Histoire et influences culinaires

Du fait de la présence pendant plusieurs siècles de son grand voisin chinois, la cuisine vietnamienne reprend de nombreux concepts venant de l’Empire du Milieu. Le principe du yin et du yang (Âm dương en vietnamien) est appliqué à la composition d’un repas de manière à procurer un équilibre bénéfique pour le corps. Bien que les contrastes de texture et de saveur soient importants, le principe concerne principalement les propriétés de « chauffage » et de « refroidissement » des ingrédients. Certains plats sont servis à leurs saisons respectives pour offrir des contrastes de température et d’épices. La viande de canard, considérée comme « fraîche », est servie pendant la saison estivale avec une sauce de poisson au gingembre, qui est « chaude ». À l’inverse, le poulet et le porc « chauds » se mangent en hiver. Les fruits de mer sont des aliments « froids » et donc conviennent au gingembre « chaud ». Les épices « chaudes » sont généralement équilibrées avec l’acidité, qui est considérée comme « froide ». Des concepts qui se retrouvent en médecine chinoise et qui ont fait leur chemin jusqu’au Viêt Nam.
Autre influence chinoise, l’utilisation des baguettes (dua) pour manger, ce qui n’est pas le cas dans le reste de l’Asie du Sud-Est où on mange plus communément avec des cuillères ou avec les mains. Celles-ci sont généralement en bambou ou, pour les plus précieuses, en ivoire ou encore en bois noir (go mun), serties d’argent. Aujourd’hui, la version plastique tend à s’imposer. Dans les restaurants, le couvert occidental est souvent présenté en plus des baguettes. En effet, l’influence européenne s’est fait sentir dans le pays dès le XIXe siècle. Le Viêt Nam devient un des États constitutifs de l’Indochine française dès 1887, ce qui n’aura pas manqué de laisser des traces dans la gastronomie vietnamienne. On retrouve ainsi le bánh mì, à base de baguette de pain, encore communément consommée dans le pays. D’autres plats comme le phở ou le bánh patê sô, ne sont que les déformations des mots français « pot-au-feu » et « pâté chaud ». La viticulture rencontra moins de succès à cause du climat tropical inadapté à la culture de la vigne.
S’étirant du nord au sud sur quelque 1 650 km – pour une distance est-ouest d’à peine 50 km sur sa portion la plus étroite – le pays possède une cuisine riche et diversifiée. Au nord du Viêt Nam, un climat plus froid limite la culture et la disponibilité de certaines épices pendant l’année notamment dans les régions montagneuses. En conséquence, les aliments y sont souvent moins épicés que ceux des autres régions. Le poivre noir remplace souvent le piment pour le piquant, ce qui était d’ailleurs le cas plus généralement en Asie avant l’introduction du piment originaire du continent américain par les Européens au XVIe siècle. En général, la cuisine nord-vietnamienne présente des saveurs légères et équilibrées résultant de combinaisons subtiles de nombreux ingrédients aromatiques. L’utilisation de viandes telles que le porc, le bœuf et le poulet était relativement limitée dans le passé. Les poissons d’eau douce, les crustacés et les mollusques, comme les crevettes, les calmars, les palourdes et les moules, sont largement utilisés. Sans parler du crabe qui est très populaire. La sauce de poisson, la sauce soja, la sauce aux crevettes et les citrons verts sont les principaux aromates. Berceau de la civilisation vietnamienne, le nord du Viêt Nam produit de nombreux plats caractéristiques du Viêt Nam, tels que le bún riêu et le bánh cuốn, qui ont été transportés dans le centre et le sud du Viêt Nam par la migration vietnamienne.
L’abondance d’épices produites sur le relief varié du centre du Viêt Nam rend la cuisine de cette région remarquable pour sa nourriture plus pimentée, ce qui la distingue des deux autres régions du Viêt Nam où la cuisine n’est généralement pas épicée. Ancienne capitale de la dernière dynastie du Viêt Nam, la tradition culinaire de Huế consiste en une cuisine très colorée, où l’accent est mis sur la présentation, reflétant l’influence de l’ancienne cuisine royale vietnamienne. La cuisine de la région se distingue par ses repas sophistiqués consistant en de nombreux plats complexes servis en petites portions. Les piments et la sauce de crevettes font partie des ingrédients fréquemment utilisés. Certains plats emblématiques, préparés dans le centre du pays sont le bún bò huế et le bánh khoái huế.
Le climat tropical humide et le sol fertile du delta du Mékong au sud du Viêt Nam créent des conditions idéales pour la culture d’une grande variété de fruits, de légumes et l’élevage du bétail. En conséquence, les plats dans le sud du Viêt Nam sont souvent variés et riches en goût, caractérisés par un usage généreux d’ail, d’échalotes et d’herbes fraîches. Le sucre est plus souvent utilisé que dans le reste du pays créant de nombreux plats aigres-doux. La préférence pour le sucré dans le sud du Viêt Nam s’observe aussi à travers l’utilisation répandue du lait de coco. Le bánh khọt et le bún mam figurent parmi les plats de fruits de mer les plus populaires du Viêt Nam.

