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Origines

Les premières traces d’expression artistique concernent la poterie et l’art pariétal. Datées de l’âge de pierre, elles sont l’œuvre des San, un peuple de chasseurs-cueilleurs. Les parois des grottes sont recouvertes de dessins aux thèmes et techniques variés, incluant des incisions. Animaux, figures humaines et scènes mystiques sont représentés dans des tons brun, ocre, rouge, jaune et blanc.

Dans la pure tradition africaine, l’art du Zimbabwe touche tous les aspects du quotidien. En plus des objets usuels, les masques, tambours, textiles mais aussi les tatouages sont ornés de perles, de plumes, de motifs figuratifs et abstraits. Le chevron et l’oiseau Zimbabwe s’imposent dans le champ lexical, et sont couramment sculptés dans la pierre. Repris en architecture, l’oiseau inspiré de l’aigle bateleur des savanes deviendra l’emblème national.

Débuts de l’ère moderne

Au XIXe siècle, la culture autochtone se retrouve piétinée par les missionnaires chrétiens. Dès leur arrivée, ceux-ci imposent la destruction de tout ce qui est contraire à leurs croyances. Tout objet spirituel, en particulier les masques et les statuettes votives, est voué à disparaître.

Le bâton sacré, sculpté et surmonté d’un pommeau en or, séduit les chercheurs d’or. Symbole de l’autorité, cette icône de la culture zimbabwéenne est l’attribut du médium ou chef de tribu.

Petit à petit, l’immense majorité des productions du Zimbabwe est destinée aux touristes et à la population blanche locale.

Inversement, les Européens qui visitent le Zimbabwe au XIXe siècle aiment peindre des vues du pays à rapporter chez eux. Les artistes britanniques peignent des scènes de chasse au Zimbabwe lors d’une expédition menée par le missionnaire David Livingstone entre 1858 et 1861.

L’indépendance

Les guérillas nationalistes des années 1970 sont marquées par toutes sortes d’atrocités. À ceux qui sont accusés de collaborer avec les forces en place, on coud les lèvres. Le gouvernement blanc commande alors des photographies publiées en livret de propagande sous le titre « Anatomy of Terror ».

À la même période, la minorité blanche se plaît à peindre la faune et la flore locales. En plus d’éviter les sujets qui fâchent, ces œuvres offrent des instantanés d’une époque.

Peu d’artistes noirs sont reconnus avant 1980. Signalons tout de même le peintre Kingsley Sambo (1932-1977) et le sculpteur figuratif Joseph Ndandarika. Ces artistes se forment dans les centres catholiques auprès du missionnaire John Groeber.

Thomas Mukarobgwa (1924-1999), peintre et sculpteur né à Nyanga, a travaillé presque toute sa vie dans les galeries d’art. Sa rencontre avec Frank McEwen, alors jeune directeur de la National Gallery of Zimbabwe, est déterminante. En plus de le recruter, McEwen lui fournit du matériel et l’invite à s’inscrire à l’école artistique qu’il ouvre dans le sous-sol du musée. C’est ainsi qu’il débute en peinture ; quatre de ses toiles entreront au MoMA. Les paysages et légendes du Zimbabwe restent au cœur de sa thématique. Son style se caractérise par sa palette vive et la simplicité de la composition.

La National Gallery participe au lancement de nombreux artistes, notamment par le biais de l’exposition annuelle d’art contemporain « Zimbabwe Heritage ».

Sculpture shona

La sculpture shona, qui tire son nom de la principale tribu du Zimbabwe, est l’un des plus importants mouvements artistiques africains du XXe siècle. Les principaux thèmes illustrés reprennent la mythologie shona, dont la métamorphose humain-animal. Par tradition, la pierre de prédilection des sculpteurs est la stéatite. Avec le temps, les dimensions des sculptures augmentent pour satisfaire les collectionneurs blancs.

Jairos Jiri (1921-1982), surnommé Baba ou père, a grandement favorisé l’essor de la sculpture shona. Par le biais de l’association Jairos Jiri, il entreprend d’enseigner aux personnes porteuses de handicaps des compétences artistiques (peinture, sculpture, vannerie, orfèvrerie, etc.). Le centre Jiri, le premier du genre en Afrique, assure dès les années 1960 la promotion des artistes à l’international.

À l’origine, les ouvriers des mines cherchaient un exutoire à leurs émotions. Les premiers artistes de cette mouvance se nomment Henry Munyaradzi, Fanizani Akuda, Nicholas Mukomberanwa, John Takawira, Bernhard Takawira, Bernhard Matemera et Edward Chiwawa.

En 1957, quand Frank McEwen prend la direction de la galerie nationale d’Harare, les artistes shona ont enfin un lieu où travailler et exposer. McEwen organise pour eux des expositions collectives en France et au Royaume-Uni.

On ne manquera pas aussi de visiter The Shona Sculpture Gallery à Harare.

Nicholas Mukomberanwa

Parmi les premiers étudiants de l’école de l’actuelle galerie nationale, le sculpteur Nicholas Mukomberanwa (1940-2000) commence par le dessin. Officier de police en Afrique du Sud entre 1962-1976, ce séjour marque son style de manière déterminante. Suite à sa rencontre avec Franck McEwen en 1962, il se tourne vers la sculpture. Le conservateur lui offre un espace au sein de la Workshop School du musée et le matériel nécessaire au travail de la pierre.

En 1976, Nicholas quitte la police pour devenir sculpteur professionnel. Il connaît un succès retentissant en Afrique du Sud. Grâce aux ventes de ses œuvres, Mukomberanwa se lance dans l’agriculture et délègue aux membres de sa famille certaines tâches dans la réalisation de ses sculptures. Son style unique s’aiguise au fil de ses expositions à travers le monde. Car ce pionnier de la sculpture contemporaine shona multiplie les innovations. Il joue avec les textures et les couleurs tout en préservant un style méditatif.

En 1993, il expose au Chapungu Sculpture Park à Harare. Ses œuvres sont intégrées aux collections les plus prestigieuses, tel au MoMA de New York, au British Museum de Londres et bien sûr à la National Gallery of Zimbabwe à Harare.

Ses sept enfants sont aussi sculpteurs.

Chapungu et la sculpture contemporaine

Le Chapungu Sculpture Park, créé à l’initiative de Roy Guthrie dans les années 1970, devient rapidement le centre de la sculpture zimbabwéenne. Roy Guthrie commence par fonder une modeste galerie destinée à promouvoir la sculpture. Bien vite, son projet s’étale sur plusieurs hectares.

Ce village de la sculpture abrite des expositions internationales qui attirent les touristes. Malheureusement, le déclin du tourisme a un impact sur la fréquentation du lieu. Malgré tout, les jeunes artistes continuent de trouver leur place au sein de la propriété.

Seconde génération

Tapfuma Gutsa, né à Harare en 1956, explore les moyens d’expression. Il commence par la photographie, jusqu’à sa rencontre avec le sculpteur Cornelius Manguma, qui le sensibilise au travail de la pierre. Il part dans les années 1980 étudier à Londres. Dès lors, il proposera un regard personnel sur la culture africaine à travers le prisme de la culture européenne.

Gutsa est le premier à introduire dans ses sculptures et installations le bois, le fer et toutes sortes de matières organiques.

En 2003, il condamne avec d’autres artistes le régime de Mugabe. En 2007, il fait partie des plasticiens sélectionnés pour participer à l’exposition du Victoria and Albert Museum de Londres, « Uncomfortable Truths: The Shadow of Slave Trading on Contemporary Art » (ou Vérités dérangeantes : l'ombre de la traite des esclaves sur l'art contemporain).

Primé par la Galerie nationale du Zimbabwe, il participe à la Biennale de Venise en 2011. Dans ses installations, les thèmes de la sculpture shona restent présents comme dans Genesis, conservé à la National Gallery of Zimbabwe.

La sculptrice Agnes Nyanhongo, née à 1960, s’illustre dans la représentation de femmes dignes, débordantes de vitalité.

C’est par la photographie que Calvin Dondo, né en 1963 en Rhodésie, analyse la société contemporaine, en particulier en milieu urbain.  Commissaire du Mois de la photographie à Harare, il met sa notoriété au profit de la jeune photographie.

Peinture

Plus discrète sur la scène culturelle, la peinture est néanmoins portée par des talents exceptionnels. La plupart des peintres pratiquent d’autres disciplines en parallèle. Certains font couler de l’encre à leurs dépens, comme Owen Maseko, né en 1975, et incarcéré le lendemain du vernissage de son exposition « Sibathontisele » (National Gallery à Bulawayo, 2010). Constituée de trois installations et de douze peintures, l’exposition alertait sur les massacres subis par la population ndebele, sous la dictature de Robert Mugabe. Outre leur teneur politique, ses toiles à dominante rouge sont d’une force expressionniste stupéfiante.

Tapiwa Chapo, sculpteur et peintre, voue un culte à la matière. Dans la tradition de la culture shona, il fait jaillir des émotions et des formes de la serpentine, une pierre semi-précieuse. Pour peindre, il détourne la technique du batik en s’appropriant les teintures végétales.

Wallen Mapondera, né en 1985 au Zimbabwe, s’est établi en Afrique du Sud. À Paris, il expose à la galerie Mitterrand son travail multifacettes. Peinture, dessin, installation et sculpture sont associés pour produire des sculptures murales inspirées d’un jeu d’enfants, le chikokoko. Son message ? Apporter du plaisir et de la joie !

Art public

Bien que l’art public soit prohibé au Zimbabwe, certaines peintures murales ou statues sont tolérées par les autorités. Plus les règles sont strictes, plus les artistes de rue clament leur besoin de liberté. Quand l’espace public fait office de tribune politique, il s’expose à la controverse, voire à des peines de prison. Plus étonnant, la population s’est insurgée en 2010 quand le gouvernement a commandé deux statues de Joshua Nkomo à des artistes nord-coréens.

Basil Matsika préfère se détourner des thèmes sociaux ou politiques. Ses fresques colorées se déploient à Mbare, l’un plus anciens quartiers d’Harare. En célébrant musiciens et footballeurs, il espère transmettre de l’espoir dans un quartier rongé par le crime. Le long de Matapi Road, les héros nationaux peints sur les murs font un pied de nez à la pauvreté.