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Influences soviétiques et américaines

Longtemps confinée dans le vase clos soviétique, l’Arménie est entrée dans l’ère de la consommation mondialisée et a accès à ces produits occidentaux jadis interdits, qui faisaient l’objet d’un marché noir très lucratif, là plus encore qu’ailleurs en URSS, en raison de ses liens étroits avec une importante diaspora qui lui avait permis de se procurer plus tôt ces articles si convoités, frappés du sceau infamant du monde capitaliste. On avait alors l’habitude d’amener des produits en Arménie plutôt que d’en ramener, sinon des articles en série aux couleurs locales pour les amateurs de kitsch soviétique et l’inévitable bouteille de ce Gognak (cognac à l’arménienne) qui sut flatter le palais de Churchill. Après l’indépendance, des magasins et centres commerciaux, « mall » à l’américaine, ont vu le jour, proposant des produits occidentaux, ou leurs ersatz turc, russe ou chinois, dont les prix restent souvent hors de portée du porte-monnaie de la ménagère et qui présentent un intérêt très limité pour le voyageur en quête d’exotisme, sauf à sacrifier au second degré, khatchkars en faux marbre incrustés de pierres factices, reproductions sous toutes ses coutures du mont Ararat, et autres objets d’inspiration religieuse, proposés aussi à l’entrée des principaux sites touristiques, monastères et églises.

Renaissance de l’artisanat

Mais avec l’essor du tourisme, l’artisanat traditionnel connaît une renaissance sous l’impulsion des Arméniens de la diaspora, qui l’ont fait revivre dans les campagnes pour concevoir des créations soucieuses d’authenticité. Des boutiques et ateliers de créations proposent des articles reproduisant des modèles traditionnels et innovants, à Erevan, mais aussi à Gyumri, où se perpétue l’art de la céramique de Kutahya. De quoi rapporter de belles pièces – reproductions en terre cuite de statuettes de l’époque d’Ourartou, reproduction d’enluminures ornant les fameux manuscrits du Matenadaran et objets exaltant l’alphabet qui fait l’orgueil national, ceintures en argent et bijoux ornés d’obsidiennes et de pierres semi-précieuses, cafetières et autres objets et ustensiles en cuivre repoussé, sacs et accessoires de tissus et laines de moutons locaux aux motifs et couleurs traditionnels… – à côté du fameux Gognak – pardon brandy, la marque étant déposée en France ! – dont l’Arménie s’est fait une spécialité depuis l’époque du tsar et dont la fabrique plus que centenaire est l’un des hauts lieux d’Erevan, où l’on peut déguster et acheter ce breuvage mis en bouteille par de nombreux autres concurrents.

Vins et produits du terroir

Depuis peu, l’Arménie s’est employée aussi à promouvoir son vin, dont elle revendique le brevet au nom du patriarche Noé, qui aurait planté les premiers ceps de vigne au pied de l’Ararat, où s’étendent des vignobles à perte de vue. Forte de ce mythe, conforté par la découverte archéologique de caves à vin vieilles de plusieurs millénaires dans la région viticole du Vayotsdzor (Sud), l’Arménie entend rattraper le retard pris par rapport à la Géorgie, en développant des crus issus de ses meilleurs cépages, mis non plus dans les antiques karas, version locale des amphores, mais dans des bouteilles dont vous pourrez ramener les meilleures, à votre goût, après les avoir dégustées chez le caviste ou dans les nombreux bars à vins d’Erevan. Outre les eaux-de-vie que les Arméniens font de tous fruits, notamment la mûre toutioghi, très appréciée, et la vodka, vous pouvez aussi ramener les saveurs de l’Arménie avec quelques autres produits phares du terroir, comme les confitures, d’abricot bien sûr, les feuilles de vigne et l’emblématique pain lavache, et pourquoi pas, du caviar du Karabagh, en phase de développement dans les viviers de ce territoire. Dans la gamme supérieure, l’orfèvrerie et les tapis. Relevant d’une longue tradition caucasienne et anatolienne, les tapis et kilims d’Arménie et du Karabagh sont presque aussi réputés que ceux d’Iran. Mais il faudra se mettre en règle avec l’administration, très sourcilleuse même quand il ne s’agit pas d’antiquités, dont l’exportation est interdite. Pas besoin de justificatifs pour les articles de l’ère soviétique – casquettes, ceinturons et bottes de l’armée rouge ou du KGB, ou badges frappés de la faucille et du marteau – que l’on trouve en nombre à Vernissaj, les puces d’Erevan.

Le tapis élevé au rang d’art

Le tapis (kork) est l’une des expressions emblématiques de l’art populaire arménien. L’artisanat du tapis est attesté depuis les temps les plus reculés, trahissant l’influence des cultures limitrophes, des steppes ou d’Iran. Des fouilles archéologiques ont révélé des fragments de tapis datant du IIe millénaire avant notre ère. Le plus ancien tapis arménien conservé a été réalisé en 1202, dans le village de Banants, province d’Outik. Ainsi Marco Polo écrivait en 1271 : « Dans la province de Turcomanie sont trois sortes de gens : ce sont Turcomans, qui adorent Mahomet… Ils vivent comme des bêtes en toutes choses… les autres sont les Arméniens… et les Grecs, qui demeurent mêlés dans villes et villages, et vivent de commerce et d’artisanat. C’est là que se font les plus beaux tapis du monde et des plus magnifiques couleurs… ». Les plus anciens exemplaires (XVe- XVIe siècles) sont du type à dragons (vichapakork), aux motifs floraux et ornementaux très stylisés et caractérisés par un dessin géométrique généralement à losanges. Puis sont apparus des tapis à motifs plus libres, du type Koar, et enfin, une 3e école, apparue au XVIIIe siècle et appelée Kasakh, et dont les productions proviennent de la région à l’ouest du lac Sevan. À l’est du Sevan, le tapis du Karabagh est lui aussi renommé. Quel qu’en soit le style, le tapis est un élément essentiel de la décoration arménienne, le fruit du labeur de l’artisan qui a su exprimer son génie dans la magie des couleurs et des formes entrecroisées. On le retrouve dans les lieux de culte, où il recouvre l’autel ou le sol de certaines chapelles, et il orne les intérieurs les plus modestes. Si l’artisanat du tapis ne s’est transmis qu’à travers le savoir-faire de rares maîtres tapissiers, les manufactures de tapis locales produisent de belles pièces qui sont autant d’idées de cadeaux pour le touriste. Attention, pas question de chercher à se procurer un tapis d’époque, et même pour les tapis de facture récente il faut demander au commerçant toutes les attestations, afin d’éviter les ennuis et les surtaxes à la douane.