Les classiques de la cuisine vietnamienne

Les chefs vietnamiens ont pris l’habitude d’agrémenter les plats avec un grand nombre d’herbes aromatiques et de crudités en général. C’est une des grandes caractéristiques de la cuisine du pays. En plus du trio menthe-coriandre-basilic thaï, on retrouve le diếp cá, au goût iodé rappelant le poisson, le ngo gai ou coriandre longue, ainsi que le rau răm, aussi bien appelé menthe que coriandre vietnamienne, bien qu’il n’ait aucune parenté avec ces deux herbes aromatiques. Le rau sống désigne un mélange de légumes -notamment laitue, oignon, radis blanc, carotte râpée, coriandre, menthe - qui accompagne la plupart des plats. Le terme dưa muối correspond à différents types de légumes au vinaigre : ail, oignon nouveau, carotte, radis. Du fait de sa culture bouddhiste, il y a beaucoup de végétariens dans le pays et la plupart des plats contenant de la viande possèdent des variantes à base de tofu ou d’autres protéines végétales.

S’il y a un condiment qui résume à lui seul le Viêt Nam, c’est certainement le nước mâm. Cette sauce obtenue par la fermentation de poisson dans du sel donne un jus clair très odorant et riche en goût. Celui produit dans l’île de Phu Quoc fait l’objet d’une appellation d’origine contrôlée au Viêt Nam depuis 2001. Ce que l’on retrouve généralement en Europe sous le nom de « sauce pour nems » s’appelle nước chấm au Viêt Nam et se compose de nước mâm, d’eau, de vinaigre et de sucre. Le mắm tôm est sauce épaisse et violacée à base de crevettes fermentées. Souvent, elle est additionnée de piment et de jus de citron avant d’être servie. On retrouve d’autres condiments comme la sauce de soja, le tương – une pâte de soja fermenté – ou la sauce hoisin, un condiment épais et sucré ressemblant un peu à de la sauce BBQ.

Comme dans beaucoup de pays d’Asie du Sud-Est, hors-d’œuvre et plats principaux sont servis généralement en même temps sur la table. S’il y a bien une entrée qui est incontournable au Viêt Nam, c’est le nem. Cependant attention, car le terme est vague. Pour déguster ce que l’on appelle parfois le pâté impérial en France, il faut commander des nem rán (parfois appelé chả giò) frits et farcis généralement de porc, de champignons noirs et de vermicelles de riz. Inversement, les nem cuốn sont crus et sont les équivalents de ce que nous appelons les rouleaux de printemps, généralement garnis de crevettes. Très différents, les nem nướng sont des brochettes de porc haché parfumées de citronnelle, de coriandre, de piment, originaires de la province de Khánh Hòa dans le sud du pays. Les bò bía ressemblent à des rouleaux de printemps, mais fourrés de légumes, d’omelette et de saucisse chinoise. D’inspiration française, les bánh patê sô sont des feuilletés à la viande. Les bánh khọt se présentent sous la forme de petites galettes de riz frites garnies de crevettes. Assez proche, le bánh khoái huế est une crêpe de farine de riz fourrée de crevettes et de pousses de soja. Le bánh bao, originaire de Chine quant à lui, prend les allures d’une généreuse brioche vapeur contenant du porc haché, de la saucisse chinoise et des œufs durs. On retrouve ainsi plusieurs bouchées vapeur comme les délicats bánh cuốn, de fines galettes de riz garnies de porc et de champignons ou les bánh bột lọc, des ravioles de riz qui deviennent transparentes à la cuisson révélant leur farce à base de crevettes. Le terme « bánh » inclut toute sorte de préparations à base de farine parfois très différentes entre elles. Celui que les Français connaissent le mieux est sans doute le bánh mì un sandwich à base de baguette de pain, héritage français, généreusement garni de bœuf, de porc, de saucisses avec toute sorte de crudités : concombre, carotte, coriandre, laitue.

Les salades sont en effet très appréciées au Viêt Nam. On peut citer la gỏi đu đủ (salade de papaye verte avec du nuoc nam, des crevettes et du porc, parsemée de cacahuètes pilées), la gỏi ngó sen (salade de tiges de lotus, de crevettes et de cacahuètes), la nôm chuôi (salade de fleurs de bananier) ou la bò tái chanh (salade de bœuf aux oignons assaisonnée de citron vert et de piment). Mais s’il y a bien un aliment de base absolument incontournable dans le pays, c’est évidemment le riz. Qu’il soit blanc (gạo trắng), gluant (gạo nếp) ou parfumé (gạo thơm hoa nhài), il est essentiel dans le quotidien des Vietnamiens. Le riz parfumé est plus cher et plutôt consommé en périodes de fêtes comme le Têt, le Nouvel An vietnamien qui a lieu en hiver. Le riz s’invite comme aliment premier dans des plats complets tels que le cơm chiên (riz frit), le cơm hến (riz aux palourdes), le cơm gà rau thơm (riz sauté poulet effiloché & menthe) ou encore le cơm chiên cá mặn (riz au poisson séché et salé que l’on garnit également de poulet et d’omelette). Autres spécialités de riz : le bánh chưng est un gâteau de riz gluant de forme carrée, fourré de porc et de piment et cuit à la vapeur et bánh ít, une pyramide de riz cuit à la vapeur farcie de viande et moulée dans des sortes de cônes en feuilles de palmier tressées.

Pho, bo bun et autres plats

Les nouilles et les soupes forment bien souvent un repas complet au Viêt Nam et généralement il n’est pas rare qu’elles soient consommées ensemble. Le pho (parfois écrit phở) est le plus illustre. Le berceau du pho serait situé dans la ville de Nam Dinh, au sud du delta du fleuve Rouge. Son bouillon délicieusement parfumé est la clé de cette recette. Il se compose d’os de porc ou de bœuf, d’oignon, d’ail, de poivre, d’anis étoilé, de gingembre ou encore de cannelle, le tout étant grillé pour en exalter les saveurs avant d’être plongé dans une grande marmite d’eau. On sert le tout, longuement mijoté, avec des vermicelles de riz, des crudités, de la menthe, de la coriandre et une foule d’autres herbes, ainsi que de la viande crue souvent coupée en tranches si fines que le bouillon brûlant va les faire cuire en quelques secondes. Le pho est accompagné sur la table d’une petite assiette avec des piments hachés pour ceux qui l’aiment plus relevé.

Autre terme familier à explorer : bo bun. Bien sûr, il existe aussi bien d’autres recettes que l’on appelle improprement bo bun comme le bún bò huế, une soupe de nouilles avec porc épicé. Ce dont on se régale en France s’appelle au Viêt Nam bún thịt nướng avec sa garniture de nouilles, de viande, couronné de nems. Plus simple, le bún bò nam bộ contient uniquement des lamelles de bœuf, mais pas de nems. On peut également essayer le savoureux bún chả avec des vermicelles de riz et des boulettes de porc assaisonnées de nuoc nam et de piment. Si le bún mắm, une soupe pimentée aux fruits de mer est très populaire dans le sud du pays, au nord on préfère le bún riêu, une soupe de crabes d’eau douce parfumée à la tomate et au tamarin, garnie de tofu frit et de pousses de soja. Enfin, le canh chuan est une recette originaire du delta du Mékong, à base de poisson, d’ananas, de tomates et de tamarin.

Les Vietnamiens apprécient particulièrement le porc et le poulet ainsi que le bœuf. Parmi les plats les plus connus on peut citer le thịt kho tàu ou porc au caramel, généralement cuit avec des œufs durs. Le bò lúc lắc est un plat d'inspiration française censé mimer notre entrecôte-frites, bien qu’ici le bœuf soit sauté avec de la sauce soja et accompagné de bâtonnets de légumes, en plus des frites bien sûr. Le bò kho est un ragoût de bœuf contenant parfois des tripes, agrémenté de carottes et de sauce tomate. La chả lụa est une saucisse de porc maigre et d’amidon de pomme de terre ressemblant à du boudin blanc. Quant au boudin noir vietnamien – dồi tiết (Nord) ou dồi huyết (Sud) –, il est aussi très populaire. Le gà nướng sả (poulet grillé à la citronnelle) se trouve à tous les coins de rue. Enfin si le lait de coco est moins utilisé qu’en Thaïlande, par exemple il rentre dans la composition du cà ri gà – un curry de poulet avec pommes de terre et carottes – parfumé à la citronnelle. 

Avec quelque 3 500 km de côtes et autant d’estuaires et de rivières, poissons et fruits de mer sont indissociables de la cuisine du pays. Le cá kho tộ est une recette de poisson caramélisé dans une sauce aigre-douce garni de piments et d’oignon vert, alors que le chả cá lã vọng est préparé avec du poisson mariné dans un mélange de curcuma et de galanga – un cousin du gingembre – avant de le faire griller. Le chạo tôm est une pâte de crevettes pressée autour d'un bâtonnet avant d'être frite, tandis que les bánh tôm sont des croquettes de crevettes et de patate douce râpée. Pour finir, le simplissime, mais délicieux tôm rang muối ớt est préparé avec des crevettes frites juste assaisonnées de sel, de poivre et d’un peu de coriandre.

Desserts et boissons

Les marchés locaux regorgent d’un nombre incroyable de fruits et légumes que nos climats tempérés ne soupçonnent même pas. On retrouve bien sûr le classique ananas (dứa), juteux, la mangue (xoài) mûrie à point, les bananes délicieusement sucrées qui se déclinent en plusieurs variétés telles que la banane royale (chuôi ngu), banane occidentale (chuôi tây), banane à pépins (chuôi hôt), car oui les bananes possèdent de gros pépins ronds dans la nature. Orange, mandarine (cam sanh), clémentine (quât au nord, tac au sud) et citron (chanh) s’apprécient en jus alors que le pamplemousse (bưởi) au Viêt Nam est un énorme agrume gros comme un melon, vert clair avec une pulpe jaunâtre à la fois acidulée et sucrée. Le litchi (lệ chi) originaire du sud de la Chine est cultivé au Viêt Nam depuis plus d’un millénaire.

Mais on observe aussi des fruits moins connus comme l’anone corossol (mang câu xiêm) à la pulpe blanche et crémeuse, très sucrée. Le Viêt Nam est le premier producteur mondial de noix de cajou. Si tout le monde connaît la noix, rares sont ceux qui ont déjà goûté son fruit – appelé également pomme-cajou (đào lộn hột ou điều) – juteux, parfumé et légèrement acide. Très apprécié en sirop, liqueur et confitures. Découpée en tranches, la carambole (khế) dévoile des rondelles en forme d’étoiles dorées. Le durian (durion, sâu riêng, tu rên) est considéré dans beaucoup de pays d’Asie comme un mets des plus raffinés. Ce fruit brunâtre de la taille d’une pastèque est hérissé de piquants. Bien souvent on le sent avant de le voir. Le durian est en effet connu pour l’odeur forte et entêtante de sa pulpe jaune et crémeuse que les Vietnamiens adorent. Les avis côté Occidentaux sont plus mitigés. À tester donc. Le fruit du jacquier (mít), vert et piqueté, est si énorme qu’il pousse directement sur le tronc. Sa chair pulpeuse et dorée est très appréciée en desserts comme en curry, où il tend à reproduire la texture légèrement filandreuse de la viande. La longane (nhan) fait la taille d’un gros raisin. Sous sa peau dure et brune, elle cache une chair translucide et délicieuse. Le mangoustan (măng cụt) possède une épaisse peau pourpre qui dissimule une pulpe blanche, fondante et sucrée. Enfin, le ramboutan (chom chom), originaire de Malaisie, a été récemment acclimaté au Viêt Nam. Très typique, sa peau est rouge, hérissée de poils longs.

Cependant, même si ces fruits tropicaux sont aussi variés que succulents, il ne faudrait pas s’arrêter en si bon chemin. Parmi les desserts les plus connus, on peut citer le chè. Entre un pudding et une boisson, il est généralement fabriqué à partir de haricots et de riz gluant. De nombreuses variétés de chè sont disponibles, chacune contenant des fruits et des garnitures différentes. Le chè peut être servi chaud ou froid et souvent avec du lait de coco. Le chuối chiên est très commun sur les marchés. Cette banane frite est souvent servie chaude avec de la crème glacée, généralement à la vanille ou à la noix de coco. Le bánh rán se présente sous la forme de petites boules au sésame, frites, fourrées d’une crème aux haricots mungos, un parent du soja. Le bánh khoai mì est un riche et dense gâteau de manioc au lait de coco. Influencé par la cuisine française, le bánh flan est servi avec une sauce au caramel ou au café. Le bánh bò, une génoise sucrée et aérienne, est parfumée au lait de coco, à base de farine de riz alors que le bánh da lợn, beaucoup plus dense, est cuit à la vapeur. Il est composé de farine de riz et de lait de coco, alternant des couches de différentes couleurs parfumées au taro, au durian ou au pandan, une feuille très parfumée venant d’un arbre proche d’un palmier.

Selon une étude menée en 1975 par un savant soviétique, les plus vieux théiers du monde seraient situés sur le territoire vietnamien dans la région frontalière avec la Chine. Mais l’incertitude demeure quant à la manière dont la consommation du thé s’est imposée dans le pays, vraisemblablement entre le VIIe et le Xe siècle. Le thé est aujourd’hui cultivé dans 30 provinces vietnamiennes, surtout dans le nord et les hauts plateaux du centre. Le thé noir est réservé à l’exportation et c’est essentiellement le thé vert (che xanh) qui est consommé dans le pays. Quand un visiteur se rend dans une maison vietnamienne, il se verra toujours offrir du thé. Le Viêt Nam produit 15 variétés de thé. Récemment, la presse a fait état de la découverte du plus grand arbre à thé du pays, dans la province montagneuse de Lang Son. L’arbre mesurerait plus de 2 m de diamètre, avec une hauteur de plus de 30 m.

Même si on associe toujours l’Asie au thé, on sera surpris d’apprendre que le café occupe une place importante dans le pays. Déjà parce que le Viêt Nam est le 2e producteur mondial après le Brésil, mais également parce que les locaux en consomment énormément. Environ 95 % de la production est du café robusta qui se prête mieux au climat du pays. On retrouve quelques décoctions qui méritent le détour comme le cà phê sữa đá, un café noir très corsé avec du lait concentré sucré ou plus surprenant, mais délicieusement riche, le cà phê trứng, qui contient du jaune d’œuf, énergiquement fouetté avec du lait, qui permet d’obtenir un café des plus riches. Le café est même parfois lié avec de la purée de banane ou d’avocat pour une texture encore plus crémeuse.

Côté boissons fraîches on peut citer le soda chanh muối, un soda avec du sucre et du citron vert confit au sel ou le nước mía : jus de canne à sucre servi avec des glaçons. Très rafraîchissant, le trà đá chanh est un simple thé glacé au citron. Enfin le sinh tố est le nom générique donné aux smoothies de fruits. Les Vietnamiens apprécient beaucoup la bière également. On retrouve ainsi la Saigon Beer, la 333 Imported Prenium Beer, la Larue Beer, ainsi que la Hanoi Beer et la Truc Bach Beer. Le terme bia hơi (littéralement « bière fraîche ») est le nom donné à la bière pression, notamment dans le nord du pays (environ 3°). On retrouve également quelques alcools plus forts comme le classique rượu đế, un alcool de riz à environ 40°. Il n’est d’ailleurs pas rare que la bouteille contienne un serpent, un gecko ou un scorpion, censés être aphrodisiaque. Attention toutefois, en plus d’être d’un goût douteux, ces bouteilles renferment parfois des espèces menacées et le risque d’une confiscation et d’une grosse amende est envisageable.

Bizarreries gastronomiques

S’il est un peu cliché de dire que l’Asie regorge de bizarreries alimentaires, force est de reconnaître que le Viêt Nam compte un bon nombre de spécialités qui s’adressent aux gourmets les plus aventureux. Aucun jugement ici, en réalité beaucoup de ces plats sont souvent délicieux lorsqu’on saute le pas et qu’on ose y goûter, même si certains restent plus inaccessibles pour un public occidental. Les marchés sont des lieux parfaits pour partir à la découverte des plats les plus surprenants du Viêt Nam. On peut citer le marché de Ben Thanh et de Binh Tay à Hô Chi Minh-Ville, ainsi que le marché Dong Xuan à Hanoi ou bien encore le marché de Dong Ba (Huê) ou le marché central de Hoi An.

Les œufs fécondés – contenant donc un fœtus partiellement développé – sont très recherchés. Le rứng vịt lộn (très connu également sous le nom de balut aux Philippines) est préparé avec un œuf de canard fécondé qui est bouilli et mangé dans sa coquille. Il est généralement servi avec des herbes fraîches, du sel et du poivre noir. Le trứng cút lộn – à base d’œuf de caille – est une collation aimée de nombreux étudiants vietnamiens. Comme chez ses voisins, les insectes sont traditionnellement des mets de choix notamment pour leur forte teneur en protéines et leur faible coût. Le bélostome ou ca cuông est cependant plus utilisé comme un condiment. Ce gros insecte de la taille d’une cigale est pourvu de vessies contenant une substance aromatique, piquante, parfumée, utilisée pour relever les sauces et accompagner certains plats (poisson grillé, galettes de riz, etc.). Mais on peut aussi citer le ver à soie (nhộng) ou encore le ver néréide (rươi), que l’on déguste sous forme d'omelette (chả rươi), de sauce fermentée (mắm rươi), cuit à la vapeur (rươi hấp lá sen), ou sauté avec du piment et des pousses de bambou (củ niễng xào rươi).

La cuisine nord-vietnamienne est également remarquable pour la diversité des viandes consommées qui entrent dans la composition de nombreuses spécialités locales, comme la viande de rat, de serpent, de tortue à carapace molle, de moineaux, ainsi que du gibier comme le cerf et la chèvre. Tabou dans de nombreux pays occidentaux et dans le sud du Viêt Nam, la consommation de viande de chien et de chat est courante dans le nord du pays. Bien que cela puisse nous paraître choquant, n’oublions toutefois pas que le foie gras dont les Français se délectent chaque Noël est un produit hautement controversé dans le reste du monde et interdit dans près d’une vingtaine de pays.

Les abats restent également très prisés. Les testicules de poulet et les œufs non développés sont sautés avec des légumes et servis comme un plat de tous les jours. De nombreux plats traditionnels du festival du Tết, tels que le giò thủ et le canh măng móng giò, impliquent l’utilisation de têtes de porc, de langues, de gorges et de pieds. L’ingrédient principal du canh bóng, une sorte de soupe, est la peau de porc. On trouve des cerveaux de porc cuits à la vapeur presque partout dans une rue vietnamienne. Toujours dans le nord du Viêt Nam, l’un des plats vietnamiens les plus déstabilisants est certainement le tiết canh. Confectionné avec du sang de canard ou de porc cru partiellement coagulé grâce à un bouillon riche en cartilage, il est accompagné de morceaux de gésiers, de cacahuètes pilées et de menthe.

Comme dans la cuisine chinoise, on retrouve des mets vietnamiens où l’ingrédient principal est apprécié surtout pour sa texture plus que son goût. C’est le cas du gỏi sứa, une salade de méduse, de carotte râpée, de coriandre et de champignons noirs. La méduse est utilisée pour son côté élastique, mais ne possède en soi aucun goût particulier. Quant à la soupe de nid d’hirondelle ou súp yến sào, on lui attribue des vertus médicales alors que sa rareté en fait un mets extrêmement coûteux.