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Une faune et flore rares mais diversifiées

En raison d’une sécheresse extrême et d’un ensoleillement intense, la végétation est rare aux plus basses altitudes. Intensément cultivée grâce à l’irrigation, la plaine de l’Ararat n’a conservé que par endroits des traces de la végétation semi-désertique originelle, constituée de plantes xérophiles de type méditerranéen, visibles sur certains versants montagneux. En altitude, la terre se couvre partout d’une herbe verte et grasse, riches pâturages qui ont toujours suscité les convoitises des nomades et provoqué des vendettas entre agriculteurs arméniens et bergers kurdes ou azéris. Brûlées par le soleil de l’été, les hautes herbes des pâturages se flétrissent et prennent des teintes ocre et pastel durant l’automne, avant de se revêtir d’un épais manteau blanc. Plus haut, sur les sommets, l’herbe rase et les fleurs d’altitude annoncent la zone de la toundra et des neiges éternelles : c’est le domaine des mouflons, des aegagres et des éperviers, du tétras, de la fauvette des Alpes, de l’alouette cornue et de la niverolle des neiges. Rançon d’un volcanisme qui a fertilisé le sol, la terre arménienne est criblée de débris de laves et autres roches éruptives qui ont valu à l’Arménie le surnom de Karastan (« pays des pierres »). Regorgeant d’obsidiennes – qui recouvrent certains versants sur la route de Sevan - et autres pierres qui enrichissent leur gamme chromatique, les montagnes d’Arménie peuvent être considérées comme un musée géologique à ciel ouvert. Un univers minéral dominateur, contre lequel le monde végétal mène un combat inégal, avec l’aide de l’homme : le cultivateur arménien doit ainsi s’improviser terrassier pour débarrasser ses champs de toutes leurs « mauvaises pierres ». Vignobles et arbres fruitiers, de l’abricot à la grenade, y poussent en abondance grâce au soleil généreux, mais les hivers rigoureux ne permettent pas la croissance d’espèces méridionales, comme l’olive ou les agrumes.

Les forêts arméniennes

L’intervention humaine a été moins bénéfique pour les forêts arméniennes, dont les chroniques médiévales attestent qu’elles furent beaucoup plus étendues. La couverture forestière s’est réduite comme peau de chagrin à force de déboisement, au point de ne représenter que 9 % de la superficie. Hors des zones densément boisées du nord-est et du sud, des vestiges de forêts sur les pentes de l’Arakadz, à Dzaghkadzor, dans le Parc naturel de Khosrov au sud de Géghard, ou encore par endroits autour du Sevan, témoignent de la splendeur forestière passée. Théoriquement protégées, les forêts ont été sérieusement menacées aussi durant l’hiver 1992-1993, quand les habitants ont procédé à des coupes sauvages pour pallier les pénuries d’électricité et de chauffage, réduisant à néant les efforts de reboisement déployés à la fin de l’ère soviétique. Les forêts, là où elles existent, dans le nord-est, avec le Parc national de Dilidjan, dans le Zanguézour (Chikahogh), ou dans le Karabagh, n’en sont pas moins somptueuses, d’autant qu’elles ont conservé nombre de spécimens d’essences locales, comme le pin du Caucase, le platane, ou le hêtre, aux côtés de chênes, érables, frênes, ormes, noisetiers et autres arbres fruitiers sauvages. On peut y croiser des chevreuils, des bécasses, des rouges-gorges, des mésanges et autres piverts ; ou préférera éviter le loup, le sanglier et surtout l’ours de Syrie et le lynx, seuls prédateurs de ces forêts, avec la panthère, dont on a observé quelques rares spécimens dans les forêts du sud. En automne, quand commence la saison de la chasse (très réglementée), la forêt arménienne s’habille de rouge et d’or, reflétant la grande variété des feuillus qui la composent; cette parure d’une somptueuse polychromie, se détachant sur le bleu azur exceptionnellement intense du ciel, justifie une visite en Arménie fin septembre début octobre (voskéachoun, littéralement « automne d’or » en arménien). Un décor que les autorités arméniennes actuelles s’emploient à développer, en engageant un ambitieux programme qui vise à intensifier l’effort déjà important de reboisement, jusqu’à doubler la couverture forestière du pays à l’horizon 2050.

Des arbres dignes de respect

En Arménie, l’arbre (dzar) jouit du respect dû à ce qui est rare. Il est très protégé dans les parcs nationaux comme celui de Dilidjan, au nord, la forêt de Khosrov, au centre ou le parc de Chikahogh, dans le sud. Dans les régions non forestières, il incarne la victoire de la vie sur les pierres qui tapissent les hauts plateaux balayés par les vents; certaines localités vouent une vénération à leurs arbres parfois pluriséculaires qui sont les gardiens de leur mémoire, comme le vénérable platane âgé de 2000 ans à Tnjiri au Karabagh. Les arts arméniens ont aussi rendu de vibrants hommages à l’arbre : l’iconographie abonde en représentations sculptées ou picturales de l’« arbre de vie », qui symbolise la médiation entre le ciel et la terre. Ce lien n’a pas été coupé. Aujourd’hui encore, l’arbre est très présent dans la vie, religieuse notamment, des Arméniens, comme peuvent en témoigner ces rubans de tissus multicolores qu’ils nouent aux branches de certains arbres, souvent près des lieux de culte, et qui sont les garants de leurs vœux. Nombre de bois et de parcs témoignent de la puissance symbolique de l’arbre : ainsi à Erevan, sur la colline de Dzidzernakapert où se dresse le mémorial du génocide de 1915, il est d’usage que les hôtes de la République honorent la mémoire des victimes en plantant un arbre. Et en avril 2020, alors que le pays fait face à l’épidémie de coronavirus, le président Armen Sarkissian lançait le projet d’y aménager un vaste parc comptant autant d’arbres que de victimes du génocide (1,5 million). Une tradition plus récente, celle des « samedis rouges », ces journées au cours desquelles des brigades de volontaires des Jeunesses communistes allaient planter des arbres dans la campagne, a été réhabilitée et remise au goût du jour, sous la forme de l’opération « planter un arbre »; pendant un mois de l’année, les Arméniens sont invités à suivre l’exemple de leurs dirigeants et des responsables politiques qui manient la pelle et la bêche pour reboiser le pays, tandis que des associations mènent un travail parfois bénévole pour la reforestation. Ainsi l’ONG américaine Armenian Tree project, fondée en 1994, qui a planté des millions d’arbres dans les parcs des villes et dans les montagnes du pays, contribuant à sa biodiversité tout en fournissant du travail aux populations locales.