Art et tradition

La peinture sous verre naît au XIVe siècle sur le bassin méditerranéen. Très répandue en Tunisie, elle s’est perpétuée jusqu’à nos jours. Selon la version la plus courante, cet art populaire aurait été apporté par les portraitistes turcs. Toutefois, l’influence syro-égyptienne domine dans sa version tunisienne. Les peintres locaux n’hésitent pas à représenter des personnages de l’histoire musulmane malgré les interdits, ce qui révélerait l’influence des peintres chrétiens. On rapproche également la peinture sous verre des traditions persanes apparues en Irak dans les illustrations du XIIIe siècle. Ce savoureux mélange d’inspirations orientales et occidentales a rapidement engendré un style spécifiquement tunisien. Naïf et coloré, il conserve volontiers son caractère religieux : scènes de la vie du Prophète Mahomet, conquête de l'Ifriqiya par les musulmans entre autres thèmes.

Les peintres sous verre se considéraient davantage comme des artisans. Ainsi, l’arrivée de la peinture de chevalet ne fut pas toujours perçue d’un très bon œil. La posture du peintre occidental, debout tel un maître observateur du monde eut du mal à entrer dans les mœurs. Cela n’empêche pas ces deux attitudes de coexister et même de se renouveler.

Depuis peu, plusieurs artistes rajeunissent cet art traditionnel en introduisant l’abstraction. A leur tête, Youssef Rekik (1940-2012) alliait calligraphie arabe, mythologie orientale et motifs abstraits. Par ailleurs homme de théâtre, il reste une figure majeure de la culture tunisienne.

Hédi Khayachi

Né en 1882 à Tunis, Hédi Khayachi est considéré comme le premier peintre professionnel musulman en Tunisie. Son intérêt pour la peinture l’entraîne à Paris, où il se forme dans les académies de Montparnasse puis à Rome où il se spécialise dans le portrait avant d’accomplir une tournée des musées européens.

En 1908, il devient portraitiste officiel de la cour des Husseinites. Outre ses figures de hauts dignitaires, Khayachi peint des paysages et des scènes de la vie traditionnelle dans lesquelles il rend hommage aux femmes. Il représente la Tunisie dans de nombreux événements culturels internationaux. A sa mort, il laisse de nombreuses œuvres qui seront achevées par son fils, le peintre Noureddine Khayachi.

L’Ecole de Tunis

Khayachi fréquente les artistes d’avant-garde tels que Pierre Boucherle (1894-1988), orientaliste et paysagiste tunisien. A Paris, Boucherle côtoie Modigliani et Derain avant de poursuivre ses études artistiques en Espagne. Il rentre en Tunisie après la Seconde Guerre mondiale. Là, il fonde le Groupe des Quatre, qui se développe en Groupe des Dix qui sera rebaptisé Ecole de Tunis.  Ce mouvement se caractérise par l’alliance de sujets populaires et d’une réalité magnifiée.

Parmi les nus, les paysages et les natures mortes peints par Boucherle, Le Moulin de La Goulette reste son œuvre la plus célèbre.

L’Ecole de Tunis se voulait ouverte à tous les jeunes talents locaux. Elle accueillit notamment Ali Bellagha, Maurice Bismouth, Hatem El Mekki, Ammar Farhat, Jules Lellouche, Moses Lévy, Edgard Naccache et Yahia Turki. A partir de 1960, deux tendances se dessinent au sein du mouvement : un groupe qui se réclame de Paul Klee et l’autre attaché à la calligraphie coufique. La décennie suivante est marquée par une branche abstraite. De nombres femmes développent une belle carrière au sein du groupe, conjuguant modernité et particularités tunisiennes. Safia Farhat (1924-2004), peintre, céramiste et tapissière œuvre à la réforme de l’enseignement artistique en Tunisie ainsi qu’à la défense des droits de la femme. Le musée Safia Farhat a été ouvert à Radès, sa ville natale où elle vécut toute sa vie.

Hatel El Mekki (1918-2003) est sans doute l’artiste tunisien le plus célèbre. Remarqué très jeune pour l’habileté de son trait, il reste connu pour ses caricatures, les billets de banque et les 500 timbres qu’il a dessinés pour différents pays du monde. En tant que peintre, mosaïste et affichiste, il a souvent exposé en Tunisie mais aussi à Pékin, Washington ou encore Berlin.

Art contemporain

A Tunis, une quinzaine de galeries montrent un art accessible à tous. Elles font contrepoint aux galeries plus sélectives de la banlieue nord de Tunis. Entre ces deux pôles, des lieux de création défendent un art alternatif dans le pays. L’espace Central Tunis, la station B7L9, Dar Sebastian ou Villa Sebastian en sont de parfaits exemples. Dédié à l’art contemporain, l’Espace central Tunis sensibilise tous les publics aux nouvelles propositions artistiques. Rappelons que la révolution de 2011 a été suivie d’une phase de morosité. Mais ces dernières années, des artistes de tous horizons veulent faire entendre leur voix.

En périphérie, la station B7L9 apporte l’art contemporain au cœur du quartier populaire de Bhar Lazreg. Pour se rapprocher des riverains, le lieu favorise un art abordable, combiné à des métiers traditionnels : conteurs et boulangers s’associent ici aux plasticiens.

Malgré ces initiatives, les jeunes artistes ont du mal à exister en Tunisie. Le principe de collectif d’artistes et les politiques culturelles font cruellement défaut.  Par ailleurs, la Tunisie possède l’une des plus vastes collections d’art du monde arabe, soit 12 000 œuvres. Seul hic, elles ne sont pas accessibles au grand public.

Calligraffitis

Le graffeur franco-tunisien eL Seed est le créateur du calligraffiti, signe qui associe calligraphie arabe et graffiti. Né en France en 1981, il entreprend de traverser la Tunisie au cours de l’été 2013. En chemin, il s’arrête pour orner les murs abandonnés du pays de calligraffitis. Des images de son road trip sont regroupées dans « Lost Walls » un livre rempli d’images émouvantes. Son but est de modifier l’image de la Tunisie dans le monde en rappelant la richesse de son patrimoine.

C’est également par le biais du paysage que le photographe Douraïd Souissi traite des questions sociales, politiques ou historiques. Son travail met en lumière des régions marginalisées comme Kef, Siliana et Kairouan. Né en 1979 à Tunis, il étudie aux Etats-Unis avant de rentrer dans sa ville natale. Il monte en 2006 sa première exposition personnelle puis participe à de nombreuses manifestations internationales comme les Rencontres d’Arles et Expo-Talan à Tunis.