d’Égypte (1291) signe la perte de la Cilicie, les Mongols de Perse ayant choisi l’Islam. La Cilicie agonise, sous l’autorité des princes de la maison poitevine des Lusignan, qui régnait à Chypre, dont le dernier roi, Léon V Lusignan (1373-1375) capitule devant les Mamelouks. Il meurt en 1393 à Paris et repose dans la basilique de Saint-Denis.

XIIe -XIVe siècle

Les Zakarian au Nord

Dans la Grande Arménie, protégés par la Géorgie et sa légendaire reine Thamar, les frères Ivane et Zakare libèrent l’Ayrarat, la Siounie (actuelle Arménie) et l’Artsakh (Karabagh). Brillants stratèges, les Zakarian reprennent aux Turcs Kars et Ani, qui retrouve sa splendeur. Mais l’invasion mongole fait passer les rois de Géorgie et leurs vassaux arméniens sous la tutelle des khans de Perse au XIVe siècle. Les Arméniens poursuivent leur exode vers la Crimée et la Pologne.

XVe-XVIIIe siècle

Déclin et réveil national

Dévastée par les hordes de Tamerlan, au XVe siècle, puis par les guerres entre Turcs ottomans et Perses séfévides, qui se disputent le pays aux XVIe et XVIIe siècles, l’Arménie se replie autour d’Etchmiadzine, ferment d’un sentiment patriotique qui se réveille au XVIIe siècle, avec l’emprise des Arméniens sur le commerce d’Orient en Occident. Déportés du Nakhitchevan à Ispahan (1603-1605) par le shah Abbas Ier, les Arméniens de Djoulfa y fondent une puissante colonie, centre nerveux de ce commerce. Des comptoirs d’Occident à la Chine, ce réseau de marchands fait circuler les idées nouvelles, qui vont germer à Constantinople, où une élite arménienne est en charge des finances des sultans, tandis que la Grande Arménie ploie sous le joug musulman. Des notables arméniens œuvrent pour une croisade de Louis XIV et du pape contre les Turcs. Mais le temps n’est plus aux croisades, et les espoirs se portent sur la Russie, dont les soldats abordent Bakou en 1722, profitant de l’affaiblissement de la Perse face aux Ottomans ; au Karabagh, les méliks arméniens résistent aux Perses jusqu’au recul des Russes en 1730.

1701

L’installation à Venise de la congrégation mkhitariste, fondée par Mekhitar de Sébaste, un prêtre arménien converti au catholicisme, contribue à la renaissance culturelle, avec des communautés qui, de Constantinople à Madras, mettent l’imprimerie au service de l’émancipation nationale.

1829

Naissance de l’Arménie russe

Au terme de traités avec la Perse, la Russie annexe le khanat perse d’Elizabetpol (Azerbaïdjan) avec les Arméniens du Karabagh, puis les khanats d’Erevan et de Nakhitchevan (1828), une intégration en deux temps d’où naîtra le conflit du Karabagh. La Russie se pose en défenseurs des chrétiens d’Orient, provoquant des tensions avec les Ottomans et les autres Puissances.

1839-1914

L’Empire ottoman et la question arménienne

Sous la pression des Puissances, l’Empire ottoman engage des réformes pour améliorer le sort des chrétiens. Malgré le traité de Berlin, en 1878, la situation des Arméniens s’aggrave, les incitant à créer des partis et à s’armer. Après les massacres arméniens de 1894-1896 du « sultan rouge » Abdul Hamid, la révolution des Jeunes-Turcs de 1908 donne lieu aux massacres d’Adana et renforce le nationalisme turc, tandis que le tsar Nicolas II s’empare de la question arménienne.

1914-1918

Le génocide

L’entrée en guerre des Ottomans aux côtés de l’Allemagne rejette les Arméniens entre camps antagonistes. Le 24 avril 1915, les Jeunes-Turcs donnent le coup d’envoi d’une politique d’extermination qui, en 3 ans, vide l’Arménie occidentale de ses Arméniens, déportés et massacrés.

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1918-1920

La Ière République

Seuls face aux Turcs depuis la Révolution russe de 1917 et l’armistice de Lénine avec le Sultan, les Arméniens défendent l’Arménie russe, qui proclame son indépendance le 28 mai 1918 sur un territoire dévasté, qui a accueilli des rescapés du génocide, et en guerre avec les Azéris pour le Karabagh. En août 1920, l’Empire ottoman à l’agonie, signe le traité de Sèvres, consacrant l’indépendance d’un territoire équivalant à celui de l’Arménie historique. Menacée par Kemal, qui dénonce ce texte, l’Arménie démocratique accepte, en novembre 1920, la soviétisation, mais doit renoncer au Karabagh et au Nakhitchévan, attribués à l’Azerbaïdjan soviétisé. En 1923, les vainqueurs signent avec le père de la République turque, Kemal, en 1923 le traité de Lausanne, qui annule celui de Sèvres, et ne fait plus mention d’un État arménien.

1920-1988

Une parenthèse soviétique

« La plus petite des Républiques socialistes soviétiques » (RSS) suit les destinées de l’URSS. La russification, la collectivisation, l’industrialisation privent de ses repères une société rurale, où le PC se substitue à l’Église et à la famille. Les purges de 1937 par Staline constituant un pic de cette violence. Mais quand survient la Seconde Guerre mondiale, Staline en appelle aux sentiments nationaux des Arméniens, dont 200 000 périssent sur les différents fronts. Si l’identité nationale se réveille lors des gigantesques manifestations pour le cinquantenaire du génocide à Erevan en 1965, les indépendantistes restent marginaux et l’Arménie passe pour la plus loyale des RSS.

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1988-1991

Vers l’indépendance

Sous l’effet de la perestroïka et de la glasnost, les Arméniens manifestent massivement à Erevan pour le rattachement du Haut-Karabagh, région autonome d’Azerbaïdjan peuplée d’Arméniens, à partir de février 1988. Le Kremlin dit « niet » et en Azerbaïdjan, en mars 1988, des pogromes à Soumgaït provoquent l’exode, sur 2 ans, des 500 000 Arméniens du pays. Tandis que les Arméniens organisent la résistance au Karabagh, l’Arménie conteste le système soviétique, dont le terrible séisme de Léninakan (Gyumri), le 7 décembre 1988, souligne l’incurie tout en suscitant un élan de solidarité international. Le Comité Karabagh, groupe d’une dizaine d’opposants, marginalise le PC, sur fond de délitement de l’URSS.

1991-1997

Indépendance sur fond de conflit

L’Arménie proclame son indépendance par le référendum du 21 septembre 1991, et élit le 16 octobre son premier président au suffrage universel, l’orientaliste Levon Ter-Petrossian, leader du Comité Karabagh. Membre de l’ONU, l’Arménie se rapproche de la Russie. En mai 1994, l’Arménie et l’Azerbaïdjan signent un cessez-le-feu sous l’égide de la Russie : les Arméniens contrôlent une grande partie du Haut-Karabagh – indépendant en 1991 – et les districts environnants, assurant la continuité territoriale avec l’Arménie au prix d’un blocus turco-azéri et de pénuries. Ter-Petrossian est réélu en septembre 1996 sur fond de contestation, mais en septembre 1997, après avoir conclu un accord avec Moscou sur la présence de bases russes en Arménie, il fait preuve de défaitisme sur le Karabagh provoquant une crise avec son Premier ministre et ancien président du Karabagh, Robert Kotcharian.

1998-2008

Les années Kotcharian

Ter-Petrossian démissionne en février 1998, et Kotcharian est élu président en mars. Il exalte la solidarité avec le Karabagh, tout en poursuivant les négociations avec Bakou sous l’égide du Groupe de Minsk de l’OSCE. Déstabilisé par l’attaque du 27 octobre 1999 contre le Parlement par un commando qui tue 8 hauts responsables, Kotcharian reprend les rênes du Parti républicain qui contrôle un Parlement où les oligarques font une entrée en force. Réélu en 2003, il prépare sa succession en désignant comme dauphin son ancien compagnon d’armes du Karabagh, Serge Sarkissian.

2008-2018

S. Sarkissian

En février 2008, l’élection de S. Sarkissian est contestée par L. Ter-Petrossian, qui revendique la victoire ; la charge de la police contre ses partisans fait 10 morts le 1er mars 2008 à Erevan, sur fond d’état d’urgence et d’arrestations. S. Sarkissian amnistie les derniers prisonniers politiques en 2011. Réélu en 2013, il rallie l’Union eurasienne de Poutine, et fait approuver par référendum en décembre 2015 la transformation de l’Arménie en une république parlementaire dont il serait le no 1 au terme de son mandat en avril 2018.

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2018

Nikol Pachinian et la Nouvelle Arménie

Sous la pression de la Révolution de velours du journaliste et opposant Nikol Pachinian, Sarkissian démissionne le 23 avril, 6 jours après avoir été élu Premier ministre. Investi Premier ministre après les législatives de décembre 2018 qui renouvellent un Parlement dont le Parti républicain est exclu, N. Pachinian mène une lutte sans merci contre la corruption et les anciens responsables, censée donner le jour à une « nouvelle Arménie » plus démocratique.

2020

L'Arménie face à la pandémie de coronavirus

L’Arménie a été durement frappée au printemps 2020 par la pandémie de coronavirus qui a ébranlé son système de santé. Les autorités décidaient à la mi-mars, comme celles de tant d’autres pays, de fermer les frontières et de confiner les habitants avant un déconfinement total à partir du 4 mai, mesure trop précoce qui provoquera un rebond en juillet. Mais alors que les mesures sanitaires semblaient avoir endigué l'épidémie, la guerre déclarée par l'Azerbaïdjan à l'automne 2020 au Karabagh reléguera au second rang la lutte contre la covid, qui repart à la hausse début 2021, menaçant un système hospitalier saturé par les blessés de la guerre. Avec 4 500 morts recensés en juillet 2021, les autorités lancent lentement une campagne de vaccination, qui se heurte à la méfiance de la population. 

2020-2021

La nouvelle Arménie à l’épreuve de la guerre

Rattrapé par la question du Karabagh, qu'il a attisée en déclarant en août 2019 à Stepanakert « L'Artsakh, c’est l’Arménie ! », N. Pachinian fait face le 27 septembre 2020, à une vaste offensive de l'Azerbaïdjan, aidé par la Turquie et des djihadistes syriens à sa solde, en vue de reconquérir le territoire arménien. Après 45 jours de combats faisant au moins 6 000 morts, les Arméniens, vaincus, acceptent, le 9 novembre, le cessez-le-feu de Poutine : ils cèdent aux Azéris Shushi et Hadrout au Karabagh, et les 7 districts limitrophes qu’ils contrôlaient depuis 1994. Une force de paix russe assure pour au moins 5 ans la sécurité de l’Artsakh, et aussi des frontières sud de l'Arménie, que la défaite a fait ressurgir et dont le tracé datant de l'ère soviétique, est contesté par Bakou qui détient en otages des dizaines de prisonniers arméniens.

La capitulation a fragilisé N. Pachinian, dont des manifestants, ralliés par les chefs de l’armée en février 2021, exigent la démission, mais il est reconduit à ses fonctions à la faveur des législatives anticipées du 20 juin 2021, qui accordent, sans enthousiasme, la majorité à son parti Contrat civil, régnant sur un Parlement où l'opposition est représentée par des alliances nationalistes dirigées par les ex-présidents Kotcharian et Sarkissian